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La « toolwatch » à travers les âges (I)
Histoire & Pièces d'exception

La « toolwatch » à travers les âges (I)

vendredi, 28 octobre 2016
Par Ilias Yiannopoulos
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Ilias Yiannopoulos

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7 min de lecture

La « montre outil » réunit harmonieusement la fin et les moyens. Une notion qui a largement évolué au fil des décennies et des campagnes publicitaires. Mais aujourd’hui, quelle valeur peut-on attacher à ce terme ? Une montre outil des années 1950 est-elle encore d’actualité ?

Si la première période durant laquelle a fleuri dans les esprits la notion de « montre outil » se situe au début du XXe siècle, le concept est bien plus ancien et trouve sa source d’inspiration auprès des femmes. En 1571, la reine Élisabeth Ire d’Angleterre se vit ainsi offrir une montre ornant un bracelet des mains du comte de Leicester, Robert Dudley ; tandis qu’en 1810 c’est Caroline Murat, reine de Naples, qui reçoit une montre-bracelet signée d’Abraham-Louis Breguet. Ces montres étaient toutes deux des montres outils, spécifiquement conçues pour donner l’heure au poignet royal, avec faste et ostentation. Durant ce temps, les gentilshommes portaient leur montre en poche, bien à l’abri, attendant le jour où de nouvelles techniques permettraient de fabriquer des montres plus robustes.

Breguet Reine de Naples
Breguet Reine de Naples
Les fondements de la montre-bracelet/outil

Tandis que les méthodes de fabrication et les diktats de la mode évoluent, l’usage de la montre-bracelet cesse d’être le privilège exclusif de la royauté et se répand parmi le peuple. Les militaires sont ainsi les premiers à adopter de tels instruments à la fin du XIXe siècle. Sortir une montre de son gousset au plus fort des combats étant clairement impossible, les officiers eurent l’idée d’attacher leur montre à leur poignet durant les campagnes militaires des années 1880. La première montre-bracelet moderne, spécialement conçue pour être portée comme telle, est créée en 1904 (et commercialisée en 1911) par Louis Cartier pour son ami, l’aviateur brésilien Santos-Dumont. Ce modèle est alors destiné aux professionnels (dans ce cas précis, les pilotes) et doit leur permettre de lire leur montre d’un coup d’œil. Tel est le modèle qui devait mettre fin à la suprématie de la montre de gousset et poser les fondements de la montre-bracelet/outil.

Cartier Santos 100 tourbillon volant or gris, calibre 9452 MC, 2009
Cartier Santos 100 tourbillon volant or gris, calibre 9452 MC, 2009

À la suite de l’innovation de Cartier, la montre outil connaît une seconde période dans son évolution, jusqu’à la fin des années 1960. À cette époque où la montre mécanique règne en maître absolu, le concept de la toolwatch mûrit. D’autres Manufactures emboîtent le pas à Cartier et créent de nouveaux modèles emblématiques destinés à être portés au poignet. En 1929, Philip van Horn Weems, officier de la marine américaine, développe ainsi en collaboration avec Longines (et Wittnauer) la Weems Second-Setting Watch, une montre adaptée à la navigation maritime. Elle est suivie deux ans plus tard par le modèle Longines Lindbergh Hour Angle. Cette même année, en 1931, la Jaeger-LeCoultre Reverso voit également le jour pour répondre au besoin d’un garde-temps suffisamment robuste pour être porté lors d’un match de polo. En 1932, Omega présente à son tour la première montre étanche, parfaitement adaptée aux plongeurs. Mais c’est Rolex, avant toute autre manufacture, qui va jouer un rôle clé dans la reconnaissance et l’acceptation par le public de la montre outil. En effet, depuis 1926, la marque a fait l’acquisition de plusieurs brevets sur lesquels elle a basé ses futurs développements. Et ce sont ces brevets, ainsi que le génie marketing de Hans Wilsdorf, qui ont permis à la marque d’asseoir sa suprématie sur le marché.

Seule constante jusque-là : le cœur mécanique de la montre outil. Mais elle n’allait pas durer !

Mais là encore, ce sont les rapides progrès sociaux et technologiques qui ont façonné la toolwatch. La montre mécanique ne s’est plus contentée de donner l’heure ; on lui a ajouté de nouvelles fonctionnalités de plus en plus pointues destinées à satisfaire les clients et leurs besoins : chronographes et tachymètres pour les pilotes de course professionnels, règle à calcul et fonction GMT (Greenwich Mean Time) pour les pilotes, pulsomètre pour les médecins, couronne vissée, fond de boîtier, lunette tournante et valve à hélium pour les plongeurs, résistance aux champs magnétiques pour les scientifiques, petite seconde avec dispositif d’arrêt (stop-seconde), tritium et anses fixes pour les militaires. Seule constante jusque-là : le cœur mécanique de la montre outil. Mais elle n’allait pas durer !

Seiko Astron
Technologie : la force motrice

Tandis qu’auparavant la toolwatch évoluait au même rythme que l’environnement social et technologique, c’est à la technologie seule que l’on devra les avancées majeures des années 1960. En juillet 1967, les chercheurs du Centre électronique horloger de Neuchâtel, en Suisse, présentent la première montre-bracelet à quartz au monde. Les projets Beta-1, puis Beta-2 et Beta-21 ouvrent un nouveau chapitre dans l’histoire de l’horlogerie. Et pourtant, les Suisses sont mis sur la touche quand le Japonais Seiko commercialise la première montre à quartz en 1969 : la Seiko Astron SQ35. Précision et résistance accrues, entretien et coût réduits, tels sont les facteurs clés qui provoquent alors la « crise du quartz », induisant la transformation de l’industrie horlogère et de la toolwatch en particulier. D’autres avancées technologiques comme la diode électroluminescente (LED), l’affichage à cristaux liquides (LCD) et les microprocesseurs permettent désormais à la toolwatch de devenir électronique, voire, comme Omega l’a fait avec sa Chronoquartz cal. 1611, de combiner un affichage de l’heure analogique à un double affichage LCD, le tout étant alimenté par un unique oscillateur à quartz.

Rolex Submariner
Rolex Submariner

Quartz, microprocesseurs, miniaturisation, amélioration du contrôle qualité et des matériaux, autant d’avancées qui ont conduit à une transformation radicale de la montre outil devenue dès lors porteuse de multiples fonctions. Dans le même ordre d’idées, les nouvelles puissances de calcul ouvraient de nouvelles perspectives dans l’univers de la montre mécanique. Les sociétés japonaises se sont aussitôt affirmées comme une force avec laquelle il fallait désormais compter. Leur capacité à produire en plus grande quantité et vendre moins cher leur a permis de détrôner les Suisses. L’exemple qui illustre le mieux ce revers de fortune vient sans doute des forces armées dans les rangs desquelles le quartz et la Casio G-Shock sous toutes ses formes remplacent, dès la fin des années 1980, les modèles Lemania, Rolex Submariner et Omega Seamaster. La toolwatch devient une montre-bracelet digitale multifonction fiable et bon marché.

Omega Seamaster
Omega Seamaster

Les manufactures suisses vont alors répliquer de deux façons. La première est de miser sur leur tradition ancestrale pour concevoir des montres à quartz high-tech (affichage numérique et analogique). Forts de ce savoir-faire leur permettant de produire les meilleures toolwatches sur le marché, les Suisses pensent en effet pouvoir battre les Japonais sur leur propre terrain. La seconde réplique va donc consister, pour les marques suisses, à se repositionner presque partout sur le marché mondial en affichant ouvertement une image haut de gamme au sein de leur industrie fraîchement restructurée. Mais une montre considérée comme un produit de luxe est diamétralement opposée à la toolwatch sur l’échelle de valeurs et, involontairement, les manufactures suisses se sont donc un peu écartées du segment de la montre outil.

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