>SHOP

restez informés

Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle pour recevoir des infos et tendances exclusives

Suivez-nous sur toutes nos plateformes

Pour encore plus d'actualités, de tendances et d'inspiration

Des initiatives « durables » qui font du bien
Actualités

Des initiatives « durables » qui font du bien

vendredi, 4 mars 2022
fermer
Editor Image
Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

Lire plus

CLOSE
10 min de lecture

En fin d’année dernière, les groupes Kering et Richemont, par l’entremise de Cartier, lançaient la Watch & Jewellery Initiative 2030 en partenariat avec le Responsible Jewellery Council. Un projet ambitieux, tout comme le Fashion Pact, supporté par des compagnies déjà largement engagées sur la voie de la durabilité.

Au moment où les premières avancées étaient à constater dans le cadre du Fashion Pact, c’était au tour de la Watch & Jewellery Initiative 2030 de sortir du bois. Un point commun entre ces deux projets : la présence de Kering comme un des principaux instigateurs, aux côtés de Cartier et du Responsible Jewellery Council en ce qui concerne le second. Pour mémoire, on rappellera que le Fashion Pact a été lancé en 2019. Dans la foulée du One Planet Summit, le Président français Emmanuel Macron chargeait en effet François-Henri Pinault, patron de Kering, de mobiliser les entreprises du luxe autour des bonnes pratiques environnementales. Elles seront finalement une soixantaine, issues de 14 pays différents et propriétaires de plus de 250 marques, à souscrire aux objectifs du Fashion Pact axés sur trois piliers : la lutte contre le réchauffement climatique, la restauration de la biodiversité et la protection des océans. Inutile de dire que ce « pacte » devant renforcer l’implication des entreprises face aux enjeux environnementaux en réduisant leur impact écologique était d’autant plus important que la mode est la deuxième industrie la plus polluante au monde. On lui doit en effet 20 % des rejets d’eaux usées, 22,5 % des pesticides utilisés et 10 % des émissions de carbone.

« Faute d’être propres, nous serons punis. »

De la parole aux actes, le Fashion Pact a-t-il tenu ses promesses ? « Selon les experts, pour qu’un secteur économique fasse basculer ses pratiques, il faut qu’au minimum 20 % de ses activités soient concernées, expliquait François-Henri Pinault lors du Forum Zéro Carbone tenu fin 2020 à Paris. Or les membres signataires du Fashion Pact représentent plus de 35 % des volumes mondiaux de l’industrie textile et de la mode. Nous sommes donc en position de faire bouger les choses. » Est-ce déjà le cas ? Selon le dirigeant de Kering, sur la base d’un objectif de 50 % d’énergie renouvelable en 2025 et 100 % cinq ans plus tard, un tiers des adhérents au Pacte avaient déjà franchi le seuil des 50 % à fin 2020. Pour ce qui est de la biodiversité, alors que 80 % des membres n’avaient aucun plan d’action en la matière lors de la signature du Pacte, tous ont depuis mis en œuvre une stratégie en accord avec les critères de l’ONG Conservation International. Dernier point relevé par François-Henri Pinault en ce qui concerne les océans : la suppression des plastiques à usage unique sera acquise en 2025 dans le secteur de la consommation et en 2020 sur le plan industriel pour l’ensemble des signataires. Le rapport 2021 du Fashion Pact, encore attendu, devrait venir confirmer ces tendances.

Francois-Henri Pinault, PDG du groupe Kering

« Comme on peut le voir, les choses bougent ; elles évoluent même rapidement, y compris du côté des grands groupes du “fast fashion”, concluait François-Henri Pinault. Pour ce qui est du secteur du luxe, je dirais que les valeurs du développement durable font intrinsèquement partie de la définition des entreprises de cette industrie. Faute de prêter toute l’attention voulue à la préservation de nos pratiques, de nos matières, on peut parler de suicide collectif. Je pense que les compagnies du luxe ont deux responsabilités : celle d’insuffler la création dans cet univers et celle de trouver des solutions environnementales pour ensuite les partager gratuitement avec l’ensemble du secteur. Pour résumer, je dirais que soit l’industrie devient propre et il y aura un futur, soit il n’y en aura pas. La question ne se pose donc plus. Et il ne faut pas croire que nous serons récompensés en étant propres et compatibles avec les enjeux du développement durable. En revanche, nous serons punis si nous ne le sommes pas ! »

« La voie est tracée. »

Volontiers provocateur, notamment avec son vaisseau amiral Gucci, Kering n’en est pas moins aux avant-postes en matière de durabilité. D’aucuns diront que les coups d’audace du Groupe – et ils sont nombreux – visent à se mettre les milléniaux et la génération Z dans la poche. Il n’en reste pas moins que ces mêmes consommateurs vont bientôt former l’essentiel des clients du luxe avec une sensibilité « verte » impossible à ignorer. « Si l’impact environnemental et sociétal des compagnies du luxe est important pour le client, il est fondamental pour des Maisons comme la nôtre, expliquait Céline Assimon, CEO de De Beers Jewellers lors d’un séminaire en ligne organisé en février 2022 par Le Journal du luxe. Il nous appartient aujourd’hui de montrer l’exemple. Les études que nous avons menées jusqu’ici au sein de De Beers sont sans équivoque. À l’heure actuelle, 20 à 25 % des achats sont influencés par des considérations de traçabilité, de durabilité et d’impact sur la société et son environnement. Une proportion qui va d’ailleurs très vite atteindre 40 %. On le voit clairement, le langage s’est libéré sur ces questions avec des réseaux sociaux qui amplifient ce que les Maisons font, en bien ou en moins bien. En ce sens, la voie est toute tracée, et ce n’est certainement plus une option. »

Arnaud Carrez, Directeur marketing et communication Cartier International

Si l’on transpose dans le domaine du « hard luxury » ce que l’on a pu observer dans le secteur du textile, on se rend compte que le tableau n’est guère plus flatteur. L’or, matériau fétiche de la joaillerie et de l’horlogerie, est également au cœur d’une industrie dont les activités d’extraction sont extrêmement destructrices et polluantes, comme l’explique Futura Sciences : destructrices, quant aux quantités énormes de roches arrachées pour quelques onces de métal, et polluantes, quant au cyanure ou au mercure utilisés pour récupérer les paillettes d’or. Comme le révèle le New York Times, les déchets découlant de cette activité, du fait de leur toxicité, s’apparentent dans leur gestion aux déchets nucléaires. Si l’on prend maintenant l’industrie minière dans son ensemble, on obtient des émissions de gaz à effet de serre comprises entre 4 et 7 % du total mondial. Et si l’on élargit encore le spectre, on se rend compte, selon une étude du programme des Nations unies pour l’environnement, que l’impact climatique de l’extraction de matières premières du sol et de leur préparation pour utilisation représente, tous les secteurs confondus, 53 % des émissions de carbone du monde et ce, avant même que l’on ne tienne compte des combustibles consommés.

Une orientation porteuse financièrement ?

La Watch & Jewellery Initiative est à remettre dans ce contexte. « La responsabilité sociale et environnementale doit faire partie de nos sujets de préoccupation quotidiens, exposait Arnaud Carrez, Directeur marketing et communication de Cartier International lors du même séminaire en ligne. Le luxe crée et vend des produits qui ne sont pas nécessaires mais qui procurent du plaisir. Dans ce contexte, il n’y a pas d’autre chemin possible que de s’engager en faveur d’un monde meilleur. Tout n’est pas simple en ce qui concerne le développement durable ; tous les sujets n’appellent d’ailleurs pas de réponse immédiate, mais la trajectoire est tracée avec une innovation produits qui doit être en adéquation avec notre crédibilité environnementale. »

Est-ce qu’une approche responsable va nous faire vendre davantage de produits Cartier ? Telle n’est pas la question.

Et Arnaud Carrez de citer en exemple la Tank Must présentée à Watches and Wonders 2021. Une montre qui fonctionne à l’énergie solaire, présentée sur un bracelet en cuir non animal fait à partir de déchets de pomme. Autre exemple : l’utilisation chez Cartier d’un or recyclé couvrant 97 % des besoins et dont l’impact en termes d’émissions de carbone est 300 fois moins important que pour l’or minier. « Est-ce que cette approche va nous faire vendre davantage de produits Cartier ? poursuivait Arnaud Carrez. Telle n’est pas la question. Nous devons aujourd’hui nous positionner dans une croissance responsable. Il n’y a pas d’autres chemin. » En termes de ventes, toutefois, autant Kering que Richemont – propriétaire de Cartier qui porte les couleurs du Groupe dans cette Watch & Jewellery Initiative – n’ont actuellement aucune raison de douter, si l’on en juge par les derniers chiffres communiqués par les deux compagnies.

 

 

Pour son année 2021, les Maisons du groupe Kering « ont renoué avec une forte croissance des ventes, bien au-delà de celle de 2019, tout en renforçant l’exclusivité de leur distribution et leur capital de marque ». Le chiffre d’affaires record de la multinationale a ainsi enregistré une progression de 35 % par rapport à 2020 à € 17,6 milliards et dépasse de 13 % celui de 2019. Autre record au niveau du résultat opérationnel qui atteint € 5 milliards (+ 60 %) pour une marge fort enviable de 28,4 %. Richemont, qui a fait part à mi-janvier de ses résultats après neuf mois, bénéficie d’un même élan. Sur les trois premiers trimestres de son exercice en cours allant de janvier à décembre 2021, les ventes du Groupe sont en hausse de 51 % à € 14,6 milliards par rapport à 2020 ou encore de 26 % en comparaison avec 2019. En sachant que les deux compagnies se distinguent par leur engagement en faveur du développement durable, faut-il y voir un lien de causalité ? En tout état de cause, cet « état d’esprit » jouit d’une orientation financièrement des plus porteuse. De quoi faire des émules.

 

Haut de page