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Culture

La bataille juridique entre Tiffany et eBay attend son verdict

jeudi, 21 février 2008
Par Katja Schaer
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Katja Schaer

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6 min de lecture

En guerre contre les contrefaçons, le bijoutier accuse le site en ligne de ventes aux enchères de profiter de transactions illégales. Les enjeux sont de tailles, d’autant qu’eBay est engagé dans d’autres procédures en dehors des Etats-Unis.

Les plateformes d’échanges sur Internet sont-elles responsables du contenu qu’elles affichent? Souvent débattue, cette question est une nouvelle fois d’actualité, dans le cadre d’une bataille qui oppose deux géants. Le groupe eBay est en effet dans la ligne de mire du bijoutier Tiffany qui accuse les responsables de la plateforme virtuelle de participer à la distribution de contrefaçons et de bénéficier, par les commissions encaissées, de la revente de copies. En peu de mots, de tirer profit de transactions illégales. Un verdict devrait être prononcé d’ici peu, mettant un terme, peut-être bien provisoire en cas de recours, à ce procès ouvert le 13 novembre 2004.

Des milliers d’annonces retirées

L’affaire est plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. «A priori, une place de marché virtuelle comme eBay n’est pas responsable du contenu hébergé, explique Bruce Sunstein, co-fondateur de Bromberg & Sunstein, un cabinet d’avocats de Boston spécialisé dans la propriété intellectuelle. Il ne lui revient pas d’assurer l’authenticité des objets échangés. Sauf si les responsables de la plateforme sont conscients ou informés qu’il y a fraude et savent que les objets qu’ils affichent sont des contrefaçons.» Et c’est bien là le postulat de Tiffany. Le bijoutier, qui estime que les ventes de faux sur Internet dans leur ensemble se chiffrent à quelque 30 milliards de dollars à l’échelle mondiale, affirme en effet qu’eBay est parfaitement conscient des transactions douteuses auxquelles il participe.

De ces produits, seuls 5% se sont avérés authentiques, affirme Tiffany.

Le bijoutier s’est d’ailleurs occupé à maintes reprises d’informer la plateforme d’échanges de la multiplication de fraudes. «Entre 2003 et 2004, sur une période de cinq mois, nos employés ont fait retirer quelque 19’000 annonces affichées sur eBay portant sur des contrefaçons de produits Tiffany», écrit le bijoutier dans sa plainte formulée en juillet 2004. En outre, le spécialiste du luxe a procédé à l’achat, sur eBay, de 186 bijoux estampillés de la marque. De ces produits, seuls 5% se sont avérés authentiques, affirme Tiffany. Et d’en conclure que «la très large majorité des objets griffés à notre marque et affichés sur eBay sont des contrefaçons. eBay ignore donc volontairement le fait qu’il participe à la vente de copies».

Un énorme enjeu

«Est-il suffisant d’informer le prestataire d’une plateforme virtuelle de l’existence de contrefaçons pour le rendre responsable de l’authenticité des objets échangés? C’est là la question à laquelle ce procès doit répondre», observe Lee J. Eulgen, avocat et partenaire de la firme Neal Gerber & Eisenberg à Chicago. Le groupe eBay, lui, se dégage de toute responsabilité, arguant que sa position n’est autre que celle d’intermédiaire et qu’il ne peut dès lors contrôler l’authenticité de tous les produits proposés sur son site. D’autant que n’étant jamais directement en possession des objets en question, il n’est pas à même de les examiner et de les contrôler. Sans compter que l’identification des vendeurs de contrefaçons, afin d’exclure les produits contrefaits d’un marché en ligne, est rendu des plus difficiles par le fait que ces derniers changent souvent d’identité virtuelle. Mais pour eBay, l’enjeu est de taille. En effet, si gain de cause est accordé à Tiffany, le plan d’affaires de ce marché en ligne est directement menacé.

Avec près de 250 millions d’usagers enregistrés et plus d’une centaine de millions d’objets en circulation à chaque instant, la société californienne ne serait en effet guère à même de vérifier l’authenticité des objets affichés à moins de s’engager dans des procédures aux frais exorbitants. Les conséquences d’un verdict en faveur de Tiffany pourraient être tout aussi redoutables pour les autres plateformes de ventes en ligne, alors également obligées de vérifier les produits annoncés sur leur site. «Il serait toutefois prématuré de conclure que toutes les plateformes de vente en ligne risquent un procès pour contrefaçon, tempère Lee J. Eulgen. Ces sites fonctionnent en effet selon divers modèles, avec des règlements très différents. En outre, eBay est visé en premier lieu parce qu’il représente une part de marché très importante.». «Il n’en demeure pas moins qu’il est indispensable de partir du principe que les usagers sont honnêtes pour que ce genre de plateformes puissent fonctionner», rappelle Bruce Sunstein.

Des standards différents

Reste que les mesures concrètes à prendre à l’encontre des marchés virtuels ne sont guère définies. «Si le juge se prononce en faveur de Tiffany, eBay devra bien sûr améliorer VERO, son programme de sécurité», estime Lee J. Eulgen. Mais, les conséquences législatives restent à ce stade indéterminées. «La juridiction est particulièrement complexe parce que nous fonctionnons avec différents standards. Nous échangeons des objets sur ces plateformes. Pour une partie d’entre eux, prenez au hasard une tondeuse à gazon, nous ne nous préoccupons pas de savoir s’il s’agit d’une contrefaçon. Alors que pour des bijoux, nous voulons nous assurer de leur authenticité. Comment dès lors faut-il légiférer? Devons-nous fonctionner avec plusieurs lois, selon le type d’objets?», s’interroge Bruce Sunstein, avec une pointe d’ironie.

 

Mais quelle que soit la décision du juge, elle n’est guère assurée de mettre un point final au conflit.

Comme le redoute eBay, qui se refuse à tout commentaire sur cette affaire, le différent qui l’oppose à Tiffany pourrait tout aussi bien déboucher sur de nouvelles plaintes lancées par d’autres groupes de luxe aux Etats-Unis. Même si, comme le formule l’avocat de Chicago, tous n’ont pas intérêt à entamer un procès étant donné les coûts engendrés par ce genre de procédures.

Aussi, au vu de la complexité et des enjeux de cette affaire, ce verdict très attendu revêt une importance particulière, d’autant qu’eBay est engagé dans d’autres procès en dehors des Etats-Unis. Mais quelle que soit la décision du juge, elle n’est guère assurée de mettre un point final au conflit. «Il faut s’attendre à ce qu’il y ait appel. Surtout si le verdict est en faveur de Tiffany», conclut Lee J. Eulgen.

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