En une vingtaine d’années, Panerai a su se faire une place au soleil dans l’horlogerie de luxe pour une production actuelle estimée à quelque 70’000 pièces par an. Notamment grâce à des produits à forte typicité qui racontent des « histoires vraies ». Explications avec Jean-Marc Pontroué, CEO de cette Maison florentine solidement ancrée dans le paysage industriel helvétique.
Jean-Marc Pontroué, CEO de Panerai : La raison tient en un mot, « Submersible », un modèle quelque peu étouffé par les Luminor et Radiomir qui est devenu depuis l’an dernier une ligne à part entière au sein des collections Panerai. Nous lui avons d’ailleurs dédié toutes les ressources de la manufacture avec un message clair, si bien que cette famille de produits a explosé. De montre exotique, la Submersible représente aujourd’hui un assortiment complet dans les tailles 42 mm, 44 mm et 47 mm. Grâce à cette option prise sur la Submersible, Panerai a vécu une très bonne année. Du moins jusqu’en février. Malgré tout, même avec l’arrêt des activités du au coronavirus qui a pénalisé les mois de février et mars, nous sommes restés positifs sur l’ensemble de l’exercice.
Je dirais que chaque jour est moins mauvais que le précédent. Autant dire que la situation est tendue et compliquée. Depuis le temps que je fais ce métier, je n’ai jamais connu une crise aussi soudaine et de cette ampleur. Qui plus est, sans réelle visibilité. En d’autres termes, 2020 est une année à oublier. La question qui se pose est de savoir combien de temps cela va prendre avant de pouvoir renouer avec les niveaux de 2019. À ce stade, difficile de se faire une opinion, en sachant toutefois que dans l’univers du luxe la reprise peut se manifester plus tôt qu’on ne l’espère, notamment grâce aux plans de soutien à l’économie. Alors, oui, notre industrie est très impactée, mais on peut aujourd’hui parler d’une timide éclaircie. Ce qui est déjà plutôt réconfortant au vu d’autres secteurs. Cela dit, on doit bien reconnaître que si, par le passé, nous étions dopés à la croissance, aujourd’hui, l’équation a changé.

C’est vrai que le Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH) me manque. Si je devais faire une comparaison, c’est un peu comme un politicien en campagne qui serait privé de terrain. Ces cinq jours de salon avec son tsunami de contacts nous permettent de prendre le pouls de la marque in vivo. Chose impossible par écrans interposés. Personnellement, j’adore cette période où l’on sait très vite si nous avons le bon dosage de produits, le dosage juste. Un salon réussi, cela veut aussi dire que l’année est déjà bien balisée. Avec Watches & Wonders, salon en ligne organisé cette année en lieu et place du SIHH, nous avons certes eu un millier de rendez-vous tous azimuts, mais la perception n’est pas la même. C’est un placebo sur une année qu’il faudra vite oublier.
On essaie au maximum de les reporter et non de les annuler. L’expédition avec Mike Horn a ainsi été repoussée d’un an. Idem avec Luna Rossa, challenger de la prochaine Coupe de l’America, qui devrait avoir lieu en mars 2021. Mais la Nouvelle-Zélande a fermé ses frontières jusqu’à la fin de l’année, ce qui n’est pas de bon augure. Cela dit, ces expériences seront effectivement plus nombreuses, au nombre de sept prévues l’an prochain, localement et au niveau international, contre trois en 2019. Il s’agit d’un concept auquel je tiens et qui fonctionne extrêmement bien. Toutes les propositions que nous avons faites jusqu’ici ont affiché complet.
Personnellement, j’aime bien cette idée qui permet aux équipes de se concentrer sur un seul objectif. Pas de dispersion des forces, un message clair, identitaire à la marque, également plus facile à faire passer auprès des communautés à qui nous nous adressons. Nous allons donc effectivement continuer dans cette voie. Mais contrairement à ces deux années marquées par les Submersible et Luminor, en 2021, nous allons nous concentrer non pas sur un produit mais sur un concept.
Nous nous sommes lancés dans cette voie il y a 18 mois, notamment grâce à Mike Horn, qui est un militant écologiste de la première heure. Plus globalement, de nos jours, il est impossible de ne pas prêter attention aux problématiques liées à la santé de la planète et à ses ressources. Pour Panerai, il s’agit de rester fidèle à l’esprit de la marque. Dans de nombreux domaines, Panerai a fait œuvre de pionnier, que l’on songe aux montres militaires, aux grandes tailles, à l’utilisation du bronze… Aujourd’hui encore, en associant une édition limitée à une expérience « exotique » à vivre en compagnie de nos ambassadeurs, nous inaugurons une formule inédite. Il en va de même avec l’écologie, où Panerai veut également s’affirmer en pionnier et ce, dans l’ensemble de son organisation. Il en va de même également au niveau des produits. Nous avons ainsi déjà réalisé des bracelets, des boîtiers et des éléments de packaging recyclés. Actuellement, une quinzaine d’horlogers travaillent sur le mouvement. Le but est de présenter l’an prochain une montre recyclée à 100 %. N’oublions pas que l’environnement de Panerai, c’est la mer. Si elle devient une poubelle, comment entretenir le rêve ? C’est une question de raison d’être. C’est pourquoi nous agissons, certes à notre petite échelle, mais en espérant que l’ensemble de l’industrie va s’y mettre pour établir de nouveaux standards.

En effet. Je dirais même que le Laboratorio di idee est devenu la signature de Panerai, au même titre que son italianité. Il symbolise l’innovation de la marque, qui porte autant sur les mouvements que sur les matériaux et le service. Nous avons par exemple été les premiers à offrir une garantie de 8 ans sur l’ensemble des gammes Panerai. Et aujourd’hui, nous avons prolongé cette garantie à 70 ans sur 10 références. La créativité, chez Panerai, c’est aussi une notion de service et d’art de vivre.
Je tiens beaucoup aux ambassadeurs de Panerai dès lors qu’ils sont légitimes. Ce qui est le cas de tous ceux que vous citez et qui vivaient déjà avec leur montre Panerai avant que nous les rencontrions. Personnellement, je ne leur ai jamais demandé de tenir tel ou tel discours sur la marque. Ils racontent leurs propres expériences et parlent de Panerai comme jamais je ne pourrai le faire.
Comme je l’ai dit, le calendrier reste à confirmer, mais il s’agit d’un partenariat qui me tient particulièrement à cœur et qui réunit, outre Panerai, Prada et Pirelli, trois marques milanaises autour de ce qui se fait de mieux en termes de bateaux de course. Au-delà de l’aspect humain et des compétences des marins, le travail sur les matériaux, la résistance, l’endurance de ces F1 des mers ouvre un univers parallèle à Panerai qui nous offre de réelles perspectives. À n’en pas douter, cette collaboration va s’inscrire dans la durée.
Cette question concerne l’exclusivité de la marque et son « pricing power », en d’autres termes ses capacités à augmenter les prix sans que la demande en pâtisse. Pour ce faire, l’envie doit être intacte. C’est là que certains critères idéologiques entrent en jeu. Prenez les trois expériences que nous avons menées jusqu’ici, toutes liées à des éditions limitées qui ne dépassaient pas les 35 exemplaires. Toutes ont remporté un franc succès. Mais en serait-il de même pour un millier de candidats si tant est qu’une telle démarche soit possible ? Certainement pas. Idem avec notre Submersible Bronzo, dont nous produisons un millier d’exemplaires par an et qui s’arrachent sur les réseaux sociaux 30 % au-dessus de notre prix de vente, tant ce modèle est demandé. Tout est question de désirabilité, de capacités à innover et à surprendre. Et cela passe par une limitation des volumes. C’est pour cette raison que nous plafonnons la production avec un réseau de distribution plus exclusif, comprenant 500 points de vente à travers le monde.

Il s’agit d’une tendance de fond, en forte accélération même chez les horlogers qui s’y sont mis relativement tard. Il est évident que le commerce en ligne ne va pas remplacer les ventes directes, mais il contribue à la bonne marche des affaires. Chez Panerai, nous y croyons. Nous venons d’ailleurs de lancer Pamcast, qui reprend le concept d’une chaîne TV pour la diffusion de contenus sur le Net. Comme nous avons un millier d’histoires à raconter – des histoires vraies sur la marque, son passé militaire, son engagement maritime, ses interactions avec les ambassadeurs et j’en passe –, nous venons d’engager un directeur des programmes, qui va mettre tout cela en scène.
Pour rester dans le domaine des métaphores, je dirais que nous avons débranché le pilotage automatique pour reprendre les commandes manuelles de l’appareil afin de naviguer le mieux possible dans cet environnement en manque de visibilité. Nous avons également la chance d’appartenir à un grand groupe avec un bagage identitaire fort. Panerai est une marque de marins qui savent naviguer par gros temps. Contrairement à d’autres, nous avons toutes les chances de nous en sortir au mieux !