À l’instar de l’« effet papillon » dans la théorie du chaos qui symbolise le phénomène fondamental de sensibilité aux conditions initiales, on pourrait actuellement parler d’« effet Swatch » dans le secteur de la mesure du temps. Cela fait une dizaine d’années déjà que le géant biennois a averti la communauté horlogère de ses intentions consistant à cesser progressivement ses livraisons de mouvements terminés puis d’ébauches, voire de composants. En d’autres termes, la principale source d’approvisionnement pour les Maisons de la branche est en train de se tarir, ne leur laissant guère d’autre choix que de trouver des alternatives et ce, rapidement. Seulement les alternatives ne sont pas pléthore, raison pour laquelle le bal des acquisitions bat son plein sur le marché de la sous-traitance.
Les récentes annonces faites par les ténors de la branche en offrent une illustration supplémentaire. Début mars 2012, on apprenait ainsi que La Joux-Perret venait de changer de mains. Ô surprise ! c’est le groupe japonais Citizen qui raflait la mise avec le rachat du Chaux-de-fonnier Prothor, propriétaire non seulement de La Joux-Perret, « manufacture spécialisée dans la conception, le développement et la production de mouvements mécaniques destinés à l’horlogerie haut de gamme qui emploie 170 personnes », mais également du fabricant de composants Prototec et de la marque anglaise spécialisée dans les complications horlogères Arnold & Son, du nom d’un célèbre horloger anglais du XVIIIe siècle. Avec cette acquisition, Citizen, qui possède déjà la maîtrise quasi totale de la fabrication de calibres maison, spiraux compris, au sein de sa filiale Miyota, réalise une nette montée en gamme en matière horlogère.
Croissance de 23 % en 2011
Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que LVMH se soit également trouvée sur les rangs dans la mesure où la multinationale française est en pleine phase de verticalisation au sein de ses marques comme le montrent les rachats effectués en 2011 du cadranier ArteCad par Tag Heuer, de La Fabrique du Temps, spécialisée dans les mouvements à grande complication par Louis Vuitton, et de l’entreprise active dans les fibres de carbone Profusion par Hublot. Louis Vuitton, encore, qui vient d’acquérir le cadranier genevois Léman Cadrans, une entreprise fondée en 2006 spécialisée dans les collections de Haute Horlogerie.
Un jour après l’annonce de Citizen, c’était au tour de La Montre Hermès d’entrer en jeu, une entreprise qui regroupe les activités horlogères de la marque, installée à Bienne depuis 1978, qui détient par ailleurs 25 % de Vaucher Manufacture Fleurier. Après être montée dans le capital du fabricant de boîtiers jurassien Joseph Erard à hauteur de 32,5 % en septembre 2011, La Montre Hermès faisait part de « négociations exclusives en vue d’acquérir 100 % du capital de Natéber, manufacture de cadran haut de gamme basée à La Chaux-de-Fonds ». Commentaire du Président de son conseil d’administration Guillaume de Seynes : « Dans un contexte de forte croissance de La Montre Hermès, ce nouveau projet, tout comme notre prise de participation il y a quelques mois dans Joseph Erard Holding, illustre pleinement notre stratégie de maîtrise des savoir-faire horlogers. » Pour mémoire, les ventes de montres Hermès ont enregistré une croissance de 23 % en 2011 à EUR 138,7 millions (USD 183 millions / CHF 167 millions), soit 4,9 % du chiffre d’affaires annuel du Groupe, en progression de 18,3 % à EUR 2,841 milliards (USD 3,748 milliards / CHF 3,425 milliards).