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Beat Haldimann, l’art et la manière
Actualités

Beat Haldimann, l’art et la manière

mardi, 27 juin 2017
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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8 min de lecture

Avec une généalogie horlogère qui remonte au XVIIe siècle, Beat Haldimann ne pouvait concevoir ses garde-temps autrement que dans la plus pure tradition du métier. Ses montres et tous leurs composants sont réalisés au sein de son atelier à Thoune, où l’électronique a été bannie à jamais.

Chez Beat Haldimann, on vit l’horlogerie au quotidien et en famille. Sa maison, une villa patricienne de 1907 qui surplombe l’embouchure de l’Aar dans le lac de Thoune, sert tout à la fois d’atelier, de lieu de détente avec salle de billard et bibliothèque – l’une des plus fournies en ouvrages d’horlogerie –, mais aussi de bureau, de centre de stockage et d’usinage et encore de lieu d’habitation pour le maître des céans et sa famille. Ici, le hall d’entrée sert à accueillir l’amie de Niklaus, fils de Beat, venue réviser ses examens dans la cuisine, où les horlogers viennent prendre leur café. C’est d’ailleurs dans ce hall d’entrée, précisément, qu’une classe d’école primaire de la ville est en train de prendre congé après une visite de cette caverne d’Ali Baba. Après tout, on n’est jamais trop jeune pour une première sensibilisation aux rouages de la mécanique horlogère. Demain peut-être ce même hall accueillera un hôte prestigieux en provenance d’Inde ou du Japon venu se laisser tenter par les merveilles signées Haldimann. Il aura certainement droit à quelques moments de liberté dans le jardin avant de deviser sur l’univers horloger ou les subtilités de l’échappement libre Haldimann.

Haldimann
Atelier, lieu de détente, bureau, centre de stockage et d’usinage, lieu d’habitation… Dans cette villa patricienne de 1907 surplombant le l’embouchure de l’Aar, dans le lac de Thoune, Beat Haldimann vit une existence entièrement tournée vers l’art horloger. © Fred Merz / Lundi 13

C’est cette quiétude propre à la méditation qui fait de cette villa Nussbhül un lieu à part, un endroit où l’horlogerie confine à l’art cinétique et où la montre est à considérer dans sa dimension conceptuelle bien avant d’être un simple accessoire qui donne l’heure. Pour la petite histoire, George Daniels, le génial inventeur de l’échappement coaxial qui avait pris l’habitude de venir parquer sa voiture chez Beat Haldimann le temps d’un concert de musique classique, parlait d’une « situation de rêve pour travailler ». Inutile de dire que Beat Haldimann abonde dans ce sens : « N’oublions pas qu’il y a 100 ans les horlogers travaillaient chez eux, rappelle-t-il. Nous avons voulu perpétuer cette tradition. » Des propos fort modestes pour un homme couronné du Prix Gaïa en 2009, volontiers considéré comme le Nobel de l’horlogerie, et reconnu comme l’un des 20 horlogers les plus prestigieux au monde. Car chez Beat Haldimann le mot « tradition » recouvre une démarche sans concession. Une démarche voulant que ses montres et la quasi-totalité de leurs composants sont réalisées « à l’ancienne », c’est-à-dire à la main, avec un outillage datant d’avant l’ère du numérique, déniché dans les endroits les plus improbables comme ce tour Schaüblin des années 1940 découvert dans un hôpital des Pays-Bas. Chez Beat Haldimann, l’équipement le plus moderne est un microscope optique des années 1960 !

Beat Haldimann
« N’oublions pas qu’il y a 100 ans les horlogers travaillaient chez eux, rappelle Beat Haldimann. Nous avons voulu perpétuer cette tradition.» © Fred Merz / Lundi 13
Une horlogerie authentique

Le plus troublant, c’est que, après avoir démarré ses activités en tant qu’indépendant en 1991 à l’âge de 27 ans, Beat Haldimann allait faire une découverte d’importance : dans la famille, l’horlogerie est une tradition qui remonte à 1642, date de la première attestation d’achat d’une montre signée Haldimann. « Ludwig Oechslin, alors conservateur de Musée international d’Horlogerie de La Chaux-de-Fonds, m’avait bien parlé d’anciennes montres Haldimann mais personnellement je n’en savais rien. J’ai donc entrepris des recherches sur mon arbre généalogique et j’ai commencé à recevoir des montres de poche signées de mes ancêtres pour restauration. J’en ai d’ailleurs acquis quelques-unes. » Et Beat Haldimann de s’emparer d’un magnifique exemplaire pour en ouvrir le fond et dévoiler le mécanisme qui se pare d’un motif décoratif gravé, composé de volutes savamment orchestrées pour former la signature « Haldimann » en arc de cercle, signature qui se fond si bien dans le décor qu’elle en devient à peine perceptible. « C’est exactement cela que mes clients apprécient quand ils viennent me rendre visite. Ils découvrent une histoire, une vraie manufacture, une ambiance. Dans la foulée, ils me demandent si je vis bien ici au quatrième étage. En un mot, pour eux, c’est du concret, du réel, bien loin de tout discours marketing et aux antipodes des Rolex ou Patek Philippe, dont ils ont bien sûr tous plusieurs modèles dans leurs collections. »

Pièce historique ©Valentin Blank

Si besoin, un petit tour à la cave, où l’on retrouve le stock de composants dûment répertorié selon les modèles, y compris les plus anciens, suivi d’une visite des différentes « salles des machines », toutes vénérables vu leur âge, suffira à faire comprendre que chez Beat Haldimann l’horlogerie relève d’une véritable doctrine voulant que toute matérialisation du temps soit porteuse de sens, au niveau autant des processus que du produit fini. Et pour bien faire comprendre que les quelque 20 à 30 montres qui sortent de sa Maison chaque année sont des garde-temps « aboutis », il offre une garantie à vie sur chacune d’entre elles. Un autre aspect très apprécié par les propriétaires de montres Haldimann, qui font quasi tous le déplacement à Thoune, question de s’imprégner de cette sérénité dont on aimerait volontiers qu’elle prenne forme au poignet. Pour Beat Haldimann, point n’est donc besoin de sillonner la planète. Un petit cercle de convaincus, qui fait d’ailleurs de plus en plus d’adeptes, suffit. Et s’ils sont d’accord pour faire le déplacement, ils découvriront à la villa Nussbhül cette horlogerie authentique dont on a trop souvent galvaudé la véritable signification.

Beat Haldimann
Fenêtres ouvertes sur le calme du jardin, l’atelier de Beat Haldimann respire la concentration et l’application. © Fred Merz / Lundi 13
Stratégie « centriste »

Mais si Beat Haldimann est homme à vénérer le passé, son horlogerie est tout sauf passéiste. Son premier coup de maître : la H101, une pendule à deux mouvements fonctionnant en résonance présentée en 2000 et dotée de l’échappement libre Haldimann breveté assurant une précision quotidienne au dixième de seconde.

Haldimann H1
Haldimann H1 © Fred Merz / Lundi 13

Aucun horloger depuis Abraham-Louis Breguet (1747-1823) et Antide Janvier (1751-1835) ne s’était frotté à ce type de complication. Deux ans plus tard, Beat Haldimann récidive avec une première mondiale à Baselworld. Sa H1 Flying Lyra, montre-bracelet dotée d’un tourbillon volant central avec cage en forme de lyre, fait immédiatement sensation grâce au ballet mécanique offert côté cadran et à la sonorité de son mécanisme qui « chante » à l’oreille.

Haldimann
Haldimann H2 © Fred Merz / Lundi 13

Nouvelle prouesse en 2005 avec la H2 Flying Resonance et son double tourbillon volant à remontoir d’égalité qui entrent en résonance toujours côté cadran. « Avec ses deux pièces, on comprend très vite ma philosophie consistant à tout positionner au centre dans le but d’offrir une véritable sculpture au poignet », poursuit Beat Haldimann. La suite sera nettement plus conceptuelle avec une H8 Flying Sculpture, soit une « montre » avec un tourbillon similaire à celui de la H1 mais totalement dépourvue d’aiguilles, puis avec la H9 Reduction, toujours dotée d’un tourbillon mais cette fois parfaitement invisible sous un cadran noir sans aiguilles, si bien que l’objet devient un « tour noir » au poignet, reproduisant en quelque sorte le « carré blanc sur fond blanc » de Malevitch.

Quiétude, silence et concentration dans l'atelier de Beat Haldimann © Fred Merz / Lundi 13

« Qui a dit qu’une montre sans aiguilles n’est pas une montre ? plaisante Beat Haldimann. J’ai donc voulu briser cette logique. À mes yeux, c’est l’esprit de l’objet qui compte, et dans cet esprit sa nature cinétique est tout aussi essentielle que son objectif premier consistant à donner l’heure. » Mais que l’on se rassure, les dernières-nées de Beat Haldimann, les H11 et H12, ont bien été conçues comme de véritables garde-temps répondant toujours au principe de centralité avec un positionnement du balancier dans l’axe des aiguilles, comme on peut s’en rendre compte via le fond à l’architecture minimaliste. Cette ode à la simplicité, à l’essence même de la montre traditionnelle, qui n’en demande pas moins une parfaite intelligence mécanique, est une autre interprétation de la vision horlogère de Beat Haldimann. Une vision qui donne des montres « à contenu ».

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