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Les montres, un antidote à la crise ?
Economie

Les montres, un antidote à la crise ?

lundi, 18 mai 2020
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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7 min de lecture

Lorsque les Bourses dévissent, les investissements alternatifs reviennent sur le devant de la scène. Et parmi eux, les garde-temps occupent une place de choix. Aubaine ou initiative risquée ?

Le 21 mars dernier, Antiquorum était la première maison de ventes aux enchères horlogères à tenter l’aventure d’un encan sous confinement. Alors que toutes les autres Maisons de la branche ont repoussé leurs rendez-vous à des jours moins contaminés, Antiquorum a tenu bon, organisant la vente dans une salle vide à Genève, connectée par Internet ou par téléphone à un millier d’enchérisseurs préalablement inscrits. Pour cet exercice à haut risque, la maison a parfaitement réussi son pari avec un résultat de la vente de CHF 3,28 millions pour 194 lots vendus, soit une moyenne de près de CHF 17’000 par montre. Fort de ce premier succès, Antiquorum réitérait la démarche à Hong Kong le 10 mai dernier pour un résultat final à peu près similaire de CHF 3,29 millions, répartis cette fois en 265 lots, soit près de CHF 13’000 par pièce.

Réf. 6241 Daytona « Paul Newman » en acier de 1967 (CHF 181'000) © Rolex
Réf. 6241 Daytona « Paul Newman » en acier de 1967 (CHF 181'000) © Rolex

Au-delà de la vente elle-même, ce qui est intéressant avec Antiquorum, c’est que la Maison propose des montres qui se répartissent tout au long de l’éventail des pièces de collection. En d’autres termes, point n’est besoin d’avoir un salaire mensuel à 5 chiffres pour participer aux enchères et espérer repartir avec le lot de son choix. À titre d’exemples, cette Tudor réf. 9111 Ranger II en acier de 1974 partie pour CHF 4’000 ou encore cette Rolex réf. 1500 Oyster Date en acier de 1979 adjugée pour CHF 3’250. À l’autre bout du spectre, on trouve notamment une Rolex réf. 6241 Daytona « Paul Newman » en acier de 1967 environ qui a atteint CHF 181’000 sous le marteau genevois ou une Patek Philippe réf. 5131/1 World Time en or jaune avec cadran émail de 2009 emportée pour CHF 150’000.

Un marché « étroit »

Sans vouloir détailler l’ensemble des montres proposées, ces résultats n’ont pas manqué de créer leur petite surprise durant cette période où l’industrie horlogère dans son ensemble était à l’arrêt et l’humeur plutôt morose sur les marchés. De là à conclure que la montre vintage est un « actif qui tient la route », le pas est vite franchi, surtout durant ces phases critiques où les marchés financiers dévissent. Exactement ce qui s’est passé en ce début de l’année avec des Bourses qui ont toutes mis leur drapeau en berne. Par rapport à leurs plus hauts de février, le décrochage a été rapide et brutal, soit une chute de 38 % sur le Dow Jones, l’indice phare de la Bourse américaine, ou encore de 40 % sur le CAC 40 français et 32 % sur le SMI suisse. Certes, depuis le 23 mars, les investisseurs à l’écoute des plans de relance des banques centrales comme des gouvernements ont largement redonné des couleurs aux marchés. Mais si ceux-ci ont déjà refait une bonne partie du chemin perdu, surfant sur une vague d’optimisme curieusement immunisé aux statistiques économiques, ils n’en demeurent pas moins potentiellement sensibles aux conditions de la reprise.

97 % des montres qui arrivent sur le marché n’ont pratiquement aucune chance de voir leur valeur augmenter.

Dans ce contexte, les actifs « tangibles » comme les œuvres d’art, les vins, l’immobilier et, bien évidemment, les pièces d’horlogerie attirent immanquablement l’attention, d’autant que pour ces dernières les actions des grandes compagnies du secteur comme Swatch Group ou Richemont accusent toujours une décote importante par rapport à février, soit – 33 % pour le premier et – 25 % pour le second. Reste à savoir si les montres sont bel et bien un investissement à privilégier pour le commun des mortels. Une question qui ne suscite certainement pas une réponse facile et immédiate. Comme le rappelle René Beyer, à la tête d’une des plus anciennes boutiques horlogères au monde, sise à la prestigieuse Bahnhofstrasse de Zurich avec son musée attenant, 97 % des montres qui arrivent sur le marché n’ont pratiquement aucune chance de voir leur valeur augmenter. Quant aux 3 % restant, ils sont largement accaparés par l’incontournable trio formé d’Audemars Piguet, Patek Philippe et Rolex, dont les différents modèles détiennent à eux seuls plus de 20 % des records obtenus lors de ventes aux enchères. En dehors de ces « blue chips » horlogers, les risques de moins-values augmentent de manière exponentielle.

Evolution comparative sur les six derniers mois du Swiss Market Index (rouge), des actions Richemont (noir) et Swatch Group (bleu)
Evolution comparative sur les six derniers mois du Swiss Market Index (rouge), des actions Richemont (noir) et Swatch Group (bleu)
Chasse gardée

John Reardon, ancien responsable international montres chez Christie’s New York, après avoir passé 10 ans chez Patek Philippe et deux chez Sotheby’s, est encore plus catégorique. « Les montres ne sont certainement pas un bon investissement, explique-t-il. Si vous achetez une montre pour gagner de l’argent, alors accrochez votre ceinture, car les chances ne sont pas de votre côté. Seuls les collectionneurs qui acquièrent ce qu’ils connaissent et savent apprécier ont du succès à long terme. » Il n’en reste pas moins que les résultats des ventes aux enchères sont bel et bien susceptibles de créer des vocations, d’autant que le phénomène est relativement récent et l’essor du marché certainement pas à bout de souffle. On se souvient bien évidemment des records enregistrés par la Rolex Daytona de Paul Newman adjugée fin 2017 pour USD 17,8 millions de dollars ou encore la première et unique version en acier de la Grandmaster Chime de Patek Philippe vendue à Only Watch 2019 pour CHF 31 millions devenant la montre la plus chère au monde, quasi une œuvre d’art. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que John Reardon ait consacré tout son savoir et son énergie au seul Patek Philippe, star de son tout nouveau site Collectability, qui propose des transactions sur les seules montres sorties des ateliers de la Maison.

The Watch Fund propose des rendements annuels de l’ordre de 20 à 30 % sur un portefeuille de montres mises physiquement à disposition des investisseurs.

Eric Wind, ancien vice-président de Christie’s, affiche la même retenue : « Généralement, j’évite d’utiliser les termes “montres” et “investissements” en même temps, dit-il. Je pense néanmoins que les montres vintage représentent une vraie réserve de richesse et que leurs valeurs ont un grand potentiel de hausse. » Toute l’équation est là. Cette réserve de richesse reste essentiellement à portée des seuls professionnels, à l’image des gestionnaires de The Watch Fund, un fonds basé en Asie qui assure obtenir des rendements annuels de l’ordre de 20 à 30 % sur un portefeuille de montres mises physiquement à disposition des investisseurs. Ticket d’entrée minimum : USD 250’000. Idem pour les collectionneurs, soit suffisamment avertis pour naviguer sur un marché où les pièges sont aussi nombreux que les connaissances nécessaires pour les éviter, soit suffisamment riches pour obtenir une bonne diversification de portefeuille. Pour les autres, si le second marché horloger en plein boom ne les rendra pas nécessairement riches, il sera néanmoins source de grandes satisfactions.

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