En matière horlogère, les définitions sont souvent sujettes à discussion. Le terme « complication », pour commencer, ne fait pas toujours l’unanimité. Généralement, on admet que cette notion recouvre toute fonction qui s’ajoute à l’indication des heures, minutes et secondes. Stricto sensu, un remontage automatique ou tout autre dispositif mis en œuvre pour réduire les écarts de marche dans les positions verticales comme un tourbillon ou un carrousel ne sont donc pas des complications car ils ne donnent aucune indication supplémentaire. Et pourtant, combien de fois n’a-t-on pas entendu dire que le tourbillon était la complication reine de l’horlogerie. Dans le même ordre d’idée, que doit-on comprendre par « grande complication ». Là également, un consensus semble admettre qu’une telle montre devrait intégrer conjointement trois fonctions : à signal sonore, à indications astronomiques et pour la mesure des temps courts. Dans sa configuration classique, une montre à grande complication serait ainsi dotée d’une répétition à minutes, d’un quantième perpétuel et d’un chronographe. Et le tourbillon dans tout cela ? Encore un casse-tête à résoudre qui montre bien qu’en horlogerie, les termes sont souvent galvaudés et manquent de… précision.
Des sonneries qui font « tilt »
En tout état de cause, Cartier ne fait pas la distinction avec sa Rotonde Grande Complication Calibre 9406 MC qui aura nécessité 5 ans de développement et représente 15 semaines de fabrication, 10 semaines de décoration et de finition, 5 semaines d’assemblage. « Le résultat se mesure en millimètres, explique la Maison, soit 5,49 mm de hauteur pour un mouvement squelette extra-plat à remontage automatique de 578 composants qui réunit trois des complications les plus prestigieuses : un quantième perpétuel, une répétition à minutes et un tourbillon volant. De toutes les montres Cartier, celle-ci est la plus complexe. »
Même degré de complexité avec cette Jaeger-LeCoultre Master Grande Tradition Grande Complication qui intègre, outre les heures et minutes, un tourbillon volant orbital avec carte céleste, une répétition à minutes sur timbres cristal cathédral et une indication 24 heures du zodiaque avec jours et mois. Explications de Jaeger-LeCoultre concernant cette montre « astronomique » : « La révolution antihoraire du tourbillon volant en 23 heures, 56 minutes et 4 secondes est un spectacle fascinant. Le tourbillon se déplace autour du cadran, auquel il est fixé, comme une capsule suspendue dans la stratosphère. Afin de mettre pleinement en évidence l’aspect astronomique de la mesure du temps, le tourbillon n’indique pas le passage de l’heure civile mais celui de l’heure sidérale, l’unité que les astronomes utilisent pour suivre la trajectoire des corps célestes. »
Pour rester dans la complexité des montres à sonnerie, à noter la Royal Oak Concept RD#1 d’Audemars Piguet, probablement l’une des répétitions à minutes les plus audibles de l’histoire de la montre-bracelet. Un garde-temps né d’un projet de recherche et de développement lancé en collaboration avec l’École polytechnique fédérale de Lausanne en 2006. À cette prouesse répond celle de A. Lange & Söhne dont la Zeitwerk Répétition à Minutes marie pour la première fois un affichage mécanique par chiffres sautants et une répétition à minutes décimale. En d’autres termes, le porteur entend exactement ce qu’il voit sur son cadran lorsqu’il déclenche la sonnerie à trois tons par poussoir. On retrouve d’ailleurs un même type d’affichage sur le cadran de la Portugaise Calendrier Perpétuel Digital Date et Mois Édition 75e Anniversaire d’IWC. « Le calibre 89801 de ce garde-temps concentre toutes les compétences de la manufacture, explique la Maison : un calendrier perpétuel avec indication des années bissextiles, un mécanisme sautant pour l’affichage des grande date et mois, ainsi qu’un chronographe avec fonction flyback. »
Valse des tourbillons
Reste que le tourbillon garde tout son pouvoir de séduction. Intégré dans un mouvement squelette extra-plat permettant à la Piaget Emperador Coussin 1270S de battre un nouveau record de finesse dans sa catégorie avec ses 8,85 mm d’épaisseur. Incliné à 25° pour une rotation en 24 secondes chez Greubel Forsey qui signe avec ce Tourbillon 24 Secondes Vision sa troisième invention présentée cette fois côté fond dans un dôme en saphir. Décliné dans une version à spiral cylindrique chez Montblanc dont la Villeret Tourbillon Cylindrique Geosphères Vasco da Gama et ses trois fuseaux horaire offre le fascinant spectacle d’une heure universelle via deux globes rotatifs représentant les deux hémisphères.
Tourbillon toujours, dédoublé chez Roger Dubuis qui, avec son Excalibur Spider Double Tourbillon Volant Squelette, affirme avec force son indomptable caractère. Bucolique enfin au sein de la RM 19-02 Tourbillon Fleur de Richard Mille qui, encore une fois, émerge là où on l’attend le moins. Située à 7 heures, une fleur de magnolia enlace de ses 5 pétales façonnés et peints à la main le tourbillon volant. « Fonctionnant au gré des minutes ou sur demande en utilisant le poussoir à 9 heures, le magnolia s’ouvre et se referme au rythme régulier d’un délicat ballet cinétique », explique la marque. Comble du raffinement : l’ouverture totale du tourbillon volant et de son « étamine sertie » s’accompagne de leur élévation d’un millimètre, exactement comme le mouvement d’éclosion d’une fleur pour optimiser ses chances de pollinisation. Inutile de dire que les querelles de terminologie n’ont plus guère de sens à ce niveau de « complication ».