Dubai est une destination des plus familières pour Karl-Friedrich Scheufele, coprésident de Chopard. « Je me souviens de mon premier voyage il y a une quarantaine d’années en compagnie de mon père, raconte-t-il. À l’époque, il n’y avait qu’un seul hôtel à Dubai, et la famille Seddiqi, à la base de cette Dubai Watch Week extraordinaire, n’avait alors qu’une seule boutique qui n’était pas même aussi grande que notre stand sur le Salon de cette année. Que de chemin parcouru depuis ! » Un chemin qui a précisément ramené Chopard en terre émiratie avec son Alpine Eagle dans sa besace, soit la toute dernière collection de la Maison, dont la genèse est digne des meilleurs scénarios marketing. À un détail près, l’histoire est on ne peut plus vraie et probablement unique dans l’industrie horlogère pour avoir réuni trois générations autour d’un même projet.
Opiniâtreté héréditaire
Tout remonte à 1980, une époque où Karl-Friedrich, 22 ans, a dû batailler ferme auprès de son père, alors aux commandes de l’entreprise familiale, pour que la Maison se positionne également sur le créneau de la montre sport en acier, un segment sur lequel Chopard était totalement absent, volontiers jugé incongru en cette période où l’horlogerie suisse se relevait péniblement de la crise du quartz. Qu’à cela ne tienne ? Karl-Friedrich est suffisamment opiniâtre pour que le projet aboutisse sous la forme d’une St. Moritz qui est restée dans les annales de la Maison avec quelque 50’000 pièces vendues en une quinzaine d’années. Un succès suffisamment abouti pour que l’histoire se répète ? C’est du moins ce que suggère Karl-Fritz, représentant de la troisième génération qui, à son tour, fait le siège de son père pour qu’une seconde vie soit donnée à la St. Moritz. À force de persuasion et avec son grand-père sur la même ligne de front, Karl-Fritz aura à son tour gain de cause. L’Alpine Eagle était née, dévoilée début octobre de cette année.
En boutique depuis un peu plus d’un mois, quelles sont les premières retombées ? « La collection reçoit un très bon accueil, assure Karl-Friedrich Scheufele. Mais nous restons prudents avec une distribution sélective dans 300 points de vente sur les 800 que compte la marque. De plus, nous devons organiser notre production en sachant que les deux mouvements qui animent les montres Alpine Eagle – le Chopard 01.01-C pour les modèles masculins de 41 mm et le Chopard 09.01-C pour les modèles féminins de 36 mm, tous deux certifiés COSC – sont des calibres maison réalisés chez Fleurier Ebauches, qui va passer le cap des 35’000 mouvements cette année. Il s’agit déjà là d’une progression importante pour Chopard. Nous allons donc avancer progressivement en termes de volumes. Pas question de brûler les étapes. »
Combat pour la nature
En termes d’étapes, Karl-Friedrich Scheufele sait parfaitement de quoi il en retourne pour avoir fait œuvre de pionnier dans nombre de domaines, notamment en ce qui concerne l’indépendance manufacturière de la Maison entamée il y a plus de 20 ans et, dès 2015, l’engagement de l’entreprise vers un « luxe durable ». Cela se concrétise aujourd’hui par un approvisionnement exclusivement en or « éthique » et par une même démarche en ce qui concerne l’acier utilisé pour les Alpine Eagle : un acier recyclé à 70 %, fondu à deux reprises pour de meilleures duretés et brillance, un acier en outre issu d’un circuit court puisque produit par Voestalpine en Autriche. Dans le même ordre d’idées, le lancement de la collection Alpine Eagle correspond au soutien de Chopard à la Fondation Eagle Wings, dont le but est de réintroduire l’aigle royal dans les Alpes, tout en promouvant un mode de vie plus durable dans cet environnement menacé.
Amoureux de la nature, Karl-Friedrich Scheufele est venu à Dubai en attester aux côtés de Jacques-Olivier Travers, fauconnier et fondateur d’Eagle Wings, et Livia Firth, fondatrice d’Eco Age. Question de bien montrer que l’activité industrielle est aussi compatible avec le développement durable pour autant que l’on veuille y consacrer les investissements nécessaires et la ténacité pour en apporter la preuve. L’espace d’un instant, la Dubai Watch Week a senti une brise des Alpes souffler sur l’horlogerie.