Quelle montre pour Monsieur Muscle ?

La première femme à traverser la Manche à la nage en 1927 était sténotypiste. La détermination de Mercedes Gleitze conquit le fondateur de Rolex, Hans Wilsdorf. Il lui mit une Oyster à disposition pour tester sa résistance. La montre de sport était née.
Et si le métier de sténotypiste est en voie de disparition, les femmes et les hommes comme Mercedes Gleitze existent toujours. Le fait est qu’il est sans doute peu aisé de caler la traversée de la Manche dans une journée de travail. Mais les horlogers ont bien compris que l’exploit désormais, c’est le quotidien. Si l’Oyster a gagné ses lettres de noblesse dans l’eau salée, calibrée pour la haute mer, elle a aussi son utilité entre midi et 14 heures à la piscine municipale, ou dans une salle de réunions. C’est presque une image d’Épinal aujourd’hui : un homme actif en costume trois-pièces regarde l’heure à sa montre… À son poignet, une montre de sport.

D’utilitaire à statutaire

Comment en est-on arrivé là ? La montre de sport a gagné ses lettres de noblesse grâce aux aventuriers au long cours et aux explorateurs : le commandant Cousteau lors de son odyssée Le Monde du silence (Blancpain), Scott Carpenter en orbite autour de la Terre à bord de la capsule Aurora 7 (Breitling), la cordée des alpinistes italiens Lino Lacedelli et Achille Compagnoni sur le K2 (Vulcain), Neil Armstrong à l’occasion de son premier pas sur la lune (Omega), James Bond en mission pour… non, pas James Bond, erreur de casting ! Le XXe siècle regorge en fait des récits de scientifiques passionnés partis à la conquête des pôles, de l’espace, du désert, des cimes. Ces exploits aux confins du monde ont nourri l’imaginaire de milliers de personnes et permis aux horlogers d’y associer leurs garde-temps et donc de gagner en crédibilité. D’un point de vue global, les garde-temps nés à cette période symbolisent le progrès technique, la recherche de l’excellence, l’esprit d’innovation et de découverte.

Au fils des ans, cette prestigieuse plus-value a rendu la montre de sport digne d’intérêt. L’évolution des modes de vie a ensuite contribué à son succès auprès du plus grand nombre. Il faut y voir la conjonction d’au moins deux phénomènes : ces modèles renvoient autant au sport de masse qu’à la compétition de haut niveau. De plus, nous avons assisté ces dernières années à l’explosion de nouvelles manifestations sportives populaires (trails, Color Run, Frappadingue…) pendant que la starification des sportifs battait son plein. Enfin, l’activité physique, un « must » en ces temps de vie saine, est devenue une préoccupation majeure. Chronos, montres de plongée et autres instruments de mesure du temps dédiés aux pilotes ont donc trouvé un chemin légitime jusqu’aux poignets de Monsieur et Madame Tout-le-Monde.

L’association de l’esprit sportif et d’une attitude « cool » est par ailleurs un duo gagnant côté style et ce, depuis longtemps. Dès 1920, Coco Chanel et Jean Patou libèrent le corps grâce à des vêtements plus amples. À partir des années 1960, l’esprit sportif quitte les stades pour rejoindre la rue. Puis, dans les années 2000, des marques comme Adidas entament des collaborations régulières et pointues avec la mode. En 2017, tout est dans la nuance, une sorte d’hybridation
 : une paire de baskets avec un smoking, un sweat à capuche sur une robe de soirée. On observe le même mix en horlogerie. Ainsi, des hommes d’affaires portent des montres de plongée sous leur costume trois-pièces, telles la montre Blancpain Fifty Fathoms Bathyscaphe Chronographe Flyback Ocean Commitment II (BOC II) ou la Rolex Sea Dweller 1967.

On remarque aussi une recrudescence des montres de pilote dans les rangs. À qui s’adressent ces pièces ? Aux gentlemans drivers : TAG Heuer Carrera Calibre 16 Day-Date Chrono Black titanium. Aux passionnés de sports mécaniques : Chopard Mille Miglia 2017 Race Edition. À ceux qui affectionnent les designs vintage : Oris Chronoris Date, Montblanc TimeWalker Chronograph Automatic. Mais aussi à une longue liste de personnes qui désirent posséder une montre chic et choc leur permettant de soigner une attitude souple et dégagée, bien davantage qu’une complication classique. Et puis il y a ce plaisir coupable : énumérer et détailler par le menu les fonctions proposées par sa tocante. Ainsi, l’échelle tachymétrique, le chronomètre superlatif de – 2/+ 2 secondes par jour, la valve à hélium, la lunette tournante graduée unidirectionnelle, les poussoirs « champignons », la minuterie, l’étanchéité à 1 220 mètres… Quid de l’utilité de la chose ? Se muscler le cerveau, pardi !