C’est en costume en velours côtelé d’un rouge éclatant, chaussures assorties, que Félix Baumgartner accueille ses visiteurs lors de son exposition en marge du Salon international de la Haute Horlogerie. Une mise qui lui vaut d’ailleurs des compliments appuyés et qui correspond parfaitement aux pièces exposées sur la table, soit une autre approche de la Haute Horlogerie. Entretien.
Felix Baumgartner : Il y a 15 ans, nous nous sommes présentés à Bâle dans le cadre de l’Académie horlogère des créateurs indépendants. À cette époque, en tant que jeune horloger de troisième génération qui connaissait bien l’histoire de la mesure du temps et l’univers particulier de ses complications, je me suis dit que les montres dans les musées étaient vraiment mieux faites que la production existante. Le simple fait d’imaginer devoir passer toute ma vie à reproduire les anciens me déprimait profondément.
En parallèle, nous avons donc beaucoup discuté avec Martin Frei et mon frère dans le but de rechercher de nouvelles valeurs en horlogerie, d’amener une architecture novatrice de la lecture du temps, dans une approche tout à la fois rétro, contemporaine et futuriste. Parmi nos sources d’inspiration, la science spatiale russe des années 1960 et 1970 ou encore une pendule nocturne des Frères Campanus de 1652, qui offrait également une approche de l’heure des plus originales. De ces réflexions est née notre envie de proposer une indication de l’écoulement du temps originale avec les technologies et les matériaux d’aujourd’hui. En quelques mots, telle était l’énergie du début, qui nous permet maintenant de trouver l’équilibre avec 150 à 200 pièces par an, tout en poursuivant nos recherches et notre quête d’innovation. À ce stade, je pense que nous sommes la seule société de la branche qui offre ce mariage entre art du design et technique horlogère, une symbiose qui n’a pas bougé en 15 ans.
J’ai encore de la peine à croire que nous ayons été primés par un jury officiel constitué de personnes qui nous détestaient il y a une dizaine d’années. En d’autres termes, il est vrai que j’ai été touché, mais je m’étonne encore de ce revirement d’opinion, nous les parias de la Haute Horlogerie il y a une décennie à peine.
Nous venons de lancer une pièce majeure pour Urwerk, la UR-1001, qui est véritablement emblématique pour nous, car elle représente un condensé du savoir-faire de la marque en 15 ans d’existence. Cette grande complication à calendrier annuel et indication des heures assortie de minutes rétrogrades, tous deux actionnés par des pointeurs rotatifs satellitaires, à quoi s’ajoutent les fonctions jour/nuit, réserve de marche et temps dévolu à l’entretien, n’est certes pas une montre de poche comme on pourrait l’imaginer de manière traditionnelle. Elle n’en démontre pas moins nos capacités de développement. En parallèle, nous nous concentrons sur la production de la UR-110, notre dernier bébé qui est bien né. Nous nous sentons à l’aise avec ce nouveau mouvement.
Du premier croquis au prototype, environ deux ans. Pour la UR-1001, qui représente un projet nettement plus lourd, nous avons mis quatre ans.
Nous avons déjà vécu une situation où la production est montée jusqu’à 250 pièces. Mais cela commençait à nous stresser pour être en mesure de livrer. Notre structure répartie entre deux « familles », l’une à Genève et l’autre à Zurich, a parfaitement trouvé sa stabilité financière et son retour sur investissement avec des volumes de 150 à 200 pièces par année. C’est la raison pour laquelle nous fonctionnons avec un rythme d’une nouveauté tous les deux ans, en prenant bien garde de respecter ce calendrier, car sinon, à vouloir toujours aller au bout du perfectionnisme, on ne produit jamais rien. Urwerk est donc une structure d’une quinzaine de personnes qui fonctionne selon un horaire totalement libre et où la hiérarchie n’existe pas. La Haute Horlogerie est finalement une histoire d’hommes, une histoire d’horlogers responsables, surtout si l’on réalise à l’interne la quasi-totalité de nos pièces, spiral compris.