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Konstantin Chaykin, le Conquérant
Culture

Konstantin Chaykin, le Conquérant

mardi, 7 mai 2019
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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8 min de lecture

Autodidacte, créateur de montres « religieuses », inventeur de mouvements compliqués et de pièces inédites comme la Joker, Konstantin Chaykin donne à la Russie contemporaine ses lettres de noblesse horlogères. Entretien.

Plus personne dans le monde horloger n’ignore encore la montre Joker, une réalisation d’exception, aussi ludique dans sa présentation que géniale dans son concept. Son créateur ? Konstantin Chaykin, « le » Russe de l’Académie horlogère des créateurs indépendants (AHCI), qui présentait récemment un nouveau projet tout aussi ébouriffant : la Mars Conqueror Mkl, soit le prototype d’une montre pensée pour accompagner les futurs astronautes vers Mars avec affichage de l’heure terrestre, de l’heure et de la date martiennes, accompagnées d’un indicateur de la position astronomique des planètes. Rencontre avec son concepteur, un autodidacte « accompli ».

Quel a été votre parcours avant de devenir membre de l’AHCI ?

En automne 2008, j’ai été accepté comme candidat à l’Académie horlogère internationale de Vienne. À cette époque, j’étais déjà en mesure de développer des mouvements relativement complexes. Lors d’expositions, j’avais déjà eu l’occasion de présenter une pendulette à calendrier orthodoxe et une montre mystérieuse, l’un de mes tout premiers modèles. Pour résumer, je suis devenu candidat à l’AHCI six ans après avoir assemblé mon premier mouvement. J’ai donc eu suffisamment de temps pour apprendre le métier d’horloger. Lorsque j’ai réalisé mon premier calibre en Russie, je n’avais qu’un objectif en tête : inventer un mécanisme complexe et cohérent. Mais je n’avais clairement pas de plan de carrière en tête, je venais simplement de créer une pendule à tourbillon. C’est après avoir créé mon premier garde-temps que j’ai décidé de me concentrer sur une voie plus spécifique : la réalisation de montres « religieuses ». En 2005, j’ai ainsi présenté une pièce à calendrier orthodoxe et, un an plus tard, une deuxième à calendrier musulman. À cette époque, je recevais passablement de commandes pour des montres sur mesure de la part de clients qui recherchaient une esthétique originale sur des pièces d’orientation religieuse. Mon affiliation à l’AHCI n’a donc pas eu une grande influence sur mon travail, elle m’a en revanche permis d’élargir mes horizons.

Konstantin Chaykin
Konstantin Chaykin
Quelles ont été vos motivations pour devenir horloger ?

Mes premiers contacts avec le monde horloger remontent à l’an 2000. J’ai commencé à travailler dans la vente en tant qu’homme d’affaires. Très vite, les montres, ces objets merveilleux, ont déclenché une véritable passion. Et comme je devenais de plus en plus critique par rapport à ce que je voyais, j’ai voulu me lancer selon une approche personnelle de l’horlogerie. J’ai alors misé sur ma ténacité et j’ai décidé de tenter ma chance. Je ne le regrette pas.

Comment décririez-vous votre travail ?

Je ne pense pas que le travail d’un horloger et la production de montres en Russie soient fondamentalement différents par rapport à la Suisse, aux États-Unis ou au Japon. Ce qui me distingue, c’est que je n’ai pas suivi de cursus académique. Je ne peux pas prétendre avoir bénéficié d’une formation d’horloger. Je suis un parfait autodidacte. J’ai appris seul le fonctionnement d’une montre, la fabrication de ses composants, comment les dessiner et les assembler.

Travaillez-vous en solitaire ou avec l’aide de quelques « disciples » ?

Je suis très heureux de représenter la Russie dans ce segment du marché horloger. C’est un grand honneur et j’en suis fier. Je ne sais pas si l’on peut parler d’une victoire, car ce mot a une définition plus large, mais en tout état de cause je suis ravi de faire partie du monde de la Haute Horlogerie et de savoir que certains de mes modèles font partie des meilleurs dans leur catégorie. Cela dit, j’ai commencé seul, mais à présent je travaille avec une équipe d’environ 20 personnes qui réalisent avec moi des montres à complications. J’ai transmis mon savoir aux plus anciens. À leur tour maintenant de le transmettre aux nouveaux collaborateurs.

Joker Dracula © Konstantin Chaykin
Joker Dracula © Konstantin Chaykin
La Joker Watch représente-t-elle une étape clé dans votre carrière ?

Il est certain que la montre Joker a été une percée, un véritable succès d’estime et commercial. Jusqu’en 2017, nous ne produisions que 15 à 20 montres par année. Aujourd’hui, nous dépassons les 100. La Joker a changé beaucoup de choses.

En parlant de vos modèles, pouvez-vous nous en dire plus sur le Mars Conqueror Project ?

Le projet n’est pas encore terminé et je pense que ce sera un travail de longue haleine. Pour l’instant, le but est que le premier astronaute à poser le pied sur la Planète Rouge porte notre montre au poignet. C’est bien sûr un projet très ambitieux qui ne dépend pas uniquement de mes propres capacités mais bien d’une extraordinaire aventure humaine. J’aimerais que mes efforts soient récompensés, car je me crois sincèrement capable de créer la meilleure montre possible pour les futurs explorateurs de Mars. Le projet a commencé il y a un peu moins de deux ans et, durant ce laps de temps, nous avons déjà réalisé un prototype du mouvement. Nous travaillons actuellement sur une deuxième version. Ce que nous sommes en mesure de dévoiler aujourd’hui relève plutôt du concept, un instrument évolutif selon les fonctionnalités que nous aimerions développer. Si le projet voit le jour et que nous sommes appelés à finaliser notre concept, nous l’adapterons bien évidemment pour en faire des montres utilitaires, adaptées au voyage dans l’espace. Un gros travail.

De quelle manière organisez-vous vos réseaux de distribution ?

Comme je l’ai dit, nous produisons un peu plus de 100 pièces par année. Nous parlons principalement de montres faisant partie de la collection Joker qui, pour la plupart, partent à l’étranger. Nous avons une liste d’attente d’environ un an. Pour ce qui est de la promotion, nous utilisons principalement les réseaux sociaux, les expositions et divers événements auxquels nous participons.

Quels sont les plus grands défis pour un maître horloger tel que vous : trouver des clients, trouver le temps pour développer de nouveaux calibres, trouver l’inspiration pour de nouveaux concepts…

Bonne question. Le problème majeur est de trouver du temps pour tout ! Dans mon cas, ce n’est pas une tâche facile dans la mesure où de nombreux projets complexes sont en cours et que la production s’accélère. Je dédie tout mon temps à l’horlogerie, ce qui m’oblige à sacrifier certains aspects dans ma vie privée. C’est un peu désolant. Pour ce qui est de l’inspiration et des nouveautés, c’est encore une autre histoire. J’essaie de garder un peu de temps pour cela : si nous ne pouvons pas vivre dans le présent, nous devons penser au futur !

Cinema © Konstantin Chaykin
Cinema © Konstantin Chaykin
Selon vous, que peut-on dire du monde horloger actuel ?

Si l’on regarde la dernière décennie, le développement des montres intelligentes a changé beaucoup de choses dans les gammes de prix dites « abordables ». Dans cette catégorie de produits, il est difficile pour les montres à quartz et même mécaniques de rivaliser. Les smartwatches ont encore beaucoup de défauts, mais il est certain que les producteurs vont progressivement régler ces problèmes. Leur apparition n’a pas eu beaucoup d’impact sur le secteur du luxe, qui reste campé sur ses positions. Les « piliers » que sont Rolex ou Patek Philippe, garants d’une vision plutôt conservatrice de l’horlogerie, n’ont probablement aucun intérêt à changer de style. Quant au groupe d’horlogers indépendants dont je fais partie, c’est l’innovation qui en est le moteur. En ce qui me concerne, je me positionne parmi ceux qui cherchent à innover constamment, parmi les non-conformistes qui ne regardent pas ailleurs mais cherchent à créer leurs propres montres, complexes et originales.

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