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La production horlogère en quête de durabilité
Actualités

La production horlogère en quête de durabilité

vendredi, 8 avril 2022
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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8 min de lecture

Les montres mécaniques sont des produits innovants, créatifs et conçus pour traverser les âges. Si tout le monde se plaît à le reconnaître, c’est notamment du côté de la production que doivent d’orienter les efforts en matière de développement durable, innovation et digitalisation à l’appui.

Dans un futur proche, la question ne se posera plus de savoir si l’innovation est compatible avec le développement durable. L’une n’ira pas sans l’autre. Dans ce même ordre d’idées, comme l’exposait Benoît Mintiens, fondateur de la Maison horlogère Ressence, lors d’un panel de discussions tenu à Watches and Wonders, les producteurs de biens seront bientôt obligés de récupérer leurs produits en fin de vie dans le but de les recycler. « Dans un tel cas de figure, vous imaginez bien qu’un constructeur automobile qui propose des voitures hybrides, soit des véhicules extrêmement complexes à recycler, aura à cœur de trouver des solutions dès la conception du véhicule, disait-il. Il y a clairement là un défi éthique dans la mesure où, actuellement, les industriels ne se préoccupent pas de ce genre de problèmes, pour ne pas dire qu’ils n’en ont pas grand-chose à faire. »

La production de montres Oris représente un volume de 25 tonnes par an, soit l’équivalent d’une quinzaine de voitures.

Un défi qui touche l’industrie horlogère ? Probablement pas de manière aussi aigüe que dans le monde des constructeurs automobiles. « Chez Oris, nous produisons des montres pour l’équivalent de 25 tonnes par an, détaillait Rolf Studer, CEO de la Maison. Pour rester dans la comparaison avec l’automobile, cela représente une quinzaine de véhicules contre des millions de voitures mises sur le marché chaque année. Autant dire que nous n’évoluons pas exactement à la même échelle, d’autant que nos montres sont des produits qui sont pensés et réalisés pour durer sur plusieurs générations. Ce qui ne nous empêche toutefois pas de prendre notre situation au sérieux. L’an dernier, Oris est ainsi devenu “carbone neutral”, comme l’explique notre Rapport sur le développement durable 2022. Oris, en tant qu’entreprise avec ses filiales et son centre de production, émet annuellement 2 300 tonnes de CO2 que nous compensons dans leur intégralité, notamment via nos projets environnementaux. C’est toutefois la partie facile de notre plan, qui inclut également une réduction de 10 % par an de nos émissions de gaz à effet de serre sur les trois prochaines années. C’est cette partie-là du plan qui implique des changements dans notre organisation et dans notre manière de travailler. Alors, oui, nous proposons des produits avec des composants recyclés et des emballages totalement repensés, mais c’est surtout l’attitude qui compte, celle qui consiste à montrer au client que, comme nous, il peut faire le choix d’une démarche responsable. »

Du cocktail au ramassage d’ordures

Même constat en ce qui concerne le groupe Kering, qui s’est engagé très tôt dans la voie du développement durable. « Nous avons un historique dans ce domaine qui remonte à une quinzaine d’années, précisait Julien Stervinou, Responsable du Sustainable Innovation Lab pour les montres et la joaillerie du Groupe. C’est en fait François-Henri Pinault, patron du Groupe, qui est à la base de la démarche, avec un credo relativement simple à formuler : ce qui est bon pour l’éthique est bon également pour la marche des affaires. En 2015, nous avons ainsi posé des objectifs ambitieux consistant à réduire l’impact environnemental du Groupe de 40 % en 10 ans. Et pour l’instant, nous sommes parfaitement alignés sur ces objectifs en sachant que, pour y parvenir, nous utilisons pour moitié des solutions existantes de bonnes pratiques telles que formulées par le Responsible Jewellery Council. L’autre moitié doit venir de l’innovation, un facteur essentiel en matière de durabilité. En 2013, nous avons ainsi mis sur pied un Innovation Lab pour le textile à Milan, et en 2020 un autre Innovation Lab pour les activités horlogères et joaillières du Groupe. »

 

 

 

Économie et développement durable sont des concepts non seulement compatibles mais également constitutifs d’une formule gagnante.

« Hier, on organisait des cocktails à l’autre bout du monde pour partager une flûte de champagne avec les “amis” de la marque lors d’un lancement de produit, aujourd’hui on organise des campagnes de ramassage d’ordures sur les plages, exposait, amusé, Rolf Studer. C’est bien la preuve qu’un changement de mentalité est en train de s’opérer. » « Et il provient essentiellement des jeunes générations, ajoutait Benoît Mintiens. Ce sont elles qui nous ont fait comprendre qu’on ne pouvait plus gagner de l’argent dans une société sans lui rendre des comptes. En d’autres termes, qu’économie et développement durable sont des concepts non seulement parfaitement compatibles mais qui représentent également une formule gagnante. » Peut-être les jeunes générations aideront-elles aussi à faire passer le message qu’un produit recyclé n’est pas nécessairement un sous-produit, message encore peu prisé dans le monde du luxe, où l’on hésite encore à faire savoir que telle ou telle boîte de montre en or, et elles sont nettement plus nombreuses qu’on pourrait le croire, sont réalisées à partir de « déchets » industriels. « C’est là que la créativité a son rôle à jouer aux côtés de l’innovation, commentait Alexis Georgacopoulos, Directeur de l’ECAL/École cantonale d’art de Lausanne. Pour donner toute la noblesse à ces matériaux qui véhiculent encore trop souvent une image négative. »

 

La sobriété digitale

Les jeunes commencent décidément à devenir une force motrice incontournable dans l’industrie du luxe. Sensibles aux questions sociales et environnementales, ils poussent également les Maisons à se mettre au diapason des nouvelles technologies numériques. Si tout a commencé avec les réseaux sociaux, c’est dorénavant avec la blockchain, les jetons non fongibles (NFT) et les metaverses que les entreprises de la branche doivent compter, en sachant que cette numérisation des affaires offre d’immenses opportunités. « Cela nous oblige en effet à penser autrement, avançait Chris Grainger-Herr, CEO d’IWC. Les horlogers clament par exemple qu’ils font des produits pour l’éternité, mais ils ne pensent qu’à la vente initiale de leurs montres. Or si on suit leur raisonnement, la même montre va connaître un parcours mouvementé avec, peut-être, plusieurs propriétaires et donc des ventes successives tout au long de ses différents cycles de vie sans que les horlogers s’en soucient. Avec la

blockchain, il est désormais possible de réfléchir à beaucoup plus long terme, d’imaginer de nouveaux services, en un mot de donner plus de champ à la relation client, qui est essentielle dans notre métier. »

L’univers digital est une jungle.

« Mais il n’y a pas que la relation client, renchérissait Édouard Meylan, CEO de H. Moser & Cie. Et je pense ici évidemment à toute la chaîne d’approvisionnement, qui est une question difficile et essentielle en termes de traçabilité pour les horlogers et qui peut profiter grandement d’une technologie comme la blockchain, sans oublier les processus de production eux-mêmes. Dans ce contexte, on parle de création de valeur dans un monde numérique qui vient compléter nos métiers traditionnels. Autant dire un développement bienvenu. » Il n’en reste pas moins, comme le soulignait Céline Dassonville, fondatrice de la société Ethiwork, que c’est encore la jungle dans ces univers numériques et que ces technologies ne font certainement pas l’unanimité en termes écologiques. D’où l’émergence d’un concept apte à mettre tout le monde d’accord : la sobriété digitale !

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