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Histoire & Pièces d'exception

Brittany Cox, restauratrice horlogère d’exception – Partie 2

jeudi, 23 janvier 2020
Par Cait Bazemore
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Cait Bazemore

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8 min de lecture

Brittany Nicole Cox est l’une des plus restauratrices les plus reconnues au monde. De ses études à ses « exploits » actuels, elle raconte sa vision du monde horloger.

Y a-t-il un projet spécifique qui a été décisif pour vous ?

Même si mon rôle a été relativement modeste, je mentionnerais mon travail sur le « Silver Swan », mon automate préféré, restauré en Angleterre sous la direction de Matthew Read. Ce projet a été très important pour moi. C’était le point culminant de plusieurs années de dur labeur et de sacrifices, années cruciales pour me sentir capable d’intervenir efficacement sur ce type de pièces. J’ai donc travaillé sur le système de poulies qui fait bouger le petit poisson sur les tiges de verres torsadées et rotatives servant à simuler le mouvement de l’eau. Comme il y avait des tensions et des frictions, nous avons dû lubrifier les roulements ainsi que la totalité du mécanisme afin que le mouvement soit plus fluide. Le simple fait de travailler sur cet objet, de faire partie de son histoire pour lui assurer un bon fonctionnement pour les générations futures représente une étape cruciale de mon parcours.

Brittany Nicole Cox
Brittany Nicole Cox

Plus intéressant encore, on notera que cet automate, acheté à faible prix par John et Josephine Bowes pour leur musée, n’avait alors aucune valeur. Il n’avait attiré l’attention qu’une seule fois auparavant. Exposé à la deuxième Exposition universelle de Paris, il avait attiré l’œil de Mark Twain. Mais pour mieux tomber dans l’oubli peu après avec une grande partie de ses composants dispersés aux quatre vents. De nos jours, si ce cygne d’argent devait être cédé, il battrait probablement tous les records de ventes pour un automate. Il s’agit d’une incroyable œuvre d’art. En ce qui me concerne, mon rôle sur cet objet, ou sur toute autre pièce, est de m’assurer qu’il passe à la postérité, quel que soit le contexte. Ils auront peut-être une toute autre signification dans le futur, mais il est important que leur histoire soit connue. Je ne vais par exemple jamais remplacer des composantes d’origine, pas plus que je vais chercher à améliorer l’apparence d’une pièce. Si des modifications d’importance sont apportées sans qu’elles soient identifiables dans le futur, on pourrait penser qu’elles font partie de la création originale. Ce qui fausse l’interprétation de la pièce et des pratiques pour la réaliser. Il est très important pour un conservateur de respecter le « lignage » d’un objet, son contexte d’origine et toute son histoire.

Quel est votre avis concernant l’utilisation de nouveaux matériaux dans la restauration horlogère ?

Le Paraloid B-72 est devenu le favori de tous les conservateurs. Il s’agit d’un adhésif chimique très stable qui ne se décolore pas avec le temps et la lumière. Voilà probablement un nouveau standard dans l’industrie, mais cela peut changer avec le temps. Ce qui sera d’ailleurs probablement le cas. Nous autres conservateurs, nous nous intéressons particulièrement à la science des matériaux pour emprunter certains d’entre eux à d’autres disciplines. Il y a par exemple un époxy appelé Hxtal utilisé dans l’aérospatiale qui est transparent et convient parfaitement pour assembler des lentilles. Ce type de matériau peut être très utile lorsqu’on travaille sur des pièces historiques. Mais son usage doit être considéré avec précaution. Souvent, cela fait plus de sens d’avoir recours à un matériau historique plutôt que moderne. Sauf si le matériau historique en question peut causer des dégâts. J’ai par exemple déjà utilisé des tubes en silicone provenant du domaine médical pour remplacer leurs équivalents en caoutchouc vulcanisé dans un automate qui fume. Avec le temps, les tubes en caoutchouc s’effritent et se cassent pour laisser passer la fumée dans la structure en papier mâché. C’est pourquoi j’ai pris des tubes en silicone beaucoup plus stables et résistants qui résisteront mieux à la chaleur et aux diverses expositions. Est-ce qu’il s’agit d’un matériau qui aurait servi à l’origine à la construction d’un automate qui fume ? Certainement pas, mais dans ce cas cette option minimise les dommages futurs. En d’autres termes, ils augmentent la longévité du système de fumée, diminuent les risques en ce qui concerne les autres matériaux organiques de l’automate et, de ce fait, vont permettre de réduire les manipulations à l’avenir.

Que pensez-vous des automates modernes élaborés par certaines marques historiques telles que Jaquet Droz ou Van Cleef & Arpels ?

Si vous cherchez de l’émerveillement et de la splendeur, pas besoin d’innover. Tout ce qui existe déjà suffit. C’est dû en partie au contexte, c’est-à-dire à la manière dont ces objets ont été créés à partir de rien et sans les ressources d’aujourd’hui. Le rendu final est toujours plus impressionnant si l’artisan n’a utilisé que ses propres mains. Il y a un tel niveau d’attention et d’intention : chaque détail est pensé et réfléchi. Ces objets ont été créés à une époque où ils représentaient ce qui se faisait techniquement de plus abouti. Ils avaient pour but de rendre les gens heureux et de les ébahir. Ce qui est proprement incroyable pour reprendre l’exemple du Silver Swan, c’est que James Cox et John Joseph Merlin ont développé une technique permettant de refléter l’eau sur les plumes de l’animal. Exactement comme on peut l’observer sur un cygne en milieu naturel. J’aimerais que les gens regardent ces objets avec ce type de perspective. Vous ne pouvez pas réellement reproduire ces subtilités lorsqu’elles sont les fruits des ordinateurs. Dans certains cas, les nouvelles technologies ont néanmoins permis la création d’objets magnifiques, comme les montres-bracelets à oiseau chanteur de Jaquet Droz, impossibles à réaliser par le passé. Utiliser les nouvelles technologies pour innover, miniaturiser et atteindre un plus haut niveau de précision est réellement excitant.

Qu’attendez-vous de la conservation horlogère dans le futur ?

J’aimerais beaucoup que les gens accordent plus d’importance et de valeur au « fait main ». En matière de restauration horlogère, il y a une éthique qui définit la manière de faire les choses et pourquoi on les fait ainsi. Cette approche, couplée à l’artisanat compris comme la capacité de pouvoir faire le travail de la même manière et aussi bien que les anciens, est cruciale pour être un bon conservateur horloger. J’aimerais donc que le transfert de ces savoir-faire soit davantage à l’ordre du jour, car ils méritent toute notre attention. Judith Wetherall, par exemple, qui vit en Angleterre, est l’une des meilleures doreuses au monde. Lorsque j’ai pu me former auprès d’elle, elle avait déjà développé une méthode de positionnement de feuilles d’or flottantes avec son propre souffle. Elle retenait sa respiration et soufflait sur l’or jusqu’à ce qu’il soit parfaitement positionné. Ce n’est pas vraiment quelque chose que vous pouvez apprendre dans un livre, mais cela doit être observé et expérimenté. Pour devenir un artisan d’un tel niveau, vous devez « donner » tout ce que vous avez, en sachant que cela demande énormément de ressources. Dans le cas d’un horloger, cela signifie un bon équipement, de bonnes machines et de bons outils. Combien de personnes ont les ressources nécessaires et savent travailler en s’inspirant des techniques traditionnelles ? Il en existe très peu, et ceux qui sont en mesure de le faire se battent pour survivre dans un monde où l’artisanat n’est plus tellement valorisé.

Quels sont vos projets ?

J’ai commencé à travailler sur ma propre série d’automates. Pour l’instant, je n’ai pu en finir qu’un en travaillant depuis des années sur mon temps libre. J’adorerais en faire plus afin d’explorer ce fameux lignage dont je parlais tout à l’heure qui consiste à se demander d’où l’on vient, où l’on va et où s’insère la fabrication d’automates au XXIe siècle. J’aimerais également pouvoir contribuer à la formation. Avoir un espace où les gens pourraient créer des objets et apprendre, un espace où les horlogers et d’autres experts du domaine pourraient partager leurs expériences. J’ai déjà apporté ma modeste pierre à l’édifice via des cours de guillochage et quelques conférences. Mais je voudrais en faire bien plus. Enfin, j’aimerais aussi pouvoir développer une sorte d’infrastructure dans laquelle la magie mécanique pourrait revivre avec des magiciens à même de développer de nouveaux tours. Ce serait vraiment génial.

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