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Quand la gravité devient un atout horloger
Regards de connaisseurs

Quand la gravité devient un atout horloger

mercredi, 8 janvier 2020
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Vincent Daveau
Journaliste, horloger constructeur et historien diplômé

“Une heure de retard d’une jolie femme, c’est son quart d’heure d’avance. ”

Sacha Guitry

« La passion est le sel de la vie ! »

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6 min de lecture

Il a fallu du temps pour que les horlogers saisissent combien l’attraction terrestre avait d’incidence sur le bon fonctionnement de leurs montres. Depuis l’aube du XIXe siècle, ils ont su s’en prémunir et mettre en orbite les amateurs qui ne cessent de leur demander la lune. Décollage !

Avant d’aborder les conditions qui ont permis aux montres chronographes Omega Speedmaster d’accompagner les astronautes et de rejoindre notre satellite, il est important de revenir sur le principe de gravité qui a longtemps obscurci le quotidien de nombreux horlogers travaillant sur les instruments de précision destinés aux astronomes. Avant l’invention des pendules atomiques, seuls les régulateurs d’observatoire permettaient d’avoir une heure précise. Il fallait donc, pour qu’ils égalent et même, pour certains, surpassent la mécanique céleste, qu’ils soient d’une qualité supérieure et que le mécanisme soit préparé de façon à compenser les problèmes inhérents à la gravité et aux frottements de l’air sur les organes de régulation. Les meilleurs étaient équipés de pendules réalisés dans des matériaux dotés de coefficients de dilatation nuls et dotés de compensateurs thermiques et de pression barométrique. Ils étaient par ailleurs enfermés dans des caissons vidés d’air pour éviter les interférences sur la bonne marche du pendule. Et ce dernier était conçu pour avoir des demi-oscillations dont l’angle ne dépassait pas 2,5 degrés d’arc afin de rester toujours isochrone.

Les bienfaits du vide

Ces outils de précision, régulés dès la fin du XIXe siècle par des échappements électromagnétiques ou par des échappements spéciaux comme celui de Reed – en prise sur le pendule lui-même afin de réduire les effets de couple et de poids non suspendus –, parvenaient tous à être plus précis que la pendule céleste, car leur mécanique avait été individuellement réglée pour compenser la gravité agissant localement. La gravité n’est en effet pas uniforme sur terre vu qu’elle n’est pas parfaitement ronde. Restaient les montres destinées à rejoindre l’espace. De nombreux amateurs se demandent comment le chronographe Speedmaster d’Omega a pu partir dans l’espace sans modifications. En fait, ce modèle possède différentes qualités qui le rendent compatible avec une utilisation spatiale.

Aucune des montres baroudeuses de l’espace ne semble avoir connu de panne liée à l’absence de gravité.

En premier, son mouvement mécanique à remontage manuel n’est pas sensible aux problèmes d’emballement que pourrait rencontrer un calibre automatique dont la masse oscillante n’est plus soumise à la gravité et qui, lancée, mettrait du temps à être freinée par l’armage du ressort. Dans le même esprit, l’huile, présente en toute petite quantité, ne risque pas de couler, car les effets de la capillarité évitent de la voir migrer vers des composants. Enfin, la montre étanche à 50 mètres disposait d’un verre en hésalite (sorte de Plexiglas) incassable, capable d’encaisser les chocs thermiques rencontrés dans le vide spatial et d’éventuelles dépressurisations. Au final et sans que cela ait été vérifié, la faiblesse de la gravité a sans doute eu des effets bénéfiques sur la précision de ces produits horlogers embarqués comme des instruments de secours. Quoi qu’il en soit, aucune des montres ayant baroudé dans l’espace ne semble avoir connu de panne liée à l’absence de gravité ou au vide.

Attirés par la gravité

Si les horlogers ont tout mis en œuvre pour contrer la gravité sur les mouvements de leur cru, certains, plus malins que d’autres ou convaincus d’avoir une carte à jouer, ont choisi d’en dompter les effets afin d’offrir aux observateurs de lire l’heure autrement. C’est le cas d’Hubert Sarton au XVIIIe siècle. Cet horloger liégeois devait exploiter l’incidence de la gravité pour remonter sans clé les montres de poche de son invention. L’idée allait être reprise et perfectionnée pour une application aux horlogers modernes et aux montres-bracelets, notamment par Harwood, Leroy ou encore Hans Wilsdorf pour Rolex. Mais l’utilisation la plus rocambolesque de cette force invisible revient aux Maisons horlogères Nord Zeitmaschine et Maurice Lacroix. La première, connue pour ses affichages originaux, a conçu pour le modèle Crossnroll une aiguille des heures en perpétuel mouvement, qui subit les effets de la gravité et bouge au gré des mouvements du porteur. Grâce à un train de rouages spécifique, elle affiche toujours l’heure juste.

Dans un monde imparfait, un certain nombre d’horlogers a su “détourner” les lois de la physique à leur profit.

Dans un tout autre genre, la maison Maurice Lacroix a présenté la montre Aikon Mercury au salon Baselworld 2019. Cette pièce en acier intègre un système de roue libre inédit qui utilise la gravité pour offrir le temps juste grâce à un mécanisme à double came dissimulé sous le cadran. L’une est associée à l’affichage des heures et effectue une rotation complète en 12 heures, tandis que l’autre entraîne l’affichage des minutes et effectue une rotation en 60 minutes. Quand le porteur de la pièce lève le bras pour regarder l’heure et que le mouvement automatique atteint une position où il se retrouve perpendiculaire au sol, les deux leviers lestés entrent en contact avec les cames sous l’effet de la gravité. Entraînés par la rotation continue des cames, les leviers situés dans le prolongement des palpeurs actionnent à leur tour les aiguilles des heures et des minutes qui donnent alors au cadran l’heure juste.

Aikon Mercury © Maurice Lacroix
Aikon Mercury © Maurice Lacroix

Dans un monde imparfait où tout semble vouloir contrecarrer les plans des horlogers, un certain nombre d’entre eux a su « détourner » les lois de la physique pour offrir des produits originaux et attractifs. Par une pirouette digne des enseignements de l’aïkido – un sport où l’on apprend à tirer profit de la force de l’adversaire –, ils sont parvenus à faire sortir leurs créations du lot. De quoi réjouir le Grand Horloger qui régit les lois de l’univers !

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