Dans Les Heures sombres, un « biopic » signé Joe Wright, l’ex-enfant terrible d’Hollywood a mis toute son énergie créatrice à jouer le rôle du chef de guerre qui va mener avec succès la lutte contre Hitler et le nazisme. Méconnaissable, Goldman n’a pas hésité à subir des heures de maquillage fastidieux, à fumer des cigares et porter un faux ventre. Pour cette prestation magistrale, aussi mémorable que De Niro dans Raging Bull, la star pourrait bien remporter un oscar.
Je l’admets ! Quand on m’a proposé ce rôle, ma première réaction a été de me dire : « Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir apporter de neuf en incarnant ce monument du XXe siècle ? » (Rires.) Il ne s’agissait d’ailleurs pas de faire revivre une icône, en l’occurrence l’une des figures les plus marquantes que le Royaume-Uni ait connues. Autant dire que le défi était immense, exigeant de se pencher sur sa vie, et quelle vie ! Churchill était un homme multifacette. Un être complexe. Pour le comprendre, il faut du temps. Une vie, je pense, n’y suffirait pas. N’oubliez pas que Churchill s’est lui-même « raconté » dans des dizaines de livres, sans parler des centaines de biographies et autres documentaires qui lui ont été consacrés !
Quand j’ai trouvé comment j’allais jouer Churchill, comment j’allais aborder ce rôle, je me suis investi comme jamais dans ma carrière. Je ne pouvais pas quitter le plateau sans que je sois encore « habité » par lui. Du coup, c’est vrai que quand j’arrivais très tard à la maison une fois dans le lit conjugal, ma femme me disait : « Je me couche avec Winston Churchill, mais le matin je me réveille avec Gary Oldman ! » Remarquez, il vaut mieux ça que l’inverse. (Rires.)
Le courage de me lever chaque matin pour subir quatre heures de maquillage et la pose de prothèses. Cela fait presque quarante ans que j’exerce ce métier, mais là il fallait se donner à fond durant les douze heures de tournage par jour. Normal, j’étais pratiquement dans toutes les scènes. J’avais parfois le sentiment d’être une locomotive à laquelle on accrochait un, puis deux, puis trente wagons. C’était exténuant ! Mais j’ai tenu bon, car je pense vraiment que c’est le rôle d’une vie. Ce que je redoutais le plus, c’était d’être « contaminé » par toutes les interprétations qui ont été faites de lui. Plusieurs fois, je me suis surpris à fermer les yeux et à m’imaginer en Churchill. Dans de nombreux livres et long-métrages, on le présente comme un homme irascible, toujours de mauvaise humeur, un bougon patenté, en somme. On ne peut pas davantage le voir sans son cigare, un verre de whisky à la main. Certes, ces « éléments » font partie du personnage. Mais Winston Churchill ne se résume évidemment pas à cela. Récemment, je suis tombé sur des séquences d’archives montrant un homme dynamique, plein de vie. On le sentait ravi de mener la destinée de l’Angleterre. Il en jouissait même. J’ai été surpris de le voir marcher devant tout le monde. Et ce regard ! Il regardait droit devant lui. On sentait bien qu’il s’était fixé un but, une mission, et que rien ni personne n’auraient pu l’en soustraire. Il avait aussi un visage poupin, rond, marqué par des yeux pétillants. Sans oublier ce sourire. Certains y voient une sorte de moue, moi je perçois plutôt une forme de joie. C’est ce Churchill-là que le scénariste Anthony McCarten a voulu montrer. Un homme de 65 ans, dans la force de l’âge, bien décidé à ne pas subir la tyrannie.
Oui ! J’ai lu que toute sa vie il avait été très fidèle à la Maison Breguet (sir Winston possédait notamment une Breguet n° 765, un chronographe rattrapante à répétition minutes acheté en 1890 par le duc de Marlborough, ndlr). C’est amusant que vous me posiez une question sur la relation que pouvait avoir Churchill avec les montres. Quand vous incarnez un tel personnage, vous vous doutez bien que vous devez faire des recherches. J’ai appris par exemple qu’en 1946 un horloger suisse avait remis à Churchill, tout comme à Henry Truman, Joseph Staline et Charles De Gaulle, une montre d’exception.
Effectivement. Si je me souviens bien, elle avait été réalisée par l’horloger Louis Cottier en collaboration avec la prestigieuse maison horlogère Agassiz & Co.
Les Suisses ont un don, celui de créer des pièces d’horlogerie d’une rare beauté et d’une rare qualité.
Cela ne m’étonne pas. Les Suisses ont un don, celui de créer des pièces d’horlogerie d’une rare beauté et d’une rare qualité. Forcément, de telles pièces ne peuvent que prendre de la valeur. Au même titre qu’une œuvre d’art. D’ailleurs, les montres sont des œuvres d’art ! Ce qui me fascine dans les montres, c’est que ces objets, qui incarnent le temps, jouent eux-mêmes avec cette notion à travers les différents modèles, cadrans, aiguilles, bracelets, matériaux. Mais l’objectif est toujours le même : être ponctuel quoi qu’il advienne. Pour prendre le thé ou un avion ! (Rires.)
Je la colle à mon oreille pour entendre battre son « cœur ». Avouez qu’il y a quelque chose de magique en provenance du boîtier ! On se demande toujours comment il a été possible de loger tous ces rouages, tous ces composants microscopiques dans un espace si réduit. C’est peut-être pour cela que nous sommes si admiratifs des horlogers suisses. Pour les êtres si peu minutieux que nous sommes, si peu habiles de nos mains, le travail qu’effectuent ces maîtres du temps relève du mystère ! Je ne connais d’ailleurs personne sur cette terre qui ne soit pas émerveillé par ces mécanismes de haute précision.
Cela dépend de mon humeur, j’imagine. Je ne fais pas partie de ces personnes qui se réveillent un matin en se disant : « Tiens, et si j’allais acheter une montre ! » D’ailleurs, on n’achète pas une montre, c’est elle qui vous adopte. Vous êtes là, en train de marcher dans la rue, et, allez savoir pourquoi, votre regard se porte sur une vitrine. Et dans cette vitrine, sans aucune raison apparente, une montre vous tape dans l’œil. Vous êtes comme magnétisé, hypnotisé. À la rigueur, la seule chose qui peut vous faire reprendre vos esprits, c’est l’annonce de son prix ! (Rires.)
Au cours de ma vie, j’ai porté différents types de montre. Des plus ostentatoires aux plus excentriques, en passant par des modèles vraiment bon marché. Aujourd’hui, j’arrive à un âge où l’on apprécie des valeurs plus classiques. Ce que je recherche dans une montre, c’est une ligne qui ne se démode pas. J’ai d’ailleurs remarqué que bien souvent les montres aux lignes simples et fluides renferment des mécanismes hyper complexes. Un peu comme certaines voitures. On a parfois du mal à savoir ce qu’il y a sous le capot. Une chose est sûre toutefois, quand j’achète une montre, je ne pense pas à un placement financier mais bel et bien à me faire plaisir !