« Chaque produit manufacturé a un potentiel d’identification intrinsèque, comme une sorte d’ADN, dans la mesure où n’importe quelle surface se distingue par des différences de structure observables, explique Roland Meylan, Corporate Communication Manager de la société veveysane AlpVision. Au sein de l’entreprise, nous avons donc développé une solution informatique basée sur des algorithmes mathématiques de traitement d’image qui permet de repérer la « signature » de ces produits et donc de les identifier comme autant de pièces uniques. Il suffit de prendre l’objet tel quel pour ensuite l’observer de manière intelligente afin d’en mémoriser l’empreinte. Une fois stockée dans une base de données, elle servira de référence autorisant la comparaison avec les pièces soumises à examen. Autre avantage de notre solution, on peut travailler à distance. »
Rien n’est ajouté à la montre
En termes pratiques, AlpVision propose de travailler sur la base des chaînes de production existantes dans la mesure où la plupart d’entre elles sont déjà équipées de systèmes de machines-vision destinées notamment au contrôle qualité. Ces appareils sont dotés d’une résolution suffisante pour prendre les empreintes en question qui vont ainsi constituer la bibliothèque d’images des produits destinés à authentification. A noter que ces empreintes peuvent également être réalisées à travers les verres du cadran ou du fond de la boite pour saisir les détails d’une masselotte par exemple. A l’autre bout du processus, pour les prises de vue « dans la nature », il suffit de munir un ordinateur d’un microscope USB, soit un « outillage » léger à prix modique (une centaine de dollars). Une fois la photo réalisée et envoyée pour comparaison, le système d’AlpVision analyse les concordances pour déterminer si la pièce concernée est authentique, donc conforme au produit initialement examiné. Un processus qui a ainsi l’avantage d’offrir la traçabilité des produits toute leur vie durant.
« Ce que nous proposons à nos clients potentiels est d’acheter notre logiciel et une licence d’exploitation car notre système fonctionne parfaitement avec le matériel existant, poursuit Roland Meylan. De plus, ils n’ont pas à modifier leurs processus de production dans la mesure où nous n’ajoutons rien aux montres. L’imagerie dont nous avons besoin représente une simple étape supplémentaire. Les objets en eux-mêmes sont suffisamment uniques pour pouvoir les identifier sans avoir besoin de compétences particulières comme l’œil de l’expert par exemple. Tout ce dont nous avons besoin, c’est de prendre une photo. Le verdict, c’est la machine qui le fait. »
Quinze ans de recherche
Le système d’AlpVision ne s’adresse bien évidemment pas à ce côté du marché de la contrefaçon alimenté par des achats volontaires et consentants de la part d’une clientèle parfaitement au courant de la nature du produit qu’elle acquiert. « Là, nous n’intervenons pas car nous n’avons pas de prise sur la demande, commente Roland Meylan. Nous sommes bien davantage impliqués dans la contrefaçon de bonne facture, soit de fausses montres vendues comme des vraies, un marché alimenté par des fraudeurs qui, notamment, concoctent plusieurs fausses montres à partir d’un modèle original et cherchent à se fondre dans les réseaux de distribution traditionnels. Dans la mesure où le monde du luxe en général et de la Haute Horlogerie en particulier offre des produits qui ont souvent une valeur importante, notre solution donne aux Maisons la possibilité d’offrir à leur clientèle un service d’authentification qui peut très bien être considéré comme un argument de vente supplémentaire. De plus, via le service après-vente, les Maison peuvent progressivement étendre leur base de données aux modèles déjà en circulation. »
Avec cette solution, AlpVision n’en est pas à son coup d’essai. Fondée officiellement en 2001, dans les chiffres noirs dès 2003, la société a d’abord travaillé sur des systèmes d’identification destinés à l’industrie pharmaceutique, autre domaine contrefait avec les dangers que l’on sait. Elle élargit désormais son champ d’action non seulement à l’industrie horlogère mais également à l’aéronautique et aux constructeurs automobiles avec succès. Les horlogers ont-ils mordu à l’hameçon ? Les premiers contacts sont en cours avec ce bémol qu’ils semblent persuadés de pouvoir dupliquer la méthode tant elle paraît simple. C’est oublier un peu vite que les ingénieurs de Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, fondateurs d’AlpVision, planchent sur la solution depuis… quinze ans !