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« État d’urgence sur les océans »
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« État d’urgence sur les océans »

vendredi, 4 novembre 2022
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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9 min de lecture

La conférence de Lisbonne de l’été 2022 sur les océans a clairement mis en exergue la problématique. Les océans, ressources vitales de la planète, souffrent de multiples maux en constante aggravation, sans que les actions entreprises jusqu’ici aient permis d’inverser la tendance. En décrétant l’« état d’urgence », la conférence de Lisbonne lance un cri d’alarme. Sera-t-il entendu ?

En quelques déclarations, entendues à l’ouverture de la Conférence des Nations unies sur les océans, tenue à Lisbonne du 27 juin au 1er juillet 2022, la cause était « entendue ». « Nous avons pris l’océan pour acquis, exposait António Guterres, secrétaire général des Nations unies en ouverture de conférence. Or nous sommes actuellement confrontés à ce que j’appellerais un état d’urgence des océans. L’océan n’est pas un dépotoir. Il n’est pas une source de pillage infinie. C’est un système fragile dont nous dépendons tous. » Déjà, à la vieille de ce rendez-vous qui n’était certes pas une instance de négociation mais une tribune libre, les pays membres du G7 avaient fait entendre leur voix : « Un océan propre, sain et productif, doté d’écosystèmes marins résilients, est essentiel à toute vie sur terre. » Et de s’engager pour « la protection, conservation, restauration et utilisation durable et équitable de l’océan mondial ».

Mais « l’essentiel du chemin reste à faire, avertissait Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco. L’océan est encore trop souvent dans l’angle mort des consciences et des politiques publiques. Nous ne le comprenons pas et nous ne le protégeons pas suffisamment. Il y a urgence à renverser radicalement cette tendance ». En d’autres termes, comme le stigmatisait John Kerry, émissaire américain pour le climat, « on ne peut pas régler le problème de la crise climatique sans s’occuper des océans, qui jouent un rôle crucial de puits à dioxyde de carbone. Et on ne peut pas non plus régler les problèmes des océans sans s’occuper du climat, car les émissions de gaz à effet de serre réchauffent et acidifient les océans ».

Ce petit florilège montre bien que si l’on veut que la Terre reste une planète où il fait bon vivre – comme on n’en prend pas le chemin –, il est aujourd’hui essentiel de s’occuper des océans. En voici quelques raisons :

Les océans, réservoir de biodiversité

Les océans, couvrant 70 % de la surface de la Terre, sont un formidable réservoir de biodiversité dont nombre d’espèces ne sont pas encore connues. En un mot, l’homme en sait plus sur l’univers que sur les profondeurs marines, qui recèlent pourtant 80 % de la vie dans le monde. Un exemple : si le projet de cartographier les fonds marins avance à grands pas, pour l’instant, moins d’un quart des profondeurs océaniques font l’objet de données bathymétriques. Or, sans ces informations cruciales, point d’avenir durable selon les experts.

Dangers

  • La pollution plastique – 8 millions de tonnes par année pour un total de 150 millions de tonnes dans l’océan sans compter les microplastiques – est la cause d’une forte mortalité parmi les oiseaux et les mammifères marins. Si certains plastiques sont directement ingérés par la faune marine, d’autres se disloquent en microplastiques, qui contaminent la chaîne alimentaire. Selon certaines études, il pourrait y avoir plus de plastiques que de poissons dans l’océan d’ici 2030.
  • Les pollutions chimiques – marées noires, déversements toxiques, eaux usées… – sont un problème récurrent lié à l’industrie qui utilise les océans comme site d’évacuation. Problèmes dus également aux forages pétroliers offshore, au nombre de 6’000 dans le monde et en constante croissance. Résultat : les océans sont de plus en plus saturés d’hydrocarbures mais également de métaux lourds, voire de nitrates, qui contaminent les poissons que l’on retrouve dans nos assiettes. Dans certaines zones, les pollutions sont telles qu’elles provoquent des blooms d’algues vertes, qui détruisent la vie marine.
  • L’extraction minière de métaux rares dans les fonds marins de plus en plus convoités, et qui s’effectue à l’aide de robots, fait peser une menace réelle sur ces écosystèmes riches, fragiles et souvent propres aux grandes profondeurs.
Les océans, régulateur climatique

Plus de 50 % de nos besoins en oxygène proviennent des océans, qui en libèrent ainsi davantage que l’ensemble des forêts de la planète. Poumons de la Terre, les océans sont également essentiels dans la lutte contre les gaz à effet de serre dans la mesure où ils absorbent près d’un tiers de toutes les émissions de CO₂. Grâce à la photosynthèse, les phytoplanctons – organismes unicellulaires présents dans l’eau – transforment en effet les dioxydes de carbone en oxygène. Les océans agissent ainsi comme un régulateur thermique pour résorber les excès de chaleur provoqués par le réchauffement climatique. Les trois premiers mètres de profondeur des océans accumulent ainsi autant de chaleur que la totalité de l’atmosphère.

Dangers

  • Au cours de ces 60 dernières années, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 50 % si bien que les océans, en voie de saturation, ont des capacités d’absorption de gaz carbonique de plus en plus réduites. Ce qui augmente d’autant les conséquences négatives des émissions de CO₂. Autre conséquence : la mer devient plus acide, avec pour incidence directe de fortes perturbations sur les chaînes alimentaires aquatiques.
  • À mesure que la Terre se réchauffe, les océans se réchauffent. Ce phénomène d’augmentation des températures entraîne la formation de puissantes vagues de chaleur marines, en hausse de 50 % sur les 30 dernières années en nombre de jours, qui compromettent l’existence même des espèces subaquatiques. Ces vagues de chaleur causent également la mort des récifs coralliens, qui ne peuvent ainsi plus satisfaire aux besoins des espèces qu’ils abritent.
  • Réchauffement et acidification conjugués donnent naissance à des zones mortes, des zones totalement désoxygénées où plus aucune vie marine ne peut se développer.
  • Le changement de température des océans est un facteur de perturbations météorologiques, qui engendre la multiplication des cyclones et des tempêtes océaniques.
Les océans, base alimentaire

Les océans fournissent un moyen de subsistance irremplaçable : principale source de protéines pour 3 milliards de personnes, la pêche et l’aquaculture font vivre entre 10 et 12 % de la population mondiale selon le WWF. En d’autres termes, la pêche assure près de 10 % des protéines animales consommées dans le monde, en sachant que les protéines issues de la mer émettent 20 fois moins de CO₂ que la viande.

Dangers

  • Les captures de pêche ont atteint un plateau et stagnent à environ 90 millions de tonnes par an depuis 30 ans. En raison de la surexploitation des stocks, la productivité de la pêche ne cesse de décliner : les bateaux rapportent aujourd’hui 80 % de poissons en moins que dans les années 1950.
  • Dans presque tous les océans du monde et les grands lacs, la quantité de poissons capturés empêche la reconstitution des stocks. Bien qu’environ un tiers de l’ensemble des espèces soit victime de surpêche ou sur le point de l’être, la pêche intensive se poursuit.
  • La pêche illégale est très répandue : un cinquième des prises mondiales sont illicites ou non déclarées. En outre, de plus en plus de poissons proviennent de l’aquaculture. Mais les espèces carnassières issues de l’aquaculture – saumons ou thons – se nourrissent de poissons sauvages. Pour 1 kg de thon d’aquaculture, il faut compter environ 15 kg de poissons.
Quatre champs d’action

Fort de cet état alarmant de la situation, António Guterres a dressé quatre champs d’action lors de son discours tenu l’été dernier à Lisbonne en ouverture de la Conférence des Nations unies sur les océans, appelant à la bonne volonté de tous et à un engagement sans faille. Les Conférences des parties (COP) sur la biodiversité et le climat de l’automne 2022 diront s’il a été entendu.

  • Investir dans les océans
    Toutes les parties prenantes doivent investir sur le long terme dans des océans durables sur les plans alimentaire, énergétique et économique, en sachant que l’Objectif de développement durable (ODD) 14 est le moins financé de tous. Une gestion durable des océans pourrait permettre de produire 6 fois plus de nourriture et 40 fois plus d’énergies renouvelables.
  • Un modèle de gestion
    Les océans pourraient devenir un modèle dans la manière dont le monde gère les biens publics au bénéfice de tous, ce qui signifie prévenir la pollution et renforcer les mesures de préservation des océans.
  • Lutte contre le réchauffement
    Pour protéger les océans et les personnes du changement climatique, il faut que toutes les nouvelles infrastructures côtières soient climato-résilientes et que le secteur du transport maritime parvienne au « zéro émissions » d’ici à 2050.
  • Aide de la science
    La nécessité se fait sentir pour davantage d’innovations et un approfondissement des connaissances scientifiques afin d’ouvrir un nouveau chapitre de l’action mondiale pour les océans. Il est question de parvenir à cartographier 80 % des fonds marins d’ici à 2030 et d’inciter le secteur privé à rejoindre les partenariats qui s’appuient sur la recherche pour une gestion durable des océans.
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