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Culture

L’extraordinaire collection George Daniels enflamme les enchères

mardi, 27 novembre 2012
Par Justin Koullapis
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Justin Koullapis

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8 min de lecture

L’extraordinaire collection de garde-temps ayant appartenu à George Daniels, commandeur de l’ordre de l’Empire britannique (CBE), décédé l’an dernier, a été mise aux enchères le mardi 6 novembre 2012 chez Sotheby’s à Londres. Le produit de cette séance viendra compléter le legs déjà considérable reçu par le George Daniels Educational Trust grâce à la vente, en juin dernier, de la collection de voitures anciennes de l’horloger britannique.

De l’avis général, la collection de garde-temps de George Daniels rassemblait des pièces exceptionnelles prouvant le talent et l’intuition de l’un des plus grands horlogers de l’histoire. Elle comprenait notamment une proportion non négligeable des montres qu’il avait réalisées lui-même à la main (5 sur 27). Leur mise aux enchères constituait probablement pour un collectionneur potentiel la seule chance de sa vie d’en acquérir une. Étaient également proposés à la vente quatre des cinquante Millennium Watches, un chronomètre de marine de fabrication Mercer, une pendule à trois roues vendue à Breguet (puis mentionnée dans les archives de la marque comme une création Breguet) et plusieurs régulateurs équipés par Daniels lui-même des échappements sauterelles de Harrison.

La vente aux enchères, qui fait partie des événements les plus attendus par la communauté horlogère depuis une génération, a suscité un immense intérêt. Les jours précédant la vente, les expositions ont été prises d’assaut, tant par de nombreux marchands et collectionneurs européens parmi les plus respectés, venus étudier attentivement les pièces exposées, que par une multitude d’amateurs qui avaient fait tout spécialement le déplacement jusqu’à Londres pour observer et manipuler, une fois dans leur vie, l’une des précieuses montres de George Daniels. Le célèbre établi du maître horloger, avec son plateau vert surélevé, avait été transporté depuis l’île de Man et les outils y avaient été placés exactement comme si George Daniels les avait laissés là dans un savant désordre. Roger Smith lui-même se tenait à la disposition des visiteurs pour les guider dans la collection.

L’une des pièces d’horlogerie les plus vénérées du XXe siècle

Le mardi 6, à 14 h 30, heure d’ouverture de la vacation, la salle des ventes était comble. Les enchérisseurs qui avaient eu la chance d’y pénétrer devaient jouer des coudes pour trouver une place et arrivaient à peine à ouvrir leurs catalogues. La vente était retransmise en ligne et on pouvait suivre son déroulement sur des écrans géants disposés dans tout le bâtiment.

Le lot 1 correspondait au premier instrument complet réalisé par Daniels, un chronomètre de marine achevé à partir d’une ébauche fournie par Mercer. Détail exceptionnel, ce garde-temps porte la signature « G W Daniels » : George Daniels n’avait qu’un seul prénom, mais il osa ici l’équilibre esthétique et typographique conféré par l’ajout d’une initiale inventée. Ce lot a rapidement atteint les GBP 20’000 et a été adjugé en à peine plus d’une minute à GBP 25’000 (EUR 31’212 / USD 39’980), frais inclus, soit bien plus que son estimation initiale à GBP 2’500-3’500… Dans l’ensemble, la suite de la vente a confirmé cette tendance.

Il était prévisible que le garde-temps le plus médiatisé de Daniels suscite le plus grand intérêt. Cela a bien été le cas : cette montre, au nom mémorable de Space Travellers’ Watch, a provoqué une vive effervescence, les enchérisseurs se disputant l’une des pièces horlogères les plus vénérées du xxe siècle. D’imperceptibles hochements de tête ont fait grimper les enchères par paliers de GBP 50’000 jusqu’à une petite pause juste au-dessus de GBP 1’000’000. Le commissaire-priseur a réussi à obtenir GBP 100’000 supplémentaires des deux derniers enchérisseurs, avant d’adjuger le lot à GBP 1’150’000, sous les exclamations discrètes et les applaudissements spontanés du public. Le prix définitif de la montre (lot 9), frais inclus, s’est élevé à GBP 1’329’250 (EUR 1’659’564 / USD 2’125’736). Ce montant pulvérise tous les records du monde jamais établis par a) une montre de Daniels, b) une montre anglaise et c) une montre réalisée par un horloger indépendant.

Montres commerciales dotées d’échappements de George Daniels

Les enchères sont montées très vite aussi pour les autres montres réalisées à la main, toutes adjugées à des prix largement supérieurs à leurs estimations. Les amateurs, déterminés à ne pas laisser passer la chance d’acquérir une Millennium Watch, les ont obtenues pour des sommes élevées, notamment le modèle en or blanc qui a été adjugé à près de GBP 150’000.

Une autre série de lots comprenait des montres commerciales que Daniels avait équipées de ses propres échappements, d’autres encore rassemblaient des garde-temps qu’Omega lui avait offerts pour le remercier de sa collaboration. Une Speedmaster Mark II (vers 1975), dotée d’un échappement coaxial de Daniels (lot 19), est partie pour GBP 15’000 (EUR 18’727 / USD 23’988), alors que les montres classiques de ce genre ne rapportent généralement qu’environ GBP 800.

Le musée Jurgensen s’est empressé d’acquérir une montre Urban Jurgensen de 1985 à échappement coaxial mince (lot 22), adjugée à GBP 61’250 (EUR 76’470 / USD 97’951) contre une estimation haute de GBP 20’000.

George Daniels ne manquait jamais une occasion d’acheter de grandes créations horlogères d’autres fabricants, et avait donc constitué une collection considérable de montres et de pendules anglaises et européennes. Ces pièces ont atteint des prix élevés, tant en raison de leur valeur intrinsèque que de leur provenance. Un marchand et historien britannique de la vieille école a déboursé GBP 58’850 (EUR 73’474 / USD 94’112) pour le lot 43, une magnifique montre à verge de Benjamin Hill (Londres) datant de 1650 (avant l’invention du balancier-spiral), avec indications astronomiques et boîtier extérieur orné de délicats motifs piqués.

Le lot 50, une montre avec échappement à cylindre en rubis de Francis Perigal dotée d’un compensateur bimétallique n’a rapporté que GBP 21’250 (EUR 26’530 / USD 33’983), une broutille étant donné sa provenance établie par l’acte original du 28 juin 1977, attestant de sa vente à George Daniels par Sam Clutton. Une superbe pendule de carrosse à répétition de chez Dent (lot 69), avec échappement chronomètre et boîtier portatif original à serrure Bramah, est partie pour GBP 61’250 (EUR 76’470 / USD 97’951).

Omega Speedmaster Mark II avec échappement coaxial ajouté par George Daniels, vers 1975 © Sotheby’s
Un legs considérable, preuve de l’immense générosité de George Daniels

Parmi les curiosités horlogères mises en vente, un pantographe utilisé par Breguet pour graver sa signature secrète (lot 68) et plusieurs bronzes de différents artistes représentant Daniels lui-même. Point d’élitisme toutefois, puisque la vente proposait aussi un bon nombre de pièces amusantes et insolites telles que le lot 33, une montre-bracelet électronique, numérique et… parlante de la marque Trafalgar, adjugée à GBP 813 (EUR 1’015 / USD 1’300), dont le prix a provoqué autant d’étonnement que celui de la Space Travellers’ Watch ! Le coucou allemand en bois sculpté qui décorait la cuisine de George Daniels à Riversdale a tenté un nombre appréciable d’enchérisseurs privés. Grâce à son nouveau propriétaire, GBP 2’000 supplémentaires iront financer la formation des horlogers.

 

Pantographe en cuivre utilisé pour graver la signature secrète de Breguet. Estimation catalogue : 3'000 – 5'000 GBP, prix d’adjudication : GBP 13'750 (EUR 17'166 / USD 21'989) © Sotheby’s

Parmi plusieurs pendules anglaises se distinguait une très élégante pendulette à sonnerie de Joseph Knibb (lot 130), en ébène, avec cadran à chiffres romains, ornée d’un anneau des heures, d’écoinçons et de montures de boîtier en argent massif, dont la provenance est associée au roi George III. Rien d’étonnant à ce qu’elle ait été adjugée à GBP 1’273’250 (EUR 1’589’649 / USD 2’036’181).

Cette séance marathon s’est achevée juste avant 18 h, avec un produit total atteignant GBP 8’285’139 (EUR 10’343’972 / USD 13’249’594). Ce chiffre, comme les autres prix cités dans cet article, inclut les 25 % correspondant aux frais dus par l’acheteur.
Non seulement George Daniels a passé sa vie à créer des chefs-d’œuvre exceptionnels, mais son intuition géniale l’a toujours conduit à ne choisir que le meilleur, que ce soit en tant qu’historien, artiste ou collectionneur. De lui, on gardera l’image d’un homme généreux, à l’image du legs considérable qui assurera enfin une stabilité durable à la formation des horlogers au Royaume-Uni.

L’auteur, Justin Koullapis, est un horloger et marchand de belles montres établi à Londres. Il est le rédacteur technique du Horological Journal publié par le British Horological Institute.

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