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2022, année exceptionnelle pour les océans
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2022, année exceptionnelle pour les océans

jeudi, 10 novembre 2022
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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22 min de lecture

Le panorama est sombre, mais les avancées sont bien réelles en ce qui concerne les océans. Manque encore des actions concertées, concrètes et ambitieuses pour éviter le pire. Le WWF (Suisse) fait le point.

Depuis le rapport spécial du GIEC sur les océans de 2019, comment la situation a-t-elle évolué ?

Alice Eymard, Ocean Focal Point, WWF (Suisse) : Il n’existe pas d’aperçu actualisé de la situation écologique basée sur des données plus récentes que celles de 2019. La situation a toutefois nettement évolué en termes d’attention accordée à l’océan dans l’espace public. Pendant trop longtemps, l’océan est resté largement absent des discussions mondiales sur le changement climatique. Cette situation est en train de changer, notamment depuis le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) « L’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique », appuyé par d’autres recherches démontrant clairement l’urgence de s’attaquer de manière conjointe aux crises touchant le climat et l’océan. Plus que jamais, les décideurs politiques et le public sont conscients que notre climat et notre océan sont en péril. Il ne s’agit clairement pas de crises distinctes. Toutes deux sont liées et doivent être abordées de concert. L’ampleur du problème exige des actions ambitieuses, utilisant tous les outils et mécanismes à notre disposition.

Il est également important de relever que l’année 2022 se révèle exceptionnelle pour les océans avec plusieurs avancées majeures obtenues lors de la conférence sur les océans qui ont ouvert un nouveau chapitre dans les actions entreprises en faveur de sa sauvegarde. En mars, l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement a décidé d’un commun accord d’entamer des négociations en vue d’un traité mondial contraignant visant à mettre fin à la pollution plastique. Le mois dernier, l’Organisation mondiale du commerce est parvenue à un consensus sur l’interdiction des subventions néfastes à la pêche. Cette année encore, la conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale pourrait déboucher sur un renforcement de la gouvernance en haute mer. Plus tard dans l’année, la 15e conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (COP15) des Nations unies donnera l’occasion d’atteindre un nouvel objectif consistant à protéger 30 % des terres et des mers de la planète d’ici 2030. Quant à la COP27 de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, elle doit mettre l’accent sur les mesures d’adaptation au climat et le financement nécessaire pour renforcer la résilience des océans.

A-t-on atteint un point de non-retour, en sachant que les océans peuvent se régénérer ?

Les scientifiques débattent actuellement du moment où le point de basculement sera atteint. Selon une évaluation récente, on observe que certaines parties de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental pourraient l’avoir déjà franchi. Des signaux d’alerte précoce ont aussi été potentiellement détectés en ce qui concerne la calotte glaciaire du Groenland, la circulation méridienne de retournement atlantique (circulation océanique profonde) et la forêt amazonienne en pleine déstabilisation. Pour certains autres points de basculement, l’évolution sera probablement plus dispersée. Nous estimons que la mort des récifs coralliens tropicaux et le dégel abrupt du pergélisol sont tous deux possibles au niveau du réchauffement actuel. Mais les seuils varient selon les différents récifs ou plaques de permafrost. Ces deux phénomènes se produisent déjà dans certains endroits, mais, selon notre évaluation, ces changements deviendront beaucoup plus répandus et conjoints une fois le seuil de 1,5 °C franchi en termes de réchauffement climatique. Les dernières données scientifiques du GIEC montrent que, même si l’augmentation de la température mondiale moyenne est limitée à 1,5 °C, 70 à 90 % des récifs coralliens tropicaux pourraient avoir disparu d’ici 2050. À 2 °C ou plus, presque aucun ne survivra.

Des poissons autour d'un récif de corail aux îles Salomon. Des lagunes aux abysses: l'océan abrite des habitats d'une grande diversité. © WWF
Quelles sont les mesures les plus urgentes à prendre : émissions carbone, pollution plastique, extraction sous-marine, surpêche… ?

Comme l’a souligné le rapport spécial du GIEC, l’océan dispose de ses propres solutions pour répondre au changement climatique. Mais comme il en subit de plus en plus les effets, cet impact engendre un effet rétroactif qui affecte négativement ses capacités à faire face à l’assaut des émissions carbone et à une mauvaise gestion. Pour affronter ces crises combinées, il faut des approches et des solutions intégrées touchant l’océan et de climat. En outre, la conservation et l’utilisation durable des écosystèmes marins et côtiers sont nécessaires pour garantir la résilience des océans. S’il est géré efficacement, l’océan peut contribuer grandement à maintenir l’équilibre climatique, à nourrir une population croissante, à soutenir le développement économique et à protéger les habitats et la faune sauvage. Mais seul un océan en bonne santé peut fournir ces services essentiels. Il est donc évident que toutes les actions qui contribuent à rétablir l’équilibre de l’océan sont nécessaires pour renforcer sa résilience. C’est pourquoi le WWF soutient des initiatives ciblées visant à restaurer la santé des océans et à soutenir les objectifs sociaux, économiques et environnementaux du développement durable (voir question 8).

Quelle devrait être la législation en haute mer qui pour l’instant fait défaut ?

À l’heure actuelle, les océans situés au-delà de la juridiction nationale des États sont gérés par un ensemble disparate d’accords internationaux qui ne couvrent chacun qu’un secteur ou qu’une région. Aucun ne fournit un système complet de protection du milieu marin, de ses espèces et de ses habitats. Certaines activités, comme la pose de câbles – si importante pour nos économies et nos systèmes de communication actuels basés sur Internet –, ne sont couvertes par aucun accord ou arrangement. Compte tenu de l’augmentation des activités dans ces zones et de l’impact de problèmes relativement nouveaux tels que la pollution plastique, il est urgent de veiller à ce que toutes les activités humaines dans cette zone soient gérées selon une approche holistique qui place la biodiversité et les fonctions des écosystèmes avec les services rendus à l’humanité au centre des préoccupations. Un nouveau traité est en cours de négociation en tant qu’instrument international juridiquement contraignant dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM). Ce traité sur la haute mer concerne la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale (BBNJ). Il viendra compléter la Convention sur la diversité biologique (CDB) en améliorant le cadre juridique applicable aux zones situées au-delà des juridictions nationales. Il est important que ce traité soit suffisamment ambitieux pour s’attaquer aux problèmes actuels et potentiels auxquels l’océan est confronté, contribuant ainsi à garantir sa santé pour les générations futures. Il est également important que les négociateurs reçoivent un signal politique clair pour terminer le travail afin que le traité puisse entrer en vigueur sans délai. L’océan est sous pression et le traité sur la haute mer peut et doit contribuer à atténuer cette pression. Une fois cela mis en œuvre, nous pourrons alors voir l’océan prendre le chemin du rétablissement et de la durabilité.

Les principales questions à résoudre sont les suivantes :

  • une coopération renforcée ;
  • des zones marines protégées ;
  • une évaluation de l’impact environnemental ;
  • des ressources génétiques marines ;
  • un renforcement des capacités et un transfert des technologies marines.

Des progrès significatifs ont été réalisés lors des négociations de ce traité sur les océans à New York, en août 2022. Il est proche de la ligne d’arrivée avec une dernière ronde de négociations en janvier 2023. Selon les options retenues actuellement dans le texte, toutes d’une grande ambition, le traité final devrait fournir un cadre propice à une meilleure protection de la biodiversité et à une gestion plus cohérente et plus efficace des activités dans les zones situées au-delà des juridictions nationales, d’après le rapport interne de la délégation du WWF sur les négociations en cours.

La mer abrite de minuscules bactéries, mais aussi le plus gros animal du monde, la baleine bleue, qui peut atteindre 33 mètres de long. © WWF
Sommet après sommet, on entend les scientifiques, biologistes et écologistes dénoncer une situation qui ne cesse de se dégrader : pour quels progrès à ce stade ?

Pendant trop longtemps, l’océan a été absent des négociations sur le climat et des autres agendas politiques mondiaux. Ces dernières années, les décideurs politiques et le public se sont rendu compte que notre climat et nos océans sont en péril. En soi, c’est déjà un grand pas en avant. De même, les crises océanique et climatique ne sont pas des questions distinctes. Elles sont liées et doivent être abordées de concert. L’ampleur du problème exige des actions ambitieuses, utilisant tous les outils et mécanismes à notre disposition. En réaffirmant que l’océan est fondamental pour la vie sur notre planète et pour notre avenir, les signataires de la déclaration de Lisbonne lors de la conférence des Nations unies sur les océans de juin 2022 ont souligné l’importance particulière en ce qui concerne la mise en œuvre de l’Accord de Paris de 2015 et du pacte de Glasgow sur le climat de novembre dernier pour contribuer à garantir la santé, la productivité, l’utilisation durable et la résilience de l’océan.

Cependant, le document ne comporte pas de véritable mécanisme d’application et ne détaille pas d’objectifs ou de politiques spécifiques à mettre en œuvre par les États. Pourtant, nous ne pouvons pas ignorer les petites – mais importantes – victoires de la conférence. Tout d’abord, un certain nombre de pays renforcent leurs objectifs de protection marine. En outre, le « Protecting Our Planet Challenge » a annoncé un investissement d’au moins 1 milliard de dollars pour soutenir la création, l’expansion et la gestion d’aires marines protégées et des zones marines et côtières gérées par les autochtones et les collectivités locales d’ici 2030. La coalition Aquatic Blue Food a été lancée avec succès lors de la conférence. Un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins a été un sujet brûlant de la conférence, avec un leadership fort de la part des grands États océaniques du Pacifique, soutenus par l’annonce du président français Emmanuel Macron, qui milite pour un cadre juridique permettant de mettre fin à l’exploitation minière en haute mer et d’éviter de nouvelles activités qui mettent en danger les écosystèmes. Les pays se sont collectivement engagés à faire plus, et plus vite, mais comme on le voit clairement, les actes ne suivent pas leurs paroles. D’un point de vue optimiste, tout porte à croire que nous verrons des changements au cours de la prochaine « décennie des océans ». Mais nous avons dépassé le stade de la prise de conscience, nos dirigeants doivent maintenant agir en conséquence. À noter toutefois que ces dernières années de nouveaux engagements internationaux ont vu le jour, visant à améliorer la compréhension scientifique des océans et à intensifier le financement pour un océan durable.

Quelle est la part de « greenwashing » dans l’engagement des multinationales en faveur des océans ?

Le WWF ne dispose d’aucune donnée sur l’écoblanchiment potentiel des multinationales sur l’océan et ne peut donc pas répondre à cette question. L’écoblanchiment existe depuis des décennies, mais il a potentiellement augmenté ces dernières années en raison de la demande croissante des consommateurs pour des produits verts. Il existe 150 engagements du secteur privé en faveur des océans enregistrés sur le site internet des Objectif de développement durable. Le plan directeur du WWF pour l’action climatique des entreprises définit une hiérarchie solide dans les mesures à prendre en termes de réduction réelle des émissions carbone conformes aux objectifs de Paris, les incitant également à investir pour que leur impact sur le climat et la nature leur permette de réduire les émissions restantes.

À votre avis, que manque-t-il pour faire bouger les choses : une prise de conscience collective, une volonté politique, une législation plus contraignante, des données scientifiques précises… ?

Tous ces points comptent. L’action pour l’océan est une action pour le climat. Le temps de l’action est venu. Lors de la COP27 à Charm el-Cheikh (6-18 novembre 2022), le WWF continue de plaider en faveur d’une action et d’un financement concertés pour l’océan et le climat dans le but de réaliser les objectifs climatiques mondiaux. L’agenda océan-climat comporte trois volets :

  • S’assurer que les résultats du dialogue océan-climat soient présentés à la COP27 et que les interventions prioritaires et les actions tangibles qu’il propose soient intégrées dans les documents de décision de la COP, reflétant une volonté de passer à l’action. L’océan est essentiel au bon fonctionnement du climat. Un dialogue océan-climat récurrent est essentiel pour les futurs accords sur le climat.
  • Les parties doivent développer et généraliser les solutions climatiques basées sur l’océan, renforcer l’action et le financement océan-climat et inclure ces engagements dans leurs contributions décidées au niveau national (CDN) et dans leurs plans nationaux d’adaptation (PNA) tels que formulés dans le cadre des engagements de l’Accord de Paris. Au moins la moitié du financement climatique doit être investi dans des mesures d’adaptation, et les pays développés doivent immédiatement respecter leur engagement en matière de financement climatique à hauteur de 100 milliards de dollars par an.
  • Faire progresser l’adaptation et la résilience des communautés côtières en première ligne. Des mesures doivent être prises dès maintenant pour renforcer le potentiel d’adaptation et de résilience de l’océan et des communautés qui en dépendent, grâce à des solutions fondées sur la nature et à des actions « net zéro ».

Le dialogue sur les océans et le changement climatique de l’ONU a eu lieu lors de la conférence sur le changement climatique de Bonn en juin 2022. Ce dialogue a mis en évidence l’importance vitale de l’océan pour la biodiversité, les moyens de subsistance et comme composante fondamentale du système climatique, tout en soulignant la nécessité d’une plus grande action climatique liée à l’océan :

  • Nous devons protéger et valoriser l’océan, porteur de solutions et d’actions climatiques durables.
  • Les mesures liées à l’océan sont importantes dans la perspective d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’un renforcement de la résilience au changement climatique.
  • L’océan offre un espace pour des solutions à intégrer dans les politiques et stratégies nationales en matière de climat.
  • Les technologies marines et les solutions fondées sur la nature marine et côtière doivent être réunies pour garantir une action plus solide, complète et rentable que si elles sont utilisées en ordre dispersé.
  • Nous devons utiliser, améliorer et intégrer les dernières données océanographiques et autres systèmes de connaissances disponibles.
  • Une approche globale réunissant toutes les parties prenantes de la société est nécessaire pour une action océan-climat, y compris en matière de gouvernance.
  • Le financement et l’accès au financement pour toute action océan-climat doivent progresser.
  • Le renforcement du financement et des autres formes de soutien doit tenir compte de la complexité de la problématique afin de favoriser des solutions innovantes et multidisciplinaires.
Quels sont les engagements pris par le WWF en ce qui concerne les océans ?

Le WWF s’est engagé à atteindre trois objectifs ambitieux pour la conservation des océans :

  • Perte zéro des habitats naturels : d’ici 2030, conserver et gérer efficacement au moins 30 % des écosystèmes côtiers et marins.
  • Réduire de moitié l’empreinte écologique : d’ici 2030, réduire de moitié les pêcheries gérées de manière non durable dans le monde.
  • Zéro extinction : d’ici 2030, mettre fin à la surexploitation des espèces, rétablir et stabiliser celles qui sont menacées.

Le WWF travaille en partenariat avec les communautés, les entreprises et les gouvernements pour restaurer la santé des océans dans l’intérêt des populations et de la nature. Les priorités du WWF en matière de conservation des océans se traduisent par cinq initiatives mondiales :

  • Accélérer la conservation menée par les communautés côtières
    Objectif : d’ici 2030, 4 millions de km² d’écosystèmes côtiers critiques seront sécurisés. Les communautés locales seront dotées des compétences, des capacités et des mandats nécessaires pour gérer efficacement les ressources naturelles dont elles dépendent.
  • Économie bleue durable
    Objectif : d’ici 2030, les principes de l’économie bleue durable seront intégrés dans les décisions de financement des océans permettant de canaliser au moins 25 milliards de dollars.
  • Protéger les fonds marins avant qu’il ne soit trop tard
    Objectif : un moratoire mondial sur l’exploitation minière des grands fonds marins. Un engagement en faveur d’une économie circulaire.
  • Sauver les récifs coralliens
    Objectif : d’ici 2030, 70 % des récifs coralliens les moins exposés au changement climatique seront sauvegardés, améliorant ainsi la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de 30 millions de personnes dépendant des récifs dans sept pays.
  • Pas de plastique dans la nature
    Objectif : d’ici 2025, un accord international contraignant sur la politique des plastiques qui fixe des objectifs de réduction nationaux, accroît la responsabilité et améliore les normes mondiales.
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