Éloge de la simplicité chez Cartier

« Chaque seconde compte. » Cette maxime, incontournable pour les sportifs et autres mordus de la performance, pourrait très bien signifier dans le monde horloger : « chaque segment compte ». Du moins pour une marque généraliste comme Cartier, à qui la banque privée Vontobel prête un chiffre d’affaires horloger de quelque CHF 2,1 milliards pour 620 000 pièces vendues lors de son dernier exercice clos à fin mars 2015. En d’autres termes, ce joyau de la couronne Richemont, qui a fait une percée remarquée et remarquable dans l’univers de la Haute Horlogerie depuis une dizaine d’années, sait où aller chercher des relais de croissance. Et par les temps qui courent, avec des marchés asiatiques en berne et un secteur haut de gamme à la peine, ceux-ci ne prennent assurément pas la forme improbable d’un quadruple tourbillon à différentiel, répétitions minutes et chronographe à seconde foudroyante.

De telles complications sont certes toujours à l’honneur. La Maison en fait d’ailleurs la démonstration avec sa Rotonde de Cartier Astromystérieux Calibre 9462 MC, le « clou » de ses collections présentées au Salon International de la Haute Horlogerie 2016 (SIHH) qui représente un nouvel exploit horloger avec la rotation centrale de son échappement tournant en apesanteur avec l’axe des aiguilles. Si de telles complications restent donc à l’honneur, elles ne doivent toutefois pas occulter la présence de Cartier dans d’autres univers. Et celui où la simplicité s’égrène en heures et minutes, voire secondes, n’est pas un défi moindre vu l’embouteillage des marques dans ces segments d’entrée de gamme qui constituent le socle de leur santé financière pour représenter des marchés de volumes.

Croisière iodée

Dans ce registre, la Maison avait déjà donné le ton lors du SIHH de janvier 2015 avec sa Clé de Cartier, une collection originale faite de lignes simples et dotée d’un mouvement développé pour l’occasion, le Calibre 1847 MC. Pour bien signifier que cette « clé » ouvre désormais de multiples portes, Cartier la décline d’ailleurs en ce début d’année en une version Squelette Automatique Calibre 9621 MC, le premier mouvement du genre développé par la Maison avec heures et minutes, squelettage des ponts en forme de chiffres romains et squelettage de la masse en or 22 carats. En fait, il faut remonter à 2007 et la Ballon Bleu pour constater l’introduction de la précédente nouvelle gamme au sein de la marque. Mais depuis quelques mois, et compte tenu d’un environnement nettement moins propice, la cadence s’est nettement accélérée. Pour preuve. Cartier faisait un nouveau galop d’essai en septembre dernier avec une Ronde Croisière présentée d’abord sur le marché américain.

Cette montre « sport chic » de 42 mm, heures, minutes, secondes et quantième, est dotée du même mouvement que la Clé, le Calibre 1847 MC, qui doit à terme remplacer tous les « moteurs » ETA encore utilisés par la marque dans certaines de ses collections. Dans cette Croisière, si tous les codes Cartier ont été respectés – cadran guilloché, index en chiffres romains, minuterie périphérique, couronne ornée d’un cabochon, aiguilles glaive –, la montre ne se distingue pas moins par quelques caractéristiques, en premier lieu sa lunette avec revêtement ADLC qui évoque l’univers de la plongée. Aiguilles évidées, sans matière luminescente, et bracelet en veau effet toile de voile viennent accentuer le côté sportif d’un modèle proposé en trois versions acier.

Rallye stylé

Mais si cette Ronde Croisière vient assurément remplir un créneau au sein des collections Cartier, au-dessus des Ronde Solo, la Maison a jugé bon de lui adjoindre un grand frère qui s’inscrit dans la tradition des montres de forme de la Maison : la montre Drive de Cartier au boîtier de forme coussin. Inutile de chercher midi à quatorze heures, comme son nom l’indique, le modèle fait référence au monde automobile et à ses courses endiablées via le guillochage de son cadran aux motifs proches d’une calandre , le bombé de son verre saphir, son compteur à 6 h et son remontoir au profil de boulon. On avait déjà connu la Roadster, voilà donc la Drive, plus « habillée », qui fait son entrée lors de ce SIHH et qui se décline en montée de gamme puisque la version acier est déjà complétée par un modèle au boîtier en or rose. Idem côté motorisation, qui, contrairement à la Ronde Croisière, se laisse admirer par le fond saphir.

Les versions « de base » sont ainsi déjà équipées du mouvement Manufacture 1904 MC, le tout premier calibre automatique 100 % maison présenté par Cartier en 2010 qui offre une meilleure régularité de couple, et donc de précision, grâce à ses deux barillets armés par un rotor bidirectionnel monté sur roulements à billes en céramique. Fini Côtes de Genève, ce mouvement, doté d’un système de réglage fin et d’un stop-seconde, a été conçu comme un tracteur. Il est ainsi proposé dans la gamme Drive en 1904-PS MC pour le modèle heures, minutes, petite seconde, date et en 1904-FU MC pour celui doté en outre d’une petite complication, en l’occurrence un second fuseau horaire avec indication jour/nuit. Pour bien imprimer l’esprit collection à ses Drive, Cartier présente également cette montre dans une version Haute Horlogerie certifiée Poinçon de Genève, équipée du tourbillon volant 9452 MC. Assurément, chaque segment compte.