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Mobilisation « durable », du discours à la réalité
Actualités

Mobilisation « durable », du discours à la réalité

mercredi, 6 avril 2022
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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7 min de lecture

Si tout le monde s’accorde sur la nécessité pour les compagnies du luxe d’appliquer des principes de transparence et d’approvisionnement responsable, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Les compagnies exemplaires dans ce domaine semblent encore bien esseulées, alors qu’une mobilisation générale est urgemment attendue.

Au salon Watches and Wonders, le développement durable a été au cœur des panels de discussions tenus quotidiennement sur l’un ou l’autre aspect de la question. Thèmes des deux premières sessions : la transparence et l’approvisionnement responsable. Il aurait été difficile de choisir meilleure introduction pour sonder le pouls de la profession en la matière, d’autant que la durabilité a probablement été l’un des sujets marquants du salon, en marge des présentations produits pensés, conçus et réalisés pour entretenir le rêve. L’enjeu est certainement là. Comment continuer à susciter l’envie et la passion dans un monde promis à la catastrophe pour laquelle les industriels de tous bords portent leur part de responsabilité ?

 

Au cœur de la problématique : le client, surtout le jeune client, qui appréhende l’univers du luxe d’une manière complètement différente de celle de ses aînés. « Comment pensez-vous que les jeunes de l’hémisphère Sud, eux qui vivent quotidiennement le fossé des inégalités, perçoivent ces marques de luxe censées représenter des valeurs qui leur sont chères ? questionnait Diana Verde Nieto, CEO de Positive Luxury, société qui accompagne les compagnies sur le chemin du développement durable. La moindre des choses est que ces Maisons fassent preuve d’humilité et affichent une certaine transparence. Il s’agit là d’une question de gouvernance d’entreprise indispensable dans la chaîne de création de valeur que les compagnies du luxe ne peuvent plus ignorer. »

La durabilité paie

« Cela ne veut pas dire que rien n’a été fait en termes de durabilité ou d’inclusion, poursuivait Isabelle Sultan, Responsable Développement durable chez Dior Parfums. En ce qui nous concerne, cela fait bien 25 ans que nous travaillons en partenariat avec les horticulteurs de Grasses qui cultivent les plantes et les fleurs dont nous avons besoin selon les principes d’une agriculture biologique. Dans le même ordre d’idées, nous avons adopté les “Science Base Targets” dans le but de réduire notre empreinte carbone. Mais, c’est vrai, nous n’avons pas assez communiqué sur ces questions. Ce qui revi ent à dire que nous ne sommes pas parfaits et qu’il y a encore du chemin à parcourir. » Entre manque de transparence et dissimulation de vérités honteuses, la frontière est d’autant moins infranchissable que l’on tient aujourd’hui les compagnies du luxe comme redevables envers les communautés où elles sont implantées.

On est en droit d’attendre que les compagnies du luxe montrent l’exemple.

« C’est vrai, le monde est devenu fou, poursuivait Diana Verde Nieto. Mais la bonne nouvelle, c’est que nous avons le pouvoir de changer les choses. Et les compagnies du luxe ont tout à disposition pour s’engager dans cette voie : finances, réputation, implantation internationale, réseaux, management… On est ainsi en droit d’attendre d’elles qu’elles montrent l’exemple. Alors si certaines le font, force est de reconnaître que d’autres non. Ce sont ces entreprises-là qui, évidemment, posent problème. Mais elles ne tarderont pas à réaliser où est leur intérêt. Les compagnies qui ont le plus de succès sont aujourd’hui celles qui affichent un axe fort en termes de durabilité. » « Toutes les études le montrent suffisamment, les clients sont aujourd’hui prêts à abandonner les marques qui ne “jouent pas le jeu”, soutenait Isabelle Sultan. Personne ne veut faire l’expérience de vivre sur une planète où le réchauffement climatique aura engendré des températures moyennes en hausse de 4 °C. C’est pourquoi le développement durable est devenu un facteur de croissance qui permet aux marques qui mettent en application ses principes de surperformer. Cela devient un réel avantage concurrentiel. »

Ensemble sinon rien

Impossible toutefois de vouloir prétendre changer le monde de manière isolée. « C’est au niveau d’une industrie dans son ensemble que les changements doivent s’opérer, expliquait Sabrina Karib, du Forum sur l’impact des métaux précieux. Pas nécessairement avec un cadre légal plus contraignant, car de telles dispositions prennent énormément de temps pour être mises en place. On sait également que les différentes certifications ne sont pas suffisantes, même si elles se révèlent utiles en termes de légitimité. En fait, c’est tout au long de la chaîne de valeur qu’il faut agir, ce qui inclut les marques et leurs fournisseurs dans un effort commun de transparence. »

Quand il s’agit de citer les « bons élèves » en termes de durabilité, on retombe toujours sur les mêmes Maisons.

Il n’en reste pas moins que dans la branche horlogère cet effort commun en est à ses premiers balbutiements. Un signe qui ne trompe pas : aucun horloger n’était présent autour de la table pour parler de transparence. Ce que n’ont pas manqué de relever les participants. Et quand il s’agit de citer les « bons élèves », on retombe immanquablement sur les mêmes Maisons. Chopard fait indubitablement partie de celles-là, pionnière avec son « Voyage vers un luxe durable » entamé en 2013 déjà grâce à l’esprit visionnaire de ses dirigeants. « C’est vrai qu’il est impossible d’entreprendre seul une telle démarche, d’autant qu’elle ne se limite pas aux seules questions environnementales et qu’elle implique l’ensemble des fournisseurs, ajoutait Pauline Evequoz, Responsable du développement durable chez Chopard. En ce qui nous concerne, nous avons travaillé en étroite collaboration avec différentes organisations non gouvernementales actives sur le terrain. Mais tout cela prend du temps, de la patience et surtout une vision à long terme pour que l’on puisse établir des relations de confiance, notamment avec les communautés minières mais aussi avec le client. C’est ce qui nous permet aujourd’hui d’augmenter progressivement la part d’or artisanal dans notre approvisionnement, le but étant d’arriver à 60 % de nos besoins. »

Anne, ma sœur Anne…

Ce besoin de collaboration a également été fortement ressenti chez Panatere, société de Saignelégier, dans le Jura, qui propose à la branche horlogère de l’acier et du titane recyclé au prix du marché et produit à partir d’énergie solaire, une première en Suisse. « Nous aussi avons eu besoin d’aide pour arriver là où nous sommes aujourd’hui, notamment de la part de bureaux d’études et d’ingénieurs qui nous ont aidés à mettre en place nos processus basés sur des circuits courts et une énergie propre, expliquait Liselotte Turing, Cheffe de projet chez Panatere. En cinq ans, nous avons énormément appris afin de faire des déchets une ressource et de transformer les coûts en ressources sur la base d’une économie circulaire. Et ça marche. Nos volumes de production sont en croissance constante, et nous avons désormais ajouté du titane recyclé à notre offre. »

 

Circuits courts, matériaux recyclés, Panerai avait également annoncé ses propres solutions en 2021 pour démontrer la faisabilité de produire des montres entièrement recyclées. À la base, un « consortium » d’une dizaine d’entreprises partenaires, dûment citées et toutes volontaires pour embarquer dans de nouveaux projets avec d’autres marques horlogères, selon les vœux de Panerai. À ce jour, elles attendent toujours de nouveaux candidats…

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