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Dustin Hoffman ou l’obsession de la trotteuse
Histoires de montres

Dustin Hoffman ou l’obsession de la trotteuse

lundi, 4 décembre 2017
Par Frank Rousseau
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Frank Rousseau

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7 min de lecture

Interviewer Dustin Hoffman, un privilège qui ne se refuse pas. Surtout quand cette légende du cinéma est d’humeur causante. Depuis plus d’un demi-siècle, la star aura marqué des générations de fans et inspiré des centaines de jeunes acteurs.

Petit par la taille mais grand par le talent, l’interprète du Lauréat, de Kramer contre Kramer, Little Big Man, Tootsie, Papillon, Rain Man est intarissable lorsqu’on lui parle de son métier et des grands moments qui ont émaillé sa formidable carrière. Voici donc un entretien qui n’a rien de Hoff !

Y a-t-il eu un moment dans votre vie où vous avez craqué pour une belle tocante ?

Oui, à Las Vegas pendant le tournage de Rain Man avec Tom Cruise. Je me promenais un soir sur le strip quand je suis tombé sur une boutique, ou plutôt sur le dépôt d’un prêteur sur gage. Dans la vitrine, vous aviez toute une série de montres suisses en métaux précieux. L’une d’elles m’avait tapé dans l’œil. Une Jaeger-LeCoultre, si je ne m’abuse. J’étais prêt à rentrer pour me l’acheter, et puis j’ai eu des remords. Je me suis dit que cette montre avait probablement été laissée par un pauvre type qui s’était ruiné dans un casino. La seule chose que j’espérais, c’était que ce gars se refasse une santé financière et récupère son bien. Bref, j’ai poursuivi mon chemin. De retour à mon hôtel, je me suis dit que j’avais bien fait d’agir ainsi. J’avais ma conscience en paix. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais dans les casinos il n’y a aucune horloge. Les croupiers ne portent pas de montre au poignet non plus. Vous savez pourquoi ? Ces établissements mettent tout en œuvre pour que les joueurs perdent la notion du temps. Bref, je m’imaginais ce mec sans sa montre en train de se faire plumer une nouvelle fois.

Dustin Hoffman
Dustin Hoffman
Un remake de Papillon a été réalisé récemment. Quels souvenirs gardez-vous du tournage de votre Papillon ?

Le film est sorti en 1974, si je ne me trompe pas. Nous avions acheté les droits du livre, un best-seller, à Henri Charrière. Au départ, je ne devais toutefois pas être à l’affiche. Si on m’a finalement embauché, c’est parce qu’à l’époque je n’étais pas cher ! (rires) Il faut que je vous explique. Steve McQueen avait touché deux millions de dollars pour Papillon. Un record. Pour vous faire une petite idée, Richard Burton avait gagné un million de dollars pour Cléopâtre. C’est dire à quel point le cachet de Steve était conséquent ! Or les producteurs avaient également besoin d’une autre star pour ce film, afin de mettre Steve en valeur, j’imagine. Mais comme le budget ne cessait de grimper, la production avait fait le tour du monde afin de réunir les fonds nécessaires pour boucler le film. Nous tournions en Jamaïque, et comme les techniciens n’avaient toujours pas été payés, ils ont fini par confisquer les caméras et tout le matériel. On était en pleine galère !

J’ai toujours pensé que Steve McQueen était fantastique dans Papillon. Il était très convaincant. Il faut dire qu’ado il avait passé quelque temps derrière les barreaux. Certes, ce n’était pas le bagne de Cayenne, mais il savait ce que signifiait être privé de liberté. Je me rappelle qu’il parlait de l’univers carcéral comme d’un endroit pas rigolo du tout. Du coup, il n’appréciait pas les blagues qu’on lui faisait sur la taule. Steve McQueen était quelqu’un de pas commun. Le jour où il a touché son chèque de deux millions de dollars, nous avons fêté ça dans un restaurant de San Sebastian, en Espagne. Il était arrivé avec quelques jours de retard, car auparavant il avait fait la bringue avec Ali MacGraw. Steve nous répétait sans cesse vouloir que les fans lui fichent la paix. Il voulait rester incognito. Why not? Le souci, c’est qu’il arrivait à ses rendez-vous en pilotant des bolides à toute allure et en faisant crisser les pneus. Des voitures de course, il en possédait plusieurs. C’était son truc, tout comme les montres ! Il en avait je ne sais trop combien. Des TAG Heuer, dont la fameuse Monaco bien sûr, mais d’autres marques aussi. Steve, il avait un truc avec les montres. Comme les femmes et les voitures, il fallait toujours qu’il s’affiche avec. Bref, nous étions assis à la table de ce restaurant en Espagne quand Steve a sorti le fameux chèque de deux millions de dollars qu’il venait juste de recevoir. Il m’a alors regardé droit dans les yeux en me disant : « On va partager ! » Steve était comme ça : imprévisible, surprenant, généreux. C’est amusant, la première fois que nous nous sommes rencontrés, il avait l’air d’être superstitieux à mon endroit. Mais bon, ce jour-là en Espagne, nous sommes devenus amis pour la vie.

Parlons de Little Big Man. J’ai entendu parler d’une histoire de montre…

Comme vous le savez, je suis probablement l’un des acteurs les plus courts sur pattes. Par conséquent, je vous laisse imaginer à quel point il était difficile pour moi de monter à cheval dans Little Big Man. On aurait dit que mes deux jambes partaient de chaque côté, tel un compas, tant elles n’arrivaient pas à épouser les flancs de l’animal. Quand la production devait me hisser sur mon fidèle destrier, elle utilisait tout un tas de moyens. Cela allait de l’escabeau à un système complexe de poulies qui me soulevait du sol pour ensuite me faire descendre sur la selle. C’était tellement laborieux que bien entendu, une fois en selle, on voulait optimiser au maximum les scènes équestres ! (rires) Du coup, je passais des heures entières à cheval, à regarder ma montre. Je me disais : « Quand est-ce que cela va se terminer ? » À l’époque, je m’étais acheté une Rolex avec sa trotteuse. Je ne me lassais pas de l’admirer. Elle était très belle. Jusqu’au jour où un technicien m’a dit que nous avions un problème. Je lui ai demandé : « Le cheval ne va pas ? » « Non, monsieur Hoffman, ce n’est pas le cheval, c’est votre montre. Elle est bien trop moderne. Vous jouez dans un western ! À cette époque, les gens ne possédaient pas ce type de montre. C’est anachronique dans ce film. » Du coup, à mon grand désarroi, j’ai dû laisser ma montre dans ma chambre. En fin de journée, lorsqu’une âme charitable daignait me faire redescendre de cheval, j’avais les muscles des jambes tétanisés. On me plaçait alors dans une voiture telle une momie figée et on me ramenait à la maison, non sans suggérer à ma femme de me faire prendre un bain rempli de sel d’Epsom. Depuis, je n’arrive plus à croiser les jambes ! (rires) Heureusement que je ne suis pas une femme. On m’aurait reproché de ne pas avoir de bonnes manières !

Propos recueillis à Los Angeles par Frank Rousseau

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