Elles n’ont jamais été aussi nombreuses et, pourtant, elles ont évité toute surenchère. Elles ? Les Maisons exposantes du Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH), au nombre de trente lors de cette 27e édition, qui a fermé ses portes fin janvier. Inutile de disséquer les raisons d’une telle sagesse, elles ont déjà été passées au crible par tous les observateurs de la profession. Un seul chiffre suffit pour planter le décor, celui des exportations horlogères pour l’ensemble de l’année 2016, qui affiche un recul de 10 % à CHF 19,4 milliards, soit un niveau comparable à celui de 2011. En d’autres termes, la croissance de 15 % enregistrée entre 2011 et 2014 a été gommée lors du dernier exercice de la branche. Encore faut-il préciser que cette baisse de 10 % émane des statistiques douanières et ne reflète dont pas les ventes au client final qui, elles, ont dû chuter de plus de 15 % si l’on considère les problèmes de rachat de stocks qui ont plombé les comptes de nombre d’entreprises l’an dernier.
Dans un tel contexte, la question du prix est devenue centrale, tout comme celle de présenter une palette de produits accessibles et les mieux à même d’incarner les valeurs de la marque. Les Maisons de tradition ont donc naturellement cherché à capitaliser sur des modèles qui ont déjà fait leurs preuves par le passé et dont la longévité n’est pas remise en question. Les complications conçues comme un étalage ostentatoire de science horlogère laissent la place à un « luxe pour soi », davantage empreint de classicisme et de discrétion. En un mot, l’élégance prime. Le succès du vintage vient d’ailleurs confirmer le désintérêt des acheteurs face à l’extravagance horlogère. Mais si l’on avait promis une déferlante de pièces aux courbes directement héritées du passé, c’était oublier un peu vite que cette nostalgie de l’ère pré-quartz touche davantage les baby-boomers partant à la retraite que leur progéniture. À noter, enfin, une présence plus discrète des métiers d’art. Le fonctionnel prend le pas sur le décoratif.
Place au concret
Dans un registre plus concret, impossible d’ignorer la réduction des dimensions de boîte, la lisibilité rehaussée des cadrans et l’abandon de tout superflu. Ce qui donne davantage de crédibilité à cette notion d’élégance tant rabattue. Sans surprise, c’est l’acier qui règne en maître dans l’univers des matériaux, avec l’or rouge et l’or blanc qui jouent les dauphines.
Quelques exceptions à la règle, évidemment, avec le carbone pour les modèles sportifs ultralégers chez Richard Mille (RM 50-03), Panerai (LAB-ID™ Luminor 150 Carbotech™ 3 Days – 49mm) ou Roger Dubuis (Excalibur Spider Carbon), le titane en substitut chic à l’acier et le bronze pour sa résistance héritée d’un autre âge qui a séduit Montblanc (1858 Chronograph Tachymeter), MCT (Sequential Two S220 Bronze) ou encore Panerai (Luminor Submersible 1950 3 Days Automatic Bronzo – 47mm). Dans les couleurs, à quelques incartades près, peu d’extravagance avec un trio de tête composé du bleu, du noir et du blanc. On relèvera des teintes vives dans la collection anniversaire de l’Altiplano ou encore un cadran aux couleurs « suisses » chez H. Moser & Cie (Venturer Swiss Mad).
Côté complications, l’incontournable chronographe, parfois décliné avec d’autres complications chez IWC (Da Vinci Tourbillon Rétrograde Chronographe) ou Vacheron Constantin (Traditionnelle Chronographe Quantième Perpétuel), impose sa fonctionnalité. Il investit également le monde de la mer avec des modèles de régate chez Ulysse Nardin (Marine Regatta) ou Panerai (Luminor 1950 Regatta), quand il ne devient pas un instrument mécanique au profit de la précision extrême chez Montblanc (TimeWalker Chronographe 1000). Toujours dans les « petites complications », les phases de lune gardent la main, notamment chez Jaeger-LeCoultre (Rendez-Vous Moon), alors que les montres à sonnerie, dont Greubel Forsey offre une belle démonstration avec sa Grande Sonnerie, s’affirment dans les « grandes ».
Le tourbillon, quant à lui, perd de son aura pour cause de surproduction. Quelques pièces hors normes, enfin, avec deux modèles Les Cabinotiers de Vacheron Constantin, dont une Celestia qui affiche 23 complications astronomiques, une Rotonde de Cartier à double tourbillon mystérieux et répétition minutes, une Tourbograph Pour le Mérite avec chrono, calendrier perpétuel et transmission à force constante avec échappement à tourbillon chez A. Lange & Söhne. L’automate « Objet Extraordinaire » Fée Ondine de Van Cleef & Arpels, un travail entamé il y a huit ans, clôt la visite.