>SHOP

restez informés

Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle pour recevoir des infos et tendances exclusives

Suivez-nous sur toutes nos plateformes

Pour encore plus d'actualités, de tendances et d'inspiration

Les organes de régulation de la montre d’hier à...
Histoire & Pièces d'exception

Les organes de régulation de la montre d’hier à aujourd’hui – IIIe partie

mercredi, 5 septembre 2018
fermer
Editor Image
Vincent Daveau
Journaliste, horloger constructeur et historien diplômé

“Une heure de retard d’une jolie femme, c’est son quart d’heure d’avance. ”

Sacha Guitry

« La passion est le sel de la vie ! »

Lire plus

CLOSE
8 min de lecture

De toutes les inventions ayant contribué à l’amélioration des montres mécaniques, celle de l’organe réglant est la plus essentielle, mais aussi la moins bien documentée. Pour corriger cette lacune, voici racontée l’histoire des échappements des origines aux nouveaux régulateurs en silicium. Troisième partie : la voie vers l’industrialisation dès 1750 jusqu’au début du XIXe siècle.

Le calcul de la longitude en mer, un défi lancé avec la création du Longitude Act par le Parlement britannique en 1714, doté d’un prix de 20’000 livres sterling, allait inspirer nombre de maîtres horlogers. Les plus ambitieux se sont en effet lancés dans la course au titre pour produire l’instrument de mesure du temps le plus adapté aux marins, une fois la preuve faite par John Harrison que la voie horlogère était sans doute la meilleure.

Le défi de la reproductibilité

John Harrison avait démontré qu’avec une construction d’un soin extrême et quelques solutions techniques ambitieuses pour son époque il était possible de faire fonctionner avec précision un chronomètre de marine muni d’un échappement à roue de rencontre. Autrement dit, de fiabiliser un échappement à recul. Seulement, comme allait le démontrer Larcum Kendall, l’horloger en charge de copier la montre H4 de John Harrison, il était pratiquement impossible de reproduire à l’identique un pareil instrument. D’où l’impossibilité d’en équiper les nombreux navires de guerre, d’exploration et de commerce. À partir de 1750, le défi pour les horlogers était donc double : ils devaient trouver un échappement fiable et précis, tout en le concevant de façon à ce qu’il soit aisément reproductible pour permettre la fabrication en série de nombreux chronomètres de marine. Pour schématiser, on retiendra que le monde horloger s’est scindé en deux à partir de 1750. Un premier groupe d’horlogers s’est intéressé à la production de garde-temps précis, destinés à répondre aux besoins des marins et scientifiques ; quant au second, il a choisi de répondre aux attentes des puissants en quête d’instruments originaux et divertissants.

John Arnold savait que moins il y avait de contact entre le balancier et l’organe d’impulsion, plus le garde-temps avait de chances de fonctionner de façon juste et régulière.

John Arnold (1736-1799), un horloger parmi les plus brillants de son époque, allait passer sa vie à relever le défi, rejoignant le cercle très fermé des « chronométriers », parmi lesquels John Harrison, Larcum Kendall, Thomas Mudge ou John Shelton. Il se lança donc dans l’élaboration d’un système mécanique précis, très fiable et surtout facile à reproduire à moindres coûts. Son but : contredire Larcum Kendall. Une fois la montre K1 terminée, ce dernier avait déclaré qu’il s’écoulerait bien des années avant qu’un chronomètre de marine similaire à celui de monsieur Harrison soit disponible pour moins de 200 livres, si cela était même possible. Avant ses 35 ans, John Arnold se lança dans l’aventure en choisissant un échappement à « repos », dont il maîtrisait toutes les subtilités, appelé également « échappement à cylindre ». Inventé par George Graham vers 1718, l’échappement à cylindre fut largement utilisé dans les montres à calibre Lépine à partir de 1770, même s’il ne disposait pas de tous les avantages escomptés. Au courant des travaux de Leroy et Berthoud, John Arnold savait que moins il y avait de contact entre le balancier et l’organe d’impulsion, plus le garde-temps avait de chances de fonctionner de façon juste et régulière. Dans le même esprit, il avait deviné le potentiel de l’échappement à ancre mis au point par Thomas Mudge vers 1759, mais il pensait pouvoir faire mieux.

Premiers cas d’« espionnage industriel »

Dès le début de ses travaux, John Arnold avait compris l’importance de chercher à simplifier au maximum les mécanismes des chronomètres. Il devait ainsi mettre au point un échappement à détente pivotée dès 1773, faisant usage d’un spiral hélicoïdal et d’un balancier compensé de sa fabrication. Innovante, son approche offrait d’intéressantes perspectives, bientôt mises à mal par des problèmes de réglage dus au vieillissement rapide des huiles. Après avoir fabriqué quelques chronomètres équipés de ce type d’échappement, John Arnold allait se concentrer à partir de 1780 sur la fabrication d’un nouveau type de détente dite « à ressort ». Seulement, aléas de l’histoire, un horloger du nom de Thomas Earnshaw avait eu la même idée. Averti de cette « concurrence », John Arnold obtint alors de Thomas Wright qu’il lui montrât le chronomètre que lui avait confié Thomas Earnshaw, horloger méconnu et pourtant visionnaire.

Échappement à cyllindre mixte
Échappement à cyllindre mixte

Ce cas flagrant d’espionnage industriel devait être le point de départ d’un des conflits horlogers les plus virulents, comme celui qui avait opposé Leroy à Berthoud côté français. Sans vouloir trancher, on retiendra que c’est le mécanisme complet développé par Thomas Earnshaw que les horlogers du XIXe siècle ont employé le plus couramment pour produire leurs chronomètres de marine en série. Tombé en désuétude depuis, l’échappement à détente a été réemployé sous une forme modernisée uniquement par Jaeger-LeCoultre pour sa Reverso à Triptyque. Il en va de même pour l’échappement proposé en 1793 par Robert Robin (1742-1799), horloger ordinaire de la Cour de Marie-Antoinette, soit un échappement mixte associant la précision et la puissance des détentes, mais également la sécurité des ancres. Cet échappement devait être toutefois rapidement abandonné car complexe à produire et à régler, sensible aux mouvements brusques et en manque de fiabilité à long terme. Seul Audemars Piguet en a proposé une version contemporaine dans ses nouveautés 2006.

Une fois le spiral inventé, nombre d’horlogers ont tenté de créer, chacun à leur époque, l’échappement de montre le plus parfait et le plus efficace qui soit.
Pour la solution la moins encombrante

Une fois le spiral inventé, nombre d’horlogers ont tenté de créer, chacun à leur époque, l’échappement de montre le plus parfait et le plus efficace qui soit. L’une des premières tentatives visant à remettre en cause l’échappement à roue de rencontre fut celle proposée par Thomas Tompion en 1695. Les historiens du métier considèrent cet échappement comme le premier dit « à repos ». Avec ce dispositif, l’une de ses dents de la roue d’échappement « repose » sur une partie de l’axe de balancier avant d’être libérée grâce à la présence d’une échancrure. Cette invention devait en entraîner d’autres ayant toutes en commun le principe de faire se reposer une dent de la roue d’échappement sur une partie active de l’axe de balancier. Parmi elles, on retiendra les propositions d’origine anglaise, parfois dues à des horlogers français émigrés en Grande-Bretagne pour des raisons religieuses.

Échappement à cheville inventé par Louis Amant en 1741
Échappement à cheville inventé par Louis Amant en 1741

C’est le cas des frères Debaufré – inventeurs des pierres d’horlogerie avec Nicolas Fatio –, à qui l’on doit un échappement à repos avec une double roue dentée agissant sur un plateau rivé sur l’axe de balancier. Parmi les différentes variantes, on relèvera celles de l’horloger anglais Kendal, de Henry Sully (1680-1729) ou d’Enderlin. D’autres encore ont vu le jour bien après le siècle des Lumières pour donner un peu d’allant aux montres de poche plus populaires fabriquées de façon plus industrielle par Japy (France) ou Fontainemelon (Suisse). On pense, au début du XIXe siècle, à celui de Paul Garnier, le célèbre horloger spécialiste des horloges de précision (à coup perdu), ou à l’échappement à repos Simplex de Claude Saunier (1816-1896), actif à Paris. Soit dit en passant, c’est l’échappement à cylindre, imaginé par George Graham en 1718, qui a eu le plus de succès. Fiable et robuste, il ne nécessitait que peu d’entretien. Il équipera ainsi les montres de poche des notables au début du XIXe siècle, avant de devenir un échappement populaire. Aujourd’hui, il reste l’échappement le plus connu du grand public avec celui à verge et celui à ancre.

Haut de page