Tout récemment, une visite était organisée à la Manufacture du Brassus à l’intention du chef Dani Garcia. L’occasion de vérifier que les points communs entre horlogerie et gastronomie sont nombreux, surtout lorsqu’elles sont menées avec passion et sens du détail. La marque, qui collabore avec des chefs depuis plus de 30 ans, peut d’ailleurs être considérée comme le précurseur en matière de liens avec la gastronomie. Il ne fallait donc pas manquer l’occasion de tenter un dialogue croisé entre Dani Garcia et Alain Delamuraz, vice-président et chargé du marketing chez Blancpain, qui se révèle épicé à souhait. Fraîchement débarqué d’Andalousie pour orchestrer, deux soirs durant, un menu spécial pour les invités de Blancpain au Fairmont Le Montreux Palace, Dani Garcia parvient à cumuler les performances. En gardant le sourire et son calme !
Non, pas vraiment. Quand j’étais petit, je vivais au jour le jour, sans me projeter. Il se trouve que dans ma famille mes deux parents adoraient cuisiner. Mon père, particulièrement, était soucieux de me montrer les produits, sous tous leurs aspects, pour éveiller ma curiosité. Je suis parti de ces plats traditionnels, qui m’ont permis de développer ma créativité. La transmission, en tout cas, est importante, et je tente de le faire avec ma fille – qui vit encore avec moi – même si elle a déjà eu l’occasion de goûter très jeune des cuisines du monde entier. Ce qui n’était pas mon cas à l’époque, j’ai dû évoluer.
Oui, définitivement et sur tous les plans ! C’est une terre spéciale, tournée vers la mer et baignée de soleil. Ses habitants sont naturellement gais et ouverts. Je suis également très fier de faire partie de ces nouveaux chefs espagnols, qui ont émergé grâce à la renommée d’Adrian Ferra. Grâce à lui, nous sommes devenus subitement populaires dans le monde entier. Je parlerais même d’une nouvelle philosophie dans sa manière d’élaborer des plats qui nous a forcément influencés.
Quand j’étais petit, mon père m’emmenait partout : il me faisait visiter des marchés, tenait à ce que sache d’où venaient les produits, surtout la viande et le poisson. C’est sans doute cette passion qui m’a conduit à faire l’École hôtelière de Lausanne, la meilleure au monde. Puis j’ai eu l’occasion d’effectuer des stages dans des établissements de prestige, comme le Savoy à Londres et l’établissement de l’Hôtel de Ville de Crissier, tenu à l’époque par Frédy Girardet. Plus tard, le goût du service et du travail bien fait ainsi que les rencontres que j’ai effectuées comme hôtelier m’ont conduit à l’horlogerie… Et j’y ai amené mon goût pour la gastronomie !
Cela fait partie de notre culture de l’art de vivre en général. Plus précisément, la marque était déjà très proche de Frédy Girardet, ensuite nous avons petit à petit engagé des collaborations avec les plus grands chefs étoilés, comme Paul Bocuse et Joël Robuchon. Peu à peu, nous nous sommes liés à d’autres toques renommées, en Suisse comme à l’étranger. Nous soutenons aussi le concours du Bocuse d’Or Suisse, qui permet de mettre en valeur la nouvelle garde. Mais nous avons toujours la même ambition, celle de tisser des relations dans la durée, basées sur le même goût de l’authenticité et le respect de nos clients.
Lorsque je travaillais à Marbella, par exemple pour la boutique Tourbillon, j’ai commencé à me familiariser avec les belles montres. J’ai tout d’abord compris que, comme nous, c’est un métier de passion, qui demande le souci du détail et un savoir-faire exceptionnel. C’est assez fou de penser qu’il y a parfois plus de 300 composants pour réaliser un si petit objet ! Un peu comme dans la gastronomie, le dosage de multiples ingrédients, le secret de fabrication se révèlent essentiels. En une dizaine d’années, j’ai appris à mieux connaître Blancpain, mais ma visite à la manufacture, dans la Vallée de Joux, est toute récente, et elle m’a tout simplement ébloui ! Aujourd’hui, je garde tout le temps ma montre au poignet, même pour cuisiner (une Fifty Fathoms Bathyscaphe Chronographe Flyback, ndlr).
AD : Oui, les deux exigent des matériaux de premier choix. Mais en cuisine, ils doivent encore être de première fraîcheur. En horlogerie, au moins, nous pouvons les stocker sans risque, ça fait toute la différence. (rires)
DG : En cuisine, cela peut être très frustrant de rater un plat et de devoir tout recommencer pour un petit détail, par exemple une température pas tout à fait exacte. Il n’y a pas de marge d’erreur pour nous, mais je crois que c’est encore pire dans l’horlogerie…
AD : La haute cuisine comme la Haute Horlogerie ne seraient rien sans les personnes qui se trouvent derrière, que ce soit pour la création pure ou pour la réalisation jour après jour. Le but final, c’est de plaire au client. Même si c’est parfois dur , même s’il faut tout refaire, il n’est pas question de compromis.
Je n’aime pas trop l’expression « cuisine moléculaire », car elle fait référence à une mode qui est désormais un peu dépassée dans sa forme stricte. Je garde toujours un lien avec la tradition, par exemple en revisitant le régime méditerranéen et en lui donnant une interprétation moderne.
AD : Peut-être le respect de la tradition. Par exemple, chez Blancpain, nous ne ferons jamais de montres à quartz. Je ne dis pas que c’est mal, mais ce n’est tout simplement pas notre rôle.
DG : Et moi, je ne ferai rien qui ne mette pas le produit au cœur de la recette, il doit rester la star absolue.