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La pandémie, un catalyseur horloger ?
Economie

La pandémie, un catalyseur horloger ?

jeudi, 21 octobre 2021
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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8 min de lecture

L’étude Deloitte 2021 sur l’industrie horlogère suisse confirme les perspectives positives pour la branche. Non sans lister une série d’écueils : difficultés d’approvisionnement, durabilité alibi, chute des volumes d’exportation, perte d’aura du Swiss Made, dépendance au consommateur chinois… Les lendemains de pandémie donnent matière à réflexion.

Avec cette huitième étude sur l’industrie horlogère suisse, résultat d’une enquête menée auprès de managers du secteur et de consommateurs dans 11 pays, Deloitte relaie les perspectives à nouveau positives pour la branche. Petit bilan de la santé économique, tout d’abord, basé sur les chiffres à l’exportation. Sur les huit premiers mois de l’année, les expéditions de montres suisses à l’étranger affichent ainsi une légère hausse de 1,7 % à CHF 13,5 milliards par rapport à la même période de 2019, l’année 2020 n’offrant pas une base comparable fiable. Malgré cette enviable embellie, les volumes d’exportations restent un sujet de préoccupation vu que sur la même période ils affichent une chute de 28 %, imputable essentiellement aux modèles d’entrée de gamme électroniques. En dix ans, la part des montres à quartz dans la valeur totale des exportations de la branche a ainsi été divisée par deux pour représenter aujourd’hui 14 % contre 28 % en 2010. En d’autres termes, pandémie ou non, c’est l’horlogerie mécanique de prestige qui porte le secteur. Une tendance accentuée par la montre connectée que l’on comprend aisément avec cette seule statistique : entre 2018 et 2021, le marché des smartwatches a plus que doublé, passant de 8,6 millions à 18,1 millions d’unités vendues par trimestre, dont 50 % sont accaparées par Apple.

Moral au beau fixe

Malgré le peu de visibilité qu’offre cette période « postpandémique », « le moral du secteur horloger est au beau fixe, note Deloitte. Une nette majorité des dirigeants interrogés (77 %) jugent les perspectives économiques de l’industrie horlogère suisse positives pour les 12 prochains mois. Cet optimisme, qui marque une nette différence par rapport à la morosité ambiante de l’année dernière, gagne à la fois les principaux marchés d’exportation mais aussi l’économie suisse ». Et encore une fois aussi, ce sont les segments de haut, voire très haut de gamme, qui emportent tous les suffrages. Et encore une fois, tous les regards sont tournés vers la Chine, désormais première destination des exportations horlogères suisses avec 14 % de part de marché, après une hausse de 63 % sur les huit premiers mois de l’année (par rapport à 2019). Comme le montre l’étude, les Chinois et les Hongkongais arrivent en effet en tête des amateurs de montres mécaniques.

Seuls 15 % des sondés chinois considèrent que le pays d’origine est important dans l’achat d’une montre de luxe.

« Ce sont les consommateurs chinois qui sont prêts à dépenser le plus pour une montre de luxe, relève Deloitte. Un cinquième d’entre eux est prêt à dépenser entre CHF 2 500 et 5 000, et un quart entre CHF 5 000 et 10 000. Dans la bataille des poignets, 49 % des personnes interrogées en Chine portent à la fois une montre traditionnelle et une smartwatch, contre une moyenne de 20 % dans les autres pays sondés. » Ces excellentes nouvelles doivent toutefois être tempérées dans la mesure où le « Swiss Made » n’est plus la réponse suffisante à cette envie de belle mécanique horlogère. Selon l’étude du cabinet de conseil, seuls 15 % des sondés chinois (12 % sur l’ensemble des sondés) considèrent que le pays d’origine est important dans l’achat d’une montre de luxe. Le plus court chemin vers le consommateur chinois s’est ainsi considérablement complexifié. Non seulement ses goûts deviennent de plus en plus éclectiques, mais il démontre également une sensibilité de tous les instants aux ambassadeurs et influenceurs dans un environnement où les réseaux sociaux jouent un rôle crucial. Deux secteurs d’influence qui échappent au strict contrôle des marques qui cherchent d’abord et avant tout à « contrôler leur récit ». Un message imprévisible sur WeChat, un comportement inapproprié de telle ou telle vedette peuvent causer des dommages à la mesure des enjeux, comme certaines marques de luxe en ont fait l’expérience.

Efforts de durabilité attendus

Et c’est encore sans compter le facteur numérique, probablement l’un des défis majeurs de la décennie, dans l’Empire du Milieu plus que partout ailleurs. « La Chine est à l’avant-garde de l’expérience numérique du shopping, pointe Deloitte. Les Chinois comptent parmi les consommateurs en ligne les plus actifs. Les technologies intelligentes et les expériences de marque omnicanales immersives sont omniprésentes. […] Selon le concept de “shoppertainment”, qui mêle shopping et divertissement, l’expérience d’achat ne se limite pas au simple fait de se procurer un article. Il comprend des outils et des technologies tels que la gamification, la réalité augmentée et le streaming en direct grâce auxquels les consommateurs plongent tout au cœur d’un métavers féerique, parfois avec avatars, qui se trouve être un lieu d’achat. Forrester, une société d’études de marché, estime que d’ici 2023 la valeur du livestreaming commerce en Chine pourra atteindre 100 milliards de dollars américains. »

L’industrie horlogère doit trouver des moyens d’attirer de nouveaux publics et interagir avec eux. - Deloitte

Dans ce contexte, on ne s’étonnera pas que l’optimisation des canaux de distribution, le développement du commerce en ligne et des stratégies multicanaux figurent en tête des priorités pour les managers du secteur, soit autant de tendances accentuées par la pandémie. En d’autres termes, si l’économie virtuelle est dans toutes les têtes, elle ne saurait faire oublier l’importance que revêtent encore les boutiques physiques traditionnelles. Les managers sont à 73 % persuadés que ces points de vente continueront à prendre le pas sur les achats en ligne. Quant aux consommateurs, ils sont encore majoritairement (53 %) intéressés à fréquenter les magasins spécialisés pour céder à leurs tentations horlogères. Ce qui ne veut pas dire que les Maisons peuvent se reposer sur leurs lauriers. « L’industrie horlogère doit trouver des moyens d’attirer de nouveaux publics et interagir avec eux », souligne Deloitte. Au programme : nouveaux modes de vente de type QoQa en Suisse, avec sa plateforme horlogère Qlock, qui propose des expériences uniques liées au produit, ou de type Breitling, qui a développé une offre d’abonnement permettant d’essayer une sélection de montres avant d’acheter à prix réduit. Au programme également, des partenariats surprenants dans le domaine de l’art, de la musique électro ou de la haute couture. Mais toujours en filigrane, une démarche servant à faire comprendre l’héritage de la marque et ce qu’elle représente en termes de valeurs qui doivent être chères au cœur des consommateurs.

Si l’industrie horlogère suisse souhaite s’assurer un avenir, elle devra saisir l’opportunité d’augmenter la part de durabilité. - Deloitte

En parlant de valeurs chères aux consommateurs, ce sont bien celles liées au développement durable qui commencent à faire leur chemin auprès des managers horlogers. Le verbe « commencer » reste toutefois d’usage. Comme le note Deloitte, « le scepticisme à l’égard de la durabilité persiste. Le secteur horloger recourt encore malheureusement aux opérations de greenwashing et fait des déclarations de durabilité qui manquent de substance ». Selon le sondage, deux tiers des Maisons se sont en effet décidées à investir dans la durabilité pour améliorer leur image de marque. La question ne devrait toutefois plus se poser dans la mesure où les consommateurs tiennent majoritairement (60 %) compte du facteur durabilité lorsqu’ils achètent une montre. Une proportion qui augmente auprès des milléniaux et de la génération Z. « Pourtant, les pratiques commerciales éthiques, durables et responsables ne suffisent plus à les séduire puisque celles-ci devraient, selon eux, aller de soi, précise Deloitte. Si l’industrie horlogère suisse souhaite s’assurer un avenir sain et durable, elle devra saisir l’opportunité d’augmenter la part de durabilité dans tous les aspects de la production, de la vente et de la distribution, mais elle devra aussi mettre en avant la valeur durable de son savoir-faire hors pair. » Pour Deloitte, une conclusion s’impose : si la pandémie a perturbé l’industrie horlogère suisse, elle a, en définitive, été le catalyseur d’un changement indispensable !

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