L’atout de la diversité

Ces dernières décennies ont été notamment marquées par les combats menés pour les droits de la femme et des minorités. Est-on pour autant entré dans une nouvelle ère, une ère de changements dans l’économie privée voulue par des consommateurs désireux de produits éthiques et durables ; des changements incités par les salariés en quête d’égalité de traitement et d’inclusion ? Cette question a été clairement posée lors du Watch Forum. Avec comme objectif de susciter le débat en vue des actions à entreprendre sur le chemin de la durabilité, cette journée d’échanges entre professionnels de l’horlogerie n’a pas manqué d’évoquer la réalité d’un secteur où les postes à responsabilité sont monopolisés par des hommes. Combien compte-t-on de femmes CEOs dans la branche ? La réponse est relativement simple : les doigts d’une seule main suffisent à les dénombrer au sein des quelque 200 marques horlogères helvétiques, sans parler de la sous-traitance. C’est précisément sur ce premier constat que sont intervenus les participants au panel sur la diversité et l’inclusion animé par Fatou N’Diaye, activiste à la base de The Wonders, une organisation destinée à épauler les femmes dans leurs projets de vie basés sur l’entrepreneuriat et l’envie de changer les mentalités.

Un effet miroir

« Et pourtant, la diversité, c’est important, stigmatisait Chiara Condi, consultante et activiste, créatrice du podcast “The Other Half”. De nos jours, la diversité est un atout dans le monde des affaires, car elle apporte un avantage compétitif. Comme les consommateurs se distinguent aujourd’hui par une grande variété de profils, il est indispensable de répliquer ces différences au sein des entreprises pour y répondre. Cette diversité, si encouragée à l’interne, apporte de nouvelles expériences, de nouvelles perspectives sur les produits. Dans ce contexte, si l’innovation reste un facteur prépondérant dans l’univers concurrentiel qui est le nôtre, la diversité l’est tout autant. Cela doit notamment se traduire par un accès aux postes à responsabilité pour les collaboratrices des entreprises. Si elles n’ont pas pouvoir de décision au même titre que les hommes, la diversité reste un vain mot. »

Pour Catherine Rénier, CEO de Jaeger-LeCoultre, l’une des rares femmes à occuper un tel poste dans la branche horlogère, les déclarations de Chiara Condi relèvent de l’évidence. « Chez Jaeger-LeCoultre, nous avons mis sur pied des programmes sur l’égalité des genres qui correspondent à ce nécessaire changement de mentalité. Nous cherchons ainsi à avoir des femmes dans toutes nos équipes de réflexion et de décision. Dans cet ordre d’idées, nous avons lancé un « women leadership program » dans le but d’encourager les jeunes femmes talentueuses. Pour tout dire, nous agissons à tous les niveaux afin que notre message soit cohérent. Pour qu’elles aient du sens, ces initiatives doivent en effet suivre une ligne directrice et prendre en considération l’ensemble de l’organisation. L’an prochain, nous aurons ainsi atteint l’égalité salariale pour l’ensemble des collaborateurs de Jaeger-LeCoultre au niveau mondial, ce qui est déjà le cas en Suisse. Je tiens enfin à souligner qu’une telle démarche nécessite un engagement progressif et des efforts de communication. »

Place à l’action

Présente également à ce panel sur la diversité et l’inclusion sociale, Flore Vasseur, journaliste, romancière et réalisatrice de Bigger Than Us. Ce documentaire, projeté à la vieille à l’intention des participants au Watch Forum, retrace le parcours de jeunes activistes provenant de cultures et d’horizons différents mais qui partagent tous une même énergie à combattre la pollution, les inégalités sociales, le réchauffement climatique ou les atteintes à la liberté d’expression. « Pour la réalisation de ce film, j’ai obtenu le soutien, y compris financier, de grandes compagnies qui croient pleinement au message qu’il véhicule, déclarait-elle. Comme le démontre l’engagement exemplaire de ces jeunes, on comprend tout l’intérêt à penser différemment. On comprend également qu’il y a de la sagesse et de l’intelligence partout. Mais n’est-ce pas précisément le rôle de l’entreprise de faire éclore ces talents ? »

Difficile toutefois de les faire éclore si on peine à les recruter, comme certaines organisations en font l’expérience. Pour Jaeger-LeCoultre, pas question d’être confronté à cette réalité. Pour nourrir son cœur de métier où l’intelligence du geste a toute son importance, la Manufacture du Sentier, au cœur de la vallée de Joux, va ainsi soutenir les jeunes artisans via un nouveau partenariat conclu avec la fondation Michelangelo, une organisation qui célèbre et soutient les métiers d’art au niveau international. Le mot de la fin pour ces trois femmes questionnées par Fatou N’Diaye : agir pour mieux comprendre ; agir pour le changement ; agir, enfin, pour valoriser toutes ces femmes de l’ombre.