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Le coffre-fort horloger de Kevin Costner
Histoires de montres

Le coffre-fort horloger de Kevin Costner

jeudi, 30 juillet 2020
Par Frank Rousseau
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Frank Rousseau

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9 min de lecture

Il y a trente ans, un acteur trentenaire au charme indéniable se lançait dans le tournage d’une des plus belles fresques hollywoodiennes : Danse avec les loups. Une œuvre magistrale sur la conquête de l’Ouest et ses héros.

Monté dans la douleur, envers et contre tous, à une époque où les guéguerres entre cow-boys et Indiens étaient considérées comme « has been » par moult critiques, le projet grandiose de Kevin Costner Danse avec les loups avait tout du désastre annoncé. C’était oublier que ce sang-mêlé avait des messages à faire passer. En l’occurrence le massacre du peuple indien et la spoliation de leurs terres. Le film a été récompensé par une moisson de récompenses, propulsant Kevin Costner au rang des stars d’Hollywood.

Il y a tout juste 30 ans, vous réalisiez Danse avec les loups, œuvre magistrale qui était votre tout premier film en qualité de réalisateur. Depuis, vous avez tourné ou participé à plusieurs westerns dont la série actuelle Yellowstone. Pourquoi l’Ouest vous fascine-t-il autant ?

Dans l’Ouest d’antan, la vie était rude, rustique, brute. Il n’y avait pas de routes bitumées, pas de clôtures dans les champs. Vous aviez des dizaines de milliers de bisons en liberté. Idem pour les pur-sang. Le pays était aussi sauvage que l’Afrique. Il faut croire que j’ai toujours aimé les valeurs à l’ancienne, les idéalistes, les gens qui plaquaient tout pour vivre une nouvelle vie. Avec Danse avec les loups, je voulais remettre à l’honneur la loyauté, le courage, l’amitié, le respect. C’était important de les montrer à l’écran. Je voulais qu’à travers ce film les gens se disent qu’ils pouvaient aussi les prendre en exemple. Maintenant, je ne suis pas dupe, l’Ouest que j’aime est en train de foutre le camp.

Kevin Costner
Kevin Costner
Pour vous remercier, les Sioux vous ont nommé citoyen d’honneur de leur nation, vous qui êtes d’ascendance cherokee…

Oui, Danse avec les loups était une lettre d’amour que j’adressais aux Indiens. C’est un peuple que l’on a exterminé. Nous avons détruit leur culture et leur habitat pour posséder leur terre. Mes parents étaient ce qu’on appelait des « Oakies », des fermiers pauvres d’Oklahoma. Pendant les tempêtes de poussière, mes ancêtres sont aussi passés par les camps de migrants. Il n’y avait plus de travail. Mes aïeux avaient bien économisé un peu d’argent, mais ils ont tout perdu quand les banques ont fermé et jamais rouvert. Ma famille ne s’en est jamais remise. Bref, pendant toute mon enfance et mon adolescence, j’ai vécu dans la dèche. Rarement, nous allions au restaurant. Et quand c’était le cas, on faisait très attention. Mes parents m’ont toujours dit de ne jamais commander des « extra ». Je me souviens qu’un jour, enfant, j’avais demandé à la serveuse plus de bacon sous l’œil courroucé de mon père, qui m’a bien fait comprendre que cela coûtait trop cher. Je n’ai pas oublié la leçon. Mais je n’ai pas oublié non plus m’être juré qu’une fois adulte et indépendant j’agirais différemment. Aujourd’hui, quand je vais au restaurant avec des amis ou de la famille, pas de restriction. Je veux que mes invités commandent ce qu’ils veulent. Alors oui, j’ai manqué. Et oui, j’ai rêvé de beaux objets, de posséder une belle maison et de rouler dans des bolides rutilants.

Et les montres…

C’est une des premières choses que j’ai pu m’offrir pour me faire plaisir. Un jour, je me suis rendu chez des particuliers pour faire quelques travaux, en l’occurrence poser une porte en bois. Le propriétaire avait une montre qui devait coûter le prix d’une voiture. Comme il me voyait réellement fasciné par sa montre, il m’a demandé si je voulais la voire de plus près. Je n’ai bien entendu pas refusé. J’en étais bouche bée. C’était la première fois que je voyais une si belle pièce. Le proprio m’a alors laissé entendre qu’en bossant dur je pourrais en acheter une rien que pour moi. Et ce fut une Rolex que je possède toujours. Autant dire que je la chéris. Elle représente tellement pour moi ! La fin des années de galère. L’entrée dans un autre monde ! Pour autant, quand je m’offre une montre, je n’aime pas avoir l’impression de faire une folie. Il y a des gens à Hollywood qui pourraient mettre des centaines de milliers de dollars dans un modèle d’exception. Pas moi. Mon passé familial et mon enfance de nécessiteux me reviennent toujours à l’esprit. Bref, j’aime me faire plaisir, mais je réfléchis toujours à deux fois avant de donner ma carte de crédit. Il y a une chose que je déteste, c’est qu’on me prenne pour un arriviste !

Kevin Costner
Kevin Costner
Est-il vrai que vous avez voulu devenir acteur en prenant un avion avec Richard Burton ?

Disons que vous prenez un raccourci ! (rires) Je prenais déjà des cours de comédie. Des cours du soir. J’étais à l’aéroport de Puerto Vallarta, au Mexique, avec mon ex-femme quand effectivement nous avons vu Richard Burton à la porte d’embarquement. Avec sa petite amie, il est rentré avant tout le monde. Une fois dans l’avion, nous avons réalisé qu’il avait réservé les quatre places à côté de lui pour ne pas être importuné durant le vol. C’est dire à quel point il voulait que l’on respecte son intimité. Je me souviens très bien de ce jour. Il avait une montre en or au poignet, le genre de modèle qui ne passe pas inaperçu. Tout comme la fille assise à ses côtés, d’ailleurs, au décolleté vertigineux et quelques carats de diamants aux doigts.

Avez-vous réussi à le complimenter ?

Pour la montre ou pour la fille ? (rires)

La montre !

Vous vous doutez bien que je voulais lui parler. Le souci, c’est qu’il était plongé dans un livre sur Lincoln. Alors je me suis dit : dès qu’il pose son bouquin, je fonce. C’est ce que j’ai fait. Je vous laisse imaginer la tête des autres passagers quand ils m’ont vu me lever et me diriger vers lui. Même ma femme n’en revenait pas. Arrivé à son niveau, je lui ai dit : « Désolé de vous déranger, monsieur Burton, mais quand vous aurez fini votre livre, pourrai-je vous parler ? » Pour être franc, j’avais peur qu’il me dise que les quatre places réservées à côté de lui étaient précisément pour éviter que des imbéciles comme moi viennent l’importuner ! (rires)

Kevin Costner
Kevin Costner
Que vous a-t-il dit ?

Il m’a dit que quand il aurait fini son livre il me consacrerait un peu de temps. Tout heureux, je suis donc reparti m’asseoir à ma place. J’entends encore mon ex-femme me chuchoter dans l’oreille que j’étais complètement fou ! Quant à moi, je ne quittais pas M. Burton des yeux tel un aigle qui guette sa proie. Soudain, je l’ai vu fermer et poser son livre. Je me suis donc levé à nouveau et là je le vois endormi. Je me rassois et le temps passe. Jusqu’à ce qu’il se réveille et me fasse signe de venir. Nous nous sommes parlé pendant 10 minutes. Je ne vous dirai pas de quoi, car c’est mon secret. Mais une chose est sûre, je ne me suis pas attardé sur la montre…

À notre arrivée à Los Angeles, après le passage de la douane, nous allions prendre un bus avec ma femme, direction Disneyland, où nous devions retrouver mes parents. Comme nous étions fauchés, pas moyen de louer une voiture ou de prendre un taxi. Assis sur nos valises, nous attendions la prochaine navette quand une énorme limousine noire s’arrête à notre niveau. La vitre teintée s’abaisse et Richard Burton me crie « Good Luck! » par la fenêtre en me faisant un signe, sa montre bien visible au poignet. Je pense que c’était une Omega en or offerte par Liz Taylor. Mais je n’en suis pas sûr. Ce que je sais, en revanche, c’est que M. Burton a remonté sa vitre en accélérant. Nous ne nous sommes jamais revus !

Êtes-vous collectionneur de montres ?

Je garde mes « vieilles » montres dans un coffre spécial. Quand je les prends dans mes mains, elles me rappellent des moments de ma vie. Ce contact charnel avec mes anciennes montres me replonge systématiquement dans le passé, car je me rappelle très bien dans quelles circonstances je me suis acheté tel ou tel modèle. Comme si c’était hier. Mais quand je vois les petites rayures sur le cadran ou le verre, la patine du métal, l’usure du bracelet, je me dis que mes montres sont à mon image. Elles ont traversé les décennies et tout comme moi, à un certain degré, la vie les a cabossées ! C’est très émouvant, une montre, car vous savez qu’elles sont destinées à faire un bout de chemin avec vous…

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