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Glashütte ou le miracle horloger allemand (III)
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Glashütte ou le miracle horloger allemand (III)

mardi, 20 mars 2018
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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9 min de lecture

Il y a 150 ans, les pionniers de l’horlogerie allemande jetaient les bases de cette industrie à Glashütte. De nos jours, aux côtés des grandes manufactures éclosent aujourd’hui de nouvelles pousses comme Nomos ou des Maisons à la recherche de leurs succès passés comme Tutima. Reportage.

Il n’y a pas à tergiverser longtemps, pour le commun des mortels, l’horlogerie allemande se résume à une seule et unique localisation : Glashütte. Par le passé, il y a bien eu un autre centre de compétences reconnu à Pforzheim avec la création de la Manufacture de bijouterie et d’horlogerie par Karl Friedrich von Baden en 1767. Après avoir connu un essor important lié au développement et à la renommée de ces spécialités, la cité, qui abrite toujours une école d’horlogerie et d’orfèvrerie, n’a toutefois pas réussi à maintenir son rang dans le concert international. On y trouve certes encore des Maisons comme Stowa ou Laco, mais leurs noms, généralement associés à des montres militaires, peinent à franchir les frontières. On notera cependant que c’est bien à Pforzheim que la famille Scheufele a démarré ses activités en 1904, avant de reprendre la manufacture Louis Ulysse Chopard en 1963 et de déménager à Genève. L’entreprise familiale compte d’ailleurs toujours une unité de production dans la ville qui l’a vue naître, Chopard Allemagne occupant près de 400 personnes dans la production de bijoux, chaînes et boîtes de montre. Pour le reste, les quelques horlogers dont le nom évoque une tradition allemande, comme Hanhart ou Junghans, ne font guère référence à une origine précise, pas plus que les récents Chronoswiss, MeisterSinger ou Lehmann.

La séculaire Tutima

C’est donc vers Glashütte que tous les regards se tournent à l’évocation d’une horlogerie « Made in Germany ». L’identification est d’ailleurs si forte que Glashütte dispense une aura de qualité autrement plus puissante que l’appellation d’origine allemande. En d’autres termes, l’inscription sur le cadran du nom de cette bourgade saxonne est encore le meilleur des sésames vers le client final pour véhiculer une réputation de précision et de fiabilité. Mais ne peut s’en revendiquer qui veut. « Pour porter cette indication, une montre doit être produite pour 50 % de sa valeur sur place, explique Alexander Philipp, directeur opérationnel de Tutima. Si, par exemple, j’achète un mouvement d’une valeur de 100 euros, je vais devoir investir une somme équivalente dans sa finition ou sa personnalisation pour obtenir le label. » C’est exactement ce qu’est venu chercher Tutima en établissant ses pénates sur le territoire de Glashütte en 2008. À ce détail près que la Maison avait toute la légitimité pour le faire vu que son histoire, vieille de près d’un siècle, est intimement liée à celle de l’horlogerie de la ville. C’est en effet en plein marasme que cette entreprise a vu le jour, dans les années qui ont suivi le premier conflit mondial. Laminés par une inflation galopante, les horlogers de Glashütte, menacés de faillites en chaîne, avaient complètement raté le virage de la montre-bracelet. C’est finalement grâce à l’intervention du gouvernement de Saxe, et avec l’aide de sa banque centrale, que le Dr. Ernst Kurtz, juriste de formation, a pu sauver les meubles en 1927, regroupant tout ce qui méritait de l’être dans deux nouvelles entités : l’Uhren-Rohwerke-Fabrik Glashütte (Urofa) pour la production de mouvements et l’Uhrenfabrik Glashütte (Ufag) pour l’assemblage et la distribution. Dès lors, Ernst Kurtz, âgé de 26 ans, pouvait entrer dans la légende locale. Tout comme le calibre 58 apparu en 1934, symbole du renouveau de Glashütte dans la montre de poignet, dont pas moins de 350’000 exemplaires ont été produits jusqu’en 1945.

Tutima, la marque a été lancée dans les années 1920 par Urofa Glashütte
Tutima, la marque a été lancée dans les années 1920 par Urofa Glashütte

Le nom de Tutima – du latin tutus, « sûr », « fiable » – date de cette époque, réservé aux montres haute de gamme de la Maison. Cette nouvelle prospérité sera toutefois de courte durée. Les bombardements de Glashütte lors de la Seconde Guerre mondiale, les spoliations de son outil de production par les Russes et l’avènement de la RDA poussent Ernst Kurtz et quelques collaborateurs à se réfugier en Allemagne de l’Ouest. Là, ils redémarrent une activité horlogère, d’abord en Bavière puis en Basse-Saxe, à Ganderkesee. La relève sera ensuite assurée par Dieter Delecate, un collaborateur de longue date d’Ernst Kurtz, qui reprend l’affaire dans les années 1960, bientôt suivi par ses trois enfants. Tutima est sauvé, avant que la chute du mur de Berlin ne donne de nouvelles perspectives à cette marque trop heureuse de pouvoir renouer avec ses origines. Depuis dix ans, c’est chose faite. Tutima a repris racine dans un édifice face au quai de la gare de Glashütte, avec un second site de production un peu plus loin dans la ville. Pour marquer le coup et après quatre ans de développement, elle a d’abord présenté en 2011 une pièce Hommage en édition limitée, soit la première répétition minutes entièrement conçue et réalisée à Glashütte. Question de bien montrer que Tutima était à nouveau sur les rails d’une horlogerie de qualité. Avec ses 35 collaborateurs, la Maison a ainsi redémarré en 2014 une production estampillée de son nouveau lieu de résidence. Et si les quatre collections représentant un volume de quelque 5’000 pièces par an sont basées essentiellement sur des mouvements ETA personnalisés, Tutima n’en a pas moins développé son propre calibre manufacture réservé à la gamme Patria. Un nom lourd de sens.

La prometteuse Nomos

Parmi les nouveaux venus à Glashütte, ceux qui ont choisi précisément cette localisation pour le riche passé horloger qu’elle représente, impossible de ne pas mentionner Nomos. Installée avec une première tête de pont en 1990 dans un appartement de la ville occupé par trois personnes, la Maison est actuellement répartie sur trois sites occupant près de 300 collaborateurs, sans compter son bureau créatif établi à Berlin qui emploie plusieurs dizaines de professionnels. L’accueil se fait ainsi dans l’ancienne gare de Glashütte, un endroit au design aussi songé et minimaliste que les montres de la marque, avant un premier déplacement à quelques encablures de la ville pour visiter le site industriel et centre d’usinage de la Maison, à l’architecture tout aussi étudiée. Il s’agit pourtant là d’une implantation provisoire, prévue pour trois ou quatre ans, avant de trouver une autre solution à plus long terme, compatible avec la rareté des terrains disponibles à Glashütte. Le parcours complet passe ensuite par Nomos Chronométrie, qui abrite, sur les hauteurs de la cité, le département de recherche et développement et l’assemblage, avant de se terminer à la boutique Nomos, le seul point de vente de la marque de la ville. Cette présence incontournable d’un horloger qui n’a pas encore soufflé ses 30 bougies atteste d’une phénoménale marche en avant. Et pour cause. Si l’on se réfère aux derniers exercices, comme le rapporte Patricia Hellmuth, en charge des relations publiques, Nomos a enregistré une croissance annuelle de l’ordre de 30 % entre 2014 et 2016 pour encore progresser de 20 % l’an dernier, année horlogère pourtant difficile.

Nomos Glashütte Calibre DUW 3001
Nomos Glashütte Calibre DUW 3001

Autrement dit, Nomos est adossé à un concept qui fait mouche : un design fonctionnel et reconnaissable qui tire son inspiration de la Deutscher Werkbund, association qui annonçait le Bauhaus, un positionnement des plus accessibles avec l’essentiel de la gamme compris entre 1’000 et 5’000 euros et une solide base mécanique voulant que la manufacture Nomos développe ses propres mouvements depuis 2005, exclusivement mécaniques. À ce jour, la Maison déploie son offre sur 12 collections et 10 calibres maison dont le DUW 3001, qui fait toute sa fierté. « L’année 2014 marque le début d’une nouvelle ère pour Nomos, poursuit Patricia Hellmuth, car c’est à cette date que nous nous sommes affranchis de la sous-traitance helvétique avec notre calibre DUW 1001 à remontage manuel. L’année suivante, nous sommes arrivés avec le DUW 3001, mouvement automatique extra-plat de 3,2 mm de hauteur pour lequel nous avons développé notre propre échappement. Celui-ci nous a demandé sept ans de développement mené conjointement avec plusieurs centres de recherche, à Dresde notamment. Pour une “petite” marque comme Nomos, la démarche mérite d’être soulignée. » Suffisamment du moins pour que les références affluent. En termes d’efficience de remontage, c’est ainsi Rolex qui sert de comparatif et, plus généralement, ce sont les exigences du COSC en termes de chronométrie (– 4/+ 6 secondes/jour) que les calibres Nomos sont censés respecter. Autant dire que l’appellation Glashütte n’est qu’une formalité pour cette manufacture dont les montres sont à 95 % d’origine locale en termes de valeur. La cité horlogère, quant à elle, s’est gagné un ambassadeur de choix dont la destinée internationale est déjà prometteuse. Aléa du calendrier : son installation à Glashütte s’est faite exactement la même année où Walter Lange enregistrait à nouveau la raison sociale d’A. Lange & Söhne.

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