Jaeger-LeCoultre harponné dans une spirale vertueuse

Il est des signes qui ne trompent pas. Sur le stand Jaeger-LeCoultre de Watches&Wonders, Salon de Haute Horlogerie qui a tenu sa seconde édition à fin septembre à Hong Kong, point de stress palpable. L’affluence est pourtant à son comble et les demandes pressantes de la part de visiteurs avides de savoir. Rien ne vient toutefois perturber cette douce sérénité dont un certain François Mitterrand avait fait sa marque de fabrique sous l’intitulé « La force tranquille ». Car pour la grande Maison de la Vallée, comme elle plaît à se présenter, tous les voyants sont au vert.

Un premier moment d’anthologie

La saga des premières Hybris Artistica en offre un excellent exemple. Initialement prévues en 12 exemplaires, soit une pièce par modèle, elles ont dû être réalisées au nombre de 30 tant la demande se présentait nettement plus forte que prévu. Dévoilés en avant-première au Salon de la Haute Horlogerie de Genève comme la quintessence des métiers d’art appliquée à la maîtrise horlogère de la Maison, ces garde-temps ont depuis fait le tour de la planète, au rythme des grands événements organisés par la marque, à la Mostra de Venise, par exemple. Avant-dernier stop donc à Hong Kong, avant Taipei, devant un public qui sera parmi les derniers à contempler les 12 montres réunies dans un même espace.

« Nous allons effectivement mettre un terme à cette aventure et livrer les pièces en début d’année prochaine, précise Daniel Riedo, CEO de Jaeger-LeCoultre. À ce jour, 27 Hybris Artistica ont trouvé preneur et j’attends une confirmation imminente pour la 28e, la pièce unique Atmos Marqueterie. Il reste donc deux Reverso Cordonnet Neva, mais il s’agit là d’un modèle très joaillier au contenu horloger moins fort. » En sachant que certaines pièces ont été acquises le jour même de leur présentation, l’une d’entre elles par un amateur qui a fait l’aller-retour en avion de Londres pour la contempler et passer commande ; en sachant également que ces Hybris Artistica sont proposées à partir de quelque CHF 200’000 et au-delà du million pour les plus dispendieuses, c’est dire si cette première balade dans des champs artistiques originaux peut d’ores et déjà être considérée comme un moment d’anthologie pour la marque.

Le succès est au Rendez-Vous

Un moment qui n’est d’ailleurs pas à considérer comme un coup d’éclat, voire un coup d’épate, bien au contraire. « Lorsque nous avons lancé la collection Hybris Mechanica il y a 13 ans, reflet du savoir-faire et de l’innovation Jaeger-LeCoultre dans l’univers des grandes complications, notre objectif était non seulement de réaliser des pièces exceptionnelles mais également de faire “descendre” les résultats de cette recherche horlogère au sein des autres collections de la manufacture, poursuit Daniel Riedo. Il en va exactement de même pour les Hybris Artistica. Elles doivent nous permettre d’explorer de nouveaux champs d’application des métiers d’art et d’en faire profiter les autres gammes de la Maison. À ce Salon Watches&Wonders, si nous avons également mis l’accent sur l’Hybris Mechanica 11, la Master Extra Plate Répétition Minutes Tourbillon volant, c’est parce qu’elle a été passablement occultée par les 12 Hybris Artistica. Mais nous venons également avec une Rendez-Vous Ivy Répétition Minutes qui est une parfaite illustration de ce que je viens d’expliquer. »

Ce garde-temps éminemment féminin est ainsi équipé du nouveau calibre 942A qui bénéficie des progrès réalisés pour l’Hybris Mechanica Grand Sonnerie avec, notamment, ses marteaux à trébuchets et son régulateur silencieux. Au niveau de l’habillage, son cadran en or gris au décor guilloché soleil émaillé et orné de feuilles de lierre parées d’un serti neige, il en va exactement de même : la culture Hybris Artistica se propage déjà dans la ligne Rendez-Vous. Rien d’étonnant à cela. Lancée il y a à peine trois ans, « la » gamme féminine de Jaeger-LeCoultre représente déjà 40 % des ventes de la Maison en volumes. Le succès est tel qu’à chaque exercice la manufacture a dû doubler ses capacités de production de la Rendez-Vous, une gamme déjà riche d’un tourbillon, d’un calendrier perpétuel et d’une carte céleste mobile dans le registre des complications.

Une nouvelle collection entre Master et Duomètre

Forte de ces expériences, la manufacture a décidé d’aller un pas plus loin. Explication de Daniel Riedo : « Si 2016 sera placé sous le signe de la Reverso, nous préparons une nouvelle collection pour l’an prochain, la huitième de Jaeger-LeCoultre, qui, elle aussi, bénéficiera des avancées horlogères déjà réalisées avec les Hybris. Entre la gamme Duomètre, très complexe au niveau horloger, et les Master, compromis entre classicisme et performances techniques, nous estimons qu’il y a la place pour une nouvelle ligne permettant de couvrir un segment à forte valeur ajoutée. »

En attendant ces nouveautés prévues courant 2015, Jaeger-LeCoultre continue de consolider ses fondations pour mieux entretenir son aspiration dans cette « spirale vertueuse » que connaît la Maison depuis un lustre. Daniel Riedo : « Cela fait quatre à cinq ans que nous avons accéléré l’ouverture de nouvelles boutiques en parallèle à nos réseaux de distributeurs et de détaillants pour une répartition égale entre chacun de ces canaux à raison d’un tiers. Nous avons aujourd’hui 61 points de vente en propre avec un point d’équilibre prévu entre 85 et 90. Comme nous sommes en train de vivre un véritable momentum positif aux États-Unis, un marché qui est en train de s’ouvrir à une offre horlogère autre que la montre sportive, nous y consacrons beaucoup d’efforts. Au niveau de la production enfin, notre site de Porrentruy, dans le Jura, continue de s’étoffer. Nous y sommes passés de 15 à 50 horlogers, pour atteindre probablement près de 200 à terme. Autrement dit, nous sommes toujours sur un rythme d’embauches, car nous n’arrivons pas à répondre totalement à la demande. Il n’y a aucune intention de notre part à vouloir entretenir une certaine rareté, mais telle est la situation. Et je dois dire qu’elle offre un certain confort. »