>SHOP

restez informés

Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle pour recevoir des infos et tendances exclusives

Suivez-nous sur toutes nos plateformes

Pour encore plus d'actualités, de tendances et d'inspiration

Raffineur d’or, métier à haut risque
Economie

Raffineur d’or, métier à haut risque

lundi, 2 novembre 2020
fermer
Editor Image
Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

Lire plus

CLOSE
7 min de lecture

L’été a de nouveau été chaud du côté des compagnies actives dans la filière de l’or, pointées du doigt pour le manque de contrôle sur l’origine douteuse de certains minerais. Le récent Basel Gold Day du professeur Mark Pieth faisait le point sur la question. Le rôle des raffineurs d’or en deuxième partie.

En matière d’or, le discours entre les ONG actives sur le terrain et les réponses officielles des acteurs concernés relèvent généralement du grand écart sémantique. On en a eu une ultime démonstration en juillet dernier, à la sortie de deux rapports sur les relations d’affaires entre raffineurs helvétiques et leurs fournisseurs à Dubai, dont une partie du minerai proviendrait de zones à risque au Soudan, voire en Afrique centrale. Dans son étude extrêmement détaillée, Swissaid met en lumière les liens entre certaines raffineries suisses certifiées par le standard international des bonnes pratiques de la branche et des sociétés émiraties « aux usages douteux et aux approvisionnements liés à de l’or des conflits ». Le constat est identique du côté de Global Witness, dont l’analyse se penche sur les mêmes chaînes d’approvisionnement. La réponse des principaux intéressés ne s’est pas fait attendre sous la forme d’un démenti formel avec les précisions d’usage quant aux audits effectués sur leurs activités par la London Bullion Market Association (LBMA), autorité mondiale de régulation des raffineurs d’or et d’argent.

Les « mystères » de l’or

Inutile de dire que ce type de soupçons n’est guère propice à la réputation d’un secteur qui pèse son pesant d’or en terre helvétique. Représenté par l’Association suisse des fabricants et commerçants de métaux précieux (ASFCMP), celui-ci emploie quelque 1’500 personnes et compte parmi ses 14 membres 5 raffineries certifiées par la LBMA par lesquelles transite 70 % de l’or mondial. Pour l’année 2019, cela veut dire des importations de 2’100 tonnes de métal jaune pour une valeur de quelque CHF 70 milliards et quasi autant d’exportations d’un or cette fois raffiné. « L’or douteux n’a pas sa place en Suisse ! » s’exclamait son président, Cédric Léger, dans les colonnes du quotidien Le Temps à la sortie des deux rapports de l’été. Un avis largement partagé mais d’autant plus difficile à mettre en œuvre que les chaînes d’approvisionnement de la filière de l’or sont souvent d’une inextricable complexité, surtout quand il s’agit d’en masquer l’origine. Sans parler, pour ce qui est de la Suisse, d’une législation lacunaire et de problèmes aux douanes, qui ont fait réagir le Contrôle fédéral des finances en juin dernier. Résultat : le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) vient d’annoncer une nouvelle classification douanière des différentes catégories d’or qui permettra dès 2021 une meilleure transparence et traçabilité des approvisionnements.

Résultat : le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) vient d’annoncer une nouvelle classification douanière des différentes catégories d’or qui permettra dès 2021 une meilleure transparence et traçabilité des approvisionnements.

Cette mesure a été largement saluée par l’ASFCMP, qui rappelait, à cette occasion, la collaboration étroite qu’elle entretient avec les autorités afin d’améliorer les réglementations, normes et mesures volontaires internationales dans des domaines comme la qualité, la protection de l’environnement, la biodiversité, les droits de l’homme, la corruption ou les respects des obligations légales. Ses membres sont-ils pour autant libérés de toutes critiques ? En tout état de cause, lors du récent Basel Gold Day du professeur Mark Pieth, les raffineurs étaient à nouveau sur la sellette avec un Christopher Wiedmer de la Société pour des peuples menacés pour mener la charge. « Il est vrai que, depuis nos premières campagnes de sensibilisation il y a huit ans, nous assistons à une prise de conscience et à une demande accrue pour un “or meilleur”, expliquait-il. Mais quelle que soit l’origine de l’or, il n’y a pas d’endroit exempt d’atteintes à l’environnement et aux droits sociaux. » Et la SPM d’éreinter au passage l’initiative du Seco : « Malheureusement, cette mesure ne changera rien en matière de transparence dans le commerce de l’or : le mystère autour de l’origine de l’or transformé dans les raffineries suisses restera entier ! »

Efforts de transparence

Difficile dans ce contexte de faire entendre sa voix. Et pourtant, c’est ce à quoi s’est employé Christoph Wild, CEO d’Argor-Heraeus, l’une des plus importantes raffineries établies en Suisse : « En matière de traçabilité de l’or, la réalité est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, disait-il. On parle en effet beaucoup d’extraction artisanale d’or dans les zones de conflit ou en toute illégalité, mais qu’en est-il de l’or recyclé ? Dans le même esprit, on parle beaucoup de la responsabilité des raffineurs, qui est certes bien réelle vu leur rôle central dans la chaîne d’approvisionnement, mais cela n’exclut pas celle des banques, de l’industrie ou encore des sociétés électroniques. Sans parler de la multiplicité des réglementations, principes d’autorégulation et autres rapports de surveillance des ONG qui tentent d’encadrer la filière. Dans un monde parfait, tous les acteurs prendraient leurs responsabilités si bien que la segmentation du marché ne serait pas un handicap. Mais si tout le monde ne joue pas le jeu, la traçabilité se révèle impossible. Il n’y aura donc pas de solutions autres que celles à trouver tous ensemble. »

Il y a des raffineries et des juridictions où nous ne pouvons pas intervenir.
Susannah McLaren

La LBMA semble avoir entendu le message, elle qui vient d’éditer son premier rapport annuel sur un approvisionnement responsable (Responsible Sourcing Annual Report). « Ce rapport est tout nouveau et il traduit les efforts considérables réalisés pour obtenir davantage de transparence tout au long de la filière de l’or, précisait Susannah McLaren, qui pilote de programme Responsible Sourcing auprès de la LBMA. C’est par exemple la première fois que nous publions les statistiques de raffinage par pays d’origine des membres qui remplissent notre standard de bonne pratique. Statistiques qui sont différenciées selon qu’il s’agit d’or recyclé ou d’or extrait de mines artisanales ou industrielles. L’objectif est d’inspirer confiance sur le marché, en sachant que nous n’y parviendrons pas seuls. En sachant également qu’il y a des raffineries et des juridictions où nous ne pouvons tout simplement pas intervenir. » En matière d’approvisionnement d’or éthique, tout reste à faire là où des progrès substantiels ont été réalisés. C’est selon…

Contenu en relation
La formation Gold Essentials de la FHH
La formation Gold Essentials* permet de comprendre les enjeux liés à l’or. Les formations développées par la FHH Sustainability ont vocation à soutenir l’industrie horlogère et joaillière dans une démarche d’amélioration continue avec une vision : la connaissance apporte la compétence.

*1ère session de Gold Essentials en français : les 3, 8, 10 décembre 2020 sur Zoom. Session anglaise en 2021.
Inscriptions : https://www.eventbrite.fr/e/billets-gold-essentials-formation-zoom-124100226117?aff=ebdssbeac
Renseignement : isabelle.hildebrand@hautehorlogerie.org

Haut de page