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Jaeger-LeCoultre dans la peau
Points de vue

Jaeger-LeCoultre dans la peau

mardi, 20 décembre 2016
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Roberta Naas
Journaliste

“La vie est une question de temps, de ce qu’on en fait et comment on l’utilise.”

Roberta Naas est une journaliste chevronnée dans le monde de l’horlogerie avec plus de 32 années d’expérience à son actif. Elle est également auteure de six livres sur les montres et le temps ainsi que fondatrice de www.atimelyperspective.com.

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7 min de lecture

Christian Laurent, maître horloger créateur depuis 44 ans au sein de la Manufacture Jaeger-LeCoultre, dirige l’équipe des 47 experts de l’atelier des Grandes Complications de la marque. À ses débuts, il y a 28 ans, cet atelier ne comptait que 4 personnes.

Sous l’œil attentif de Christian Laurent, l’équipe des Grandes Complications de Jaeger-LeCoultre assemble tourbillons, quantièmes perpétuels, répétitions minutes, tout comme des pièces bien particulières à l’instar du Gyrotourbillon et du Duomètre à Sphérotourbillon. Tout au long de sa carrière au sein de la Manufacture, Christian Laurent a pris part au développement de tous les nouveaux modèles, en étroite collaboration avec les designers, les ingénieurs, les prototypistes et les horlogers. Aujourd’hui, à l’heure du bilan de carrière, il peut également se targuer d’avoir été un réel mentor, plaçant ceux qu’il a lui-même formés à la tête de divisions telles que la logistique ou le contrôle qualité. Comme le dit cet inventeur, éternel optimiste à l’humilité désarmante : chaque nouvelle montre est le fruit d’un incroyable travail d’équipe mené par une armée de professionnels. Entretien.

Que ressentez-vous à l’idée d’avoir passé plus de 40 ans au sein d’une même manufacture ?

Je m’y sens chez moi. J’ai grandi au sein de cette Maison. Mes amis me disent parfois que Jaeger-LeCoultre est comme ma maîtresse… Oui, c’est vrai, j’ai flirté avec d’autres marques, parce qu’elles m’ont approché. Mais aussi alléchantes qu’aient été leurs offres, c’est cette marque que j’aime. Elle fait partie de moi, de qui je suis.

Vous avez une équipe, certes, mais vous êtes à la base d’inventions majeures comme le Gyromètre ou le Sphérotourbillon !

L’horlogerie est ma passion, et chaque fois qu’un nouveau modèle voit le jour, c’est le résultat d’un travail d’équipe. Cela dit, je suis celui qui a vraiment cru au concept du Gyromètre et qui l’a fait avancer. Vous savez, quand il s’agit de développer de nouveaux produits, je n’interviens pas vraiment au tout début du processus. Tout commence avec l’équipe des designers et des ingénieurs. Quand ils pensent qu’un projet est réellement viable, ils viennent me voir pour le mener à bien. Mon équipe travaille alors de concert avec les différents départements et chacun apporte sa pierre à l’édifice. C’est à moi de déceler qui, dans mon équipe, devra travailler sur quel produit ou quel projet. Pour le Gyrotourbillon, je savais que ce concept avait un énorme potentiel, aussi ai-je insisté pour que l’on y travaille tous ensemble. C’est un peu comme dans le sport. Si j’aime gagner, je ne veux surtout pas perdre. Voilà un projet de plus de quatre ans pour lequel j’ai dû faire en sorte que mon équipe reste motivée.

Jaeger-LeCoultre Duomètre Spérotourbillon
Jaeger-LeCoultre Duomètre Spérotourbillon
Quel a été votre plus gros défi au cours de toutes ces années ?

C’est probablement quand nous avons amorcé le travail sur la Reverso répétition minutes en 1994. C’est à cette époque que nous avons véritablement commencé à explorer des complications de plus haut vol destinées à la Reverso. J’ai poussé mes propres compétences en étudiant les répétitions minutes et leur mécanisme. Je travaillais tous les jours, même le week-end, pour trouver des solutions visant un meilleur résultat pour un meilleur son. Nous ne disposions pas alors de l’équipement électronique d’aujourd’hui et nous n’étions pas organisés de la même façon. Nous travaillions directement avec la haute direction, avec le directeur du développement et le département qui fabriquait les outils. Notre mission consistait non seulement à mettre au point le mouvement de la montre mais aussi à s’assurer auprès des autres départements qu’ils pourraient faire ce dont nous avions besoin. À cette époque, les timbres de la sonnerie étaient accordés à l’oreille. Et j’étais l’oreille ! Au fil des ans, notre manufacture, tout comme l’industrie horlogère dans son ensemble, a travaillé sur de nouveaux procédés de transmission du son si bien qu’aujourd’hui nous disposons de machines qui mesurent la qualité du son, les décibels afin d’optimiser la sonnerie. Ces années-là n’en furent pas moins aussi stimulantes que passionnantes.

Diriez-vous que c’était l’âge d’or de l’horlogerie moderne ?

Oui. Nous étions en phase d’exploration. Nous ne disposions pas de machines ou d’équipements électroniques, et pourtant ça marchait ! Il nous fallait utiliser nos mains et nos cerveaux pour inventer et chercher. Il nous fallait explorer. Personnellement, je trépignais toujours avant de m’y mettre et de créer. Aujourd’hui, nous sommes plus gros ; il y a des procédures à respecter ; le développement d’une pièce prend donc plus de temps. Nous avons aussi des ordinateurs, l’impression 3D et une foule d’autres choses qui aident à concevoir une montre. Mais je m’estime chanceux, car j’ai beaucoup appris. Et si, aujourd’hui, je continue d’apprendre, mon rôle consiste davantage à transmettre mon savoir.

Quelle est votre plus grande fierté ?

Il y a tant de choses ! Je tire une profonde satisfaction de ce grand atelier où je peux faire confiance à chacun. C’est bien simple, les personnes qui m’ont rejoint au cours des sept premières années qui ont suivi la création de cet atelier sont encore là aujourd’hui ! C’est comme une famille. Et si nous travaillons ensemble, nous faisons aussi de la randonnée ensemble, nous discutons… L’atmosphère est amicale. Pour moi, c’est formidable. Ils se disent tous inquiets à l’idée que je prenne ma retraite dans deux ans. Quelle sera la vie de cet atelier sans moi ? Cette appréhension me conforte dans l’idée d’un certain accomplissement personnel. Mais je partirai sans la moindre inquiétude, car j’ai constitué une excellente équipe !

Jaeger-LeCoultre Reverso Tribute Gyrotourbillon
Jaeger-LeCoultre Reverso Tribute Gyrotourbillon
Et une montre dont vous seriez particulièrement fier ?

Pour moi, c’est la Duomètre à Sphérotourbillon. Un projet que j’ai mené de A à Z. Même si le tourbillon existait déjà, trouver le moyen de le placer de côté sur un plan incliné a demandé beaucoup de réflexion, de recherche et d’innovation.

Comment envisagez-vous votre retraite ?

Je pense qu’il me sera très difficile de partir. Je suis déjà en pourparlers avec la direction pour éventuellement rester un peu plus longtemps. J’ai une vie de famille bien remplie avec des enfants, mais mon engagement chez Jaeger-LeCoultre est tel que si j’arrête du jour au lendemain, je crains que ce soit trop brutal. Je dois donc trouver le moyen de prolonger ma contribution et de partager encore ma passion. Mais je suis confiant, car même si je prends ma retraite, mon équipe est composée de nombreux talents avec de brillantes idées. Aussi, je ne m’inquiète pas pour l’avenir du département. Je suis fier de mon équipe.

D’autres marques vous inspirent-elles ?

Oui. Dufour. Quand je l’entends parler de son travail, c’est fascinant. Et je suis impressionné par les « petits » horlogers indépendants, car en raison de leur taille tout le monde est impliqué dans la réalisation des nouveaux modèles. C’est une formidable façon de travailler et d’inventer. Quand un petit horloger peut prétendre avoir conçu et réalisé une pièce à partir de rien, c’est un sentiment unique ! Un sentiment qui fait écho à ma propre expérience.

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