Je me souviens de l’admiration suscitée par Tissot quand la marque avait introduit toute une série de fonctions activables à l’aide de la technologie « touch » : une innovation significative, notamment parce qu’elle était liée aux besoins spécifiques du sport. C’était bien fait, ce fut très apprécié. Les inventions naissent en effet des exigences, sans quoi on court le risque que les vogues, loin de constituer des expérimentations conduisant à de nouvelles visions, ne forment que l’antichambre du gadget.
Si je me dis que le cadran d’une montre devient un dispositif pour lire ma messagerie, pour mettre à jour mon statut sur les réseaux sociaux, pour prendre des photos et pour interagir, je me demande franchement pourquoi ne pas opter plutôt pour un bon téléphone de la dernière génération ! Après tout, l’espace sur un cadran horloger est bien congru, y lire et y écrire est donc malcommode. Dans la Haute Horlogerie, il serait peut-être bien d’accueillir celles de ces innovations qui ne dénaturent pas la symbolique et la fascination d’un garde-temps : non parce que nous voulons être rétro, mais parce que nous voulons être cohérents. En acquérant une pièce de Haute Horlogerie, on accomplit un geste important : on achète une montre qui durera toujours, qui restera toujours belle, que l’on pourra transmettre aux générations à venir. Rien à voir, par conséquent, avec un univers qui se révolutionne tous les trois mois.
La durée dans le temps devient la mesure du temps : la Haute Horlogerie a ses propres règles. Les révolutions technologiques et numériques en suivent d’autres. Les confronter ne signifie pas forcément sacrifier à tout prix le beau, l’utile, le bien fait sur l’autel du nouveau.