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Modes & Tendances

Le classicisme horloger, de l’avant-gardisme à l’intemporalité

vendredi, 19 mars 2021
Par Laure Gontier
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Laure Gontier

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6 min de lecture

Chaque année a beau apporter son lot de nouveautés et chaque décennie ses designs originaux, les montres classiques continuent de faire rêver. Souvent séculaires mais toujours épurées, ne relèvent-elles pas de cette quête d’éternité dont nos vies stressées ont tant besoin ?

Lancée il y a un peu plus d’un siècle, la Tank de Cartier, toute d’élégance et de pureté, reste l’un des garde-temps les plus vendus au monde. De même que la Calatrava de Patek Philippe, née en 1932, symbole de la montre simplement belle et parfaite. Entre-temps sont apparues bien des complications horlogères, innovations technologiques, révolutions esthétiques et autres aventures connectées. Il n’empêche : les classiques restent d’actualité. Les économistes expliquent très bien ce phénomène aux allures d’oxymore : les consommateurs aiment les valeurs refuge, surtout en période de crise. Investir dans une montre intemporelle, c’est aussi rassurant que d’investir dans la pierre, dans une chaise B3 de Marcel Breuer, un sac matelassé Chanel ou un bracelet iconique de Cartier. C’est la garantie d’un bien qui va se transmettre aux générations qui vont suivre. Face à la remise en question de la surproduction actuelle et aux vertiges causés par une hypermodernité galopante, les fondamentaux aident à ralentir le rythme. À la fois raisonnables et exceptionnels, ils sont le pilier d’une nouvelle quête d’essentiels.

Alain Delon et sa montre Tank de Cartier
Alain Delon et sa montre Tank de Cartier

Mais d’abord, une montre classique, de quoi s’agit-il ? Un classique, c’est un objet qui dure dans le temps. Jusque-là, c’est simple. Mais c’est aussi – et là, on entre dans une construction plus subjective – une esthétique. Si la Rolex Submariner est mythique, son allure sportive et ses défis technologiques n’en font pas une montre « classique ». Le problème, c’est qu’une fois sorti des extrêmes, la qualification n’est pas si évidente. Faut-il un bracelet en cuir ? Pas nécessairement. Même la Tank et la Calatrava existent avec des attaches métalliques. Avoir été créé il y a plus de 50 ans ? Non, comme le prouve la Nantucket d’Hermès, icône du chic subtil depuis sa naissance en 1991. Alors peut-être faut-il qu’elle s’en tienne aux seules indications horaires ? Non plus ! Si la Lange 1 de A. Lange & Söhne peut afficher la date, les phases lunaires ou la réserve de marche, elle n’en reste pas moins fidèle à sa simplicité, à ce design fait d’épure, d’élégance et d’intemporalité qui signe le classicisme horloger. La racine latine du terme, « classicus », qui signifie « de première classe », nous rappelle en tout cas qu’il s’agit d’un produit d’excellence.

Golden Ellipse réf. 5738R © Patek Philippe
Golden Ellipse réf. 5738R © Patek Philippe

Traversant les décennies, une montre classique a très bien pu, un jour, afficher une technologie avant-gardiste, être infusée d’Art déco, de brutalisme, d’op art… C’est même probablement cette dimension innovante qui lui a permis de s’imposer. À la fin des années 1960, avec une forme hybride entre le cercle et le rectangle, l’Ellipse d’Or de Patek Philippe a chahuté les géométries traditionnelles. L’époque était propice aux remises en question. Au même moment, Yves Saint Laurent inventait le smoking pour femme, qui a créé un sacré scandale, avant d’accéder au rang d’intemporel. Le classique déstabilise son époque en ce qu’il répond à une demande, fût-elle inconsciente. La Reverso de Jaeger-LeCoultre (1931) tout comme, mettons, le trench de Burberry (1914) ont chacun relevé un défi : d’une part, celui des joueurs de polo réclamant un garde-temps résistant, d’autre part, celui des officiers de l’armée anglaise en quête du parfait pardessus, d’où les anneaux au niveau de la ceinture, pensés, à l’origine, pour accrocher des grenades et un sabre. Les simples civils n’ont pas tardé à être séduits par l’utilité et le design de l’un comme de l’autre.

Reverso Tribute Small Seconds © Jaeger-LeCoultre
Reverso Tribute Small Seconds © Jaeger-LeCoultre

Cela n’empêche pas les classiques d’avoir des moments d’éclipse. Icône des années 1930, sublimant les lignes Art déco de son temps, la Reverso s’est faite discrète après-guerre pour revenir dans la décennie 1970. Un retour qui faisait écho à ce qui se passait sur le front de la mode et de la société en général : après des sixties marquées par l’insolence de la jeunesse (minijupes et couleurs pop) et les fantasmes futuristes (les panoplies inspirées des voyages dans l’espace), place au charme discret de la bourgeoisie, au raffinement d’une Romy Schneider dans les films de Claude Sautet ou au rétro d’un Jean-Paul Belmondo dans Stavisky. Une mode générant systématiquement sa contre-mode, il est naturel qu’aujourd’hui, après le boom des montres connectées, se manifeste un désir de modèles plus authentiques. Et que, face à l’essor des séries limitées, à la démultiplication des propositions, soient ravivés les incontournables de l’horlogerie, ceux qui mettent fin au casse-tête du choix ou non le « bon » modèle. Quand une Kim Kardashian achète chez Christie’s une Tank ayant appartenu à Jackie Kennedy, c’est l’assurance de cocher toutes les cases du bon goût.

Simplicity Anniversary Edition limitée numéro 00 de 20 pièces © Philippe Dufour
Simplicity Anniversary Edition limitée numéro 00 de 20 pièces © Philippe Dufour

Il faut dire aussi que le storytelling compte pour beaucoup dans la fascination. Avec ses bientôt 150 ans d’histoire, un Audemars Piguet aimante autant pour la perfection de ses modèles que pour leur caractère intemporel. Une success-story détonne dans le paysage : celle de Philippe Dufour et de sa Simplicity. Montre classique par excellence, on pourrait l’avoir aperçue au poignet de toute une lignée d’aïeux. Sauf que… lancée en 2000, il n’en existe guère plus d’une centaine. Et lorsque la montre initiale de la dernière série limitée de 20 pièces en cours de création est vendue aux enchères, elle atteint le million et demi de dollars. Pas vraiment la montre transmise par n’importe quel grand-père, mais une autre manière de ralentir le temps et de réapprendre à attendre. Nos ancêtres latins ont de quoi être fiers : la montre « classicus » reste « de première classe ».

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