Quand Christophe Claret parle de première mondiale, on aurait presque envie de dire « business as usual » tant le maître horloger a habitué la communauté des amateurs de garde-temps à ses réalisations d’exception. Pendant longtemps, Christophe Claret est pourtant resté dans l’ombre des grandes marques, concevant pour elles des calibres à grande complication que les Maisons s’appropriaient volontiers, fidèles à l’omerta du milieu voulant que toute manufacture qui se respecte ne saurait faire appel à des compétences externes. Depuis la présentation de la Dual Tow, pièce anniversaire célébrant en 2009 et sous son propre nom les 20 ans de la manufacture Claret, tout a changé. « Au départ, l’idée n’était pas de développer ma propre marque, explique Christophe Claret, rencontré à Baselworld 2013. Mais à ce moment-là, la conjoncture était telle qu’il me fallait trouver une alternative aux clients qui me faisaient défaut. »
Doubler la production
Autant dire que la Dual Tow n’a laissé personne de marbre, bien au contraire. Son accueil a d’ailleurs été tel que cette première pièce s’est imposée comme une évidence, laissant augurer d’autres réalisations tout aussi techniques portant le sceau du maître horloger. Et celles-ci n’ont assurément pas manqué si l’on songe à l’X-Trem-1, aux 21 Blackjack et 21 Baccara ou encore à l’Adadgio, pour ne citer que quelques modèles. Fidèle à son approche des plus singulières de la Haute Horlogerie, Christophe Claret présente donc cette année à Bâle sa Kantharos, soit un chronographe monopoussoir à sonnerie sur timbre cathédrale avec force constante, dotée d’un mécanisme totalement intégré et automatique. « Nombre de sports fonctionnent par sons pour marquer les temps de départ comme la boxe, les courses d’athlétisme ou les concours hippiques. Quoi de plus logique, donc, de savoir précisément à l’oreille quand démarre le décompte du temps et quand on le stoppe. La Kantharos a été conçue sur cette idée. »
Nous aurions donc tort de scier la branche sur laquelle nous sommes plutôt confortablement assis.
Mais si ce garde-temps est en effet une nouvelle première mondiale, il revêt une importance à plus d’un titre. « Positionnée à moins de 100 000 francs suisses, un prix agressif si l’on tient compte de sa complexité et premier prix chez nous, la Kantharos est destinée à nous ouvrir de nouveaux marchés et à doubler notre production, poursuit Christophe Claret. À l’heure actuelle, les collectionneurs se reportent en effet sur des pièces plus proches des 100 000 francs que des 300 000. Or, jusqu’ici, le prix moyen de mes montres se situait aux alentours des 250 000 francs. » Christophe Claret, qui a réalisé l’an dernier 130 pièces sous son nom, compte ainsi produire une centaine de Kantharos en 2013 et, ainsi, quasi doubler les volumes de la marque.
Pas question toutefois d’abandonner la livraison de calibres à des tiers. « Nous voulons avancer en parallèle sur ces deux piliers qui représentent chacun 50 % du chiffre d’affaires, enchaîne Christophe Claret. Même si j’ai perdu la moitié de mes 25 clients au plus fort de la dernière tempête horlogère, je suis actuellement en train d’en gagner de nouveaux , notamment au sein du groupe Swatch. De plus, l’équation est relativement simple. Au sein de la manufacture, nous avons les capacités de réaliser cinq nouveautés par an. Or, la marque Christophe Claret ne peut en absorber que deux. Nous aurions donc tort de scier la branche sur laquelle nous sommes plutôt confortablement assis. »
Un outil industriel à la pointe de la technologie
En parlant de confort, le maître horloger sait de quoi il parle. La manufacture Christophe Claret, qui compte une centaine de collaborateurs, est en effet présentée comme un outil industriel à la pointe de la technologie. La seule d’ailleurs dans la profession à disposer d’une machine CNC à 16 axes et la première à avoir introduit la découpe au laser, soit un processus 15 fois plus rapide que les systèmes à électroérosion. Car Christophe Claret ne se contente pas d’innover en matière horlogère. Il intervient également dans la fabrication de machines spécialement conçues pour répondre à ses besoins. Des machines qui ont fait des envieux. Patek Philippe a en effet acquis 46 centres d’usinage développés selon les idées de Christophe Claret.
« Nous sommes aujourd’hui capables de produire 80 % des composants de nos montres à l’interne, détaille Christophe Claret. La manufacture compte ainsi 30 métiers différents. Je n’ai en effet jamais voulu être dépendant de sous-traitants, voire être bloqué dans la fabrication de mes pièces pour des questions de retard de livraison. Finalement, il faut se donner les moyens de ses ambitions ! » La Kantharos en est une preuve supplémentaire. ■