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Tentacules de grâce
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Tentacules de grâce

vendredi, 19 février 2016
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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7 min de lecture

Qu’il soit serti ou satin, maillé ou émaillé, Nato, croco ou électro, le bracelet n’est plus le parent pauvre des Maisons horlogères. La créativité descend du cadran au poignet. Et pour mieux séduire, elle prend les atours des grands noms de la mode.

Au Salon International de la Haute Horlogerie, les gens ne se regardent pas dans les yeux, du moins pas tout de suite. Les premiers regards, d’emblée insistants, obliquent généralement vers les poignets, question de jauger son interlocuteur. Mais lors de son édition de janvier dernier, curieusement, le champ visuel des visiteurs se concentrait un cran plus bas, vers les chaussures des passants. Comme si une invasion de semelles rouge vif était attendue, en sachant qu’il s’agit là de la signature distinctive de Christian Louboutin. Quel rapport entre le créateur bien connu de sacs et chaussures et la grand-messe de la Haute Horlogerie ? Les initiés du Salon le savaient bien : pour le 85e anniversaire de son emblématique Reverso, Jaeger-LeCoultre a en effet invité Christian Louboutin à participer au lancement de son Atelier Reverso. Ce nouveau service, qui permet aux clients de la marque de personnaliser leur montre, proposera ainsi durant toute l’année des bracelets portant la griffe du pape de l’escarpin. Pourquoi les afcionadas n’auraient-elles donc pas pris les devants en arpentant les travées du SIHH tout de rouge chaussées ? Daniel Riedo, CEO de Jaeger-LeCoultre, n’a pas hésité un seul instant à montrer l’exemple.

L’Atelier Reverso permet de choisir son bracelet, dans une multitude de tonalités raffinées et de matières - veau, alligator, autruche et satin.

Cette passion pour les maîtres bottiers au sein de la gent horlogère ne date pas d’hier. On se souvient en effet qu’en 2011 déjà IWC avait ouvert la voie en dévoilant son partenariat avec Santoni, le Titien du brodequin italien. La démarche a fait des émules. Lors du dernier SIHH, Jaeger-LeCoultre n’était ainsi pas la seule Maison à ouvrir l’univers du bracelet aux grands noms de la maroquinerie. En ce mois de janvier, Roger Dubuis inaugurait ainsi une nouvelle ligne Velvet by Massaro, dont le premier modèle a été réalisé en hommage à Rita Hayworth. Mots d’ordre de l’horloger : « L’idée était de transposer l’art de la chaussure au poignet à travers une ligne instantanément identifiable et tout à fait originale. Or, argent, plumes, perles, motifs tissés, costumes de cinéma… mais pas de strass ni de paillettes. » Il en résulte une montre sertie, caractéristique de la gamme Velvet, dont le clou est « évidemment son bracelet Haute Couture en cuir plissé qui évoque la beauté, l’élégance et l’originalité que Roger Dubuis partage avec le maître chausseur parisien ». La Maison n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai. On se souvient en effet que l’an dernier elle avait déjà présenté une ligne Velvet Haute Couture, soit une trilogie travaillée au niveau du bracelet avec des spécialistes en passementerie, des maroquiniers revisitant la corsetterie et des experts fourreurs.

En 2015, Roger Dubuis présentait une trilogie Velvet Haute Couture dont cette Corsetry inspirée de la lingerie féminine.
Approche iconoclaste

Dès que la montre est passée de la poche au poignet, au début du xxe siècle, pour devenir d’abord et avant tout un instrument utile, les bracelets ont surtout répondu à ce besoin de fonctionnalité. La montre d’aviateur réalisée par Vacheron Constantin en 1903 ou la Santos de Cartier apparue un an plus tard cèdent ainsi à des exigences de pragmatisme, tout comme le feront les garde-temps militaires qui ont largement contribué à « démocratiser » la montre-bracelet. La quête d’esthétisme ne s’est imposée que bien plus tard, dans le sillage des montres féminines qui, rappelons-le, ont été les toutes premières à s’afficher au poignet, à l’instar de la Reine de Naples réalisée en 1810 par Abraham-Louis Breguet.

Mais qui dit « pratique » ne veut pas nécessairement dire « banal ». Le bracelet Nato, du nom de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Otan/Nato en anglais), en offre un excellent exemple. Apparus en 1973, à la suite d’une demande du ministère de la Défense britannique pour un bracelet solide, résistant à l’humidité en climat tropical et sans reflet, ils offrent aujourd’hui un magnifique terrain d’expression étant donné qu’il s’agit de rubans tissés. Tudor, notamment, en a bien compris tout le potentiel pour s’être associé dès 2009 à l’entreprise française Julien Faure, qui travaille à l’ancienne. Christophe Chevalier, porte-parole de la marque, déclare : « Aucune autre maison du luxe n’avait à ce moment-là cette approche somme toute un peu iconoclaste. Nous souhaitions anoblir ce bracelet grâce au raffinement des tissages. » Pari tenu, le bracelet Nato fait depuis partie de la nouvelle signature Tudor, qui a par exemple déjà présenté un bracelet de soie noire façon smoking à 640 fils entrelacés, la limite machine chez Julien Faure, qui aura nécessité six mois pour sa conception.

En 2009, Tudor s’emparait des bracelets Nato pour en faire un nouveau champ d’expression privilégié comme pour cette Monte Carlo.
Métiers d’art aussi

De là à conclure que le bracelet n’est plus un simple faire-valoir, le pas est vite franchi. Il est désormais clairement mis en exergue comme un composant essentiel des nouveaux modèles présentés chaque année par les Maisons. Vacheron Constantin, qui revisite en 2016 sa gamme Overseas, offre ainsi l’ensemble de cette gamme avec trois bracelets interchangeables à l’envi, boucle déployante comprise. Pour ce faire, les ingénieurs de la manufacture ont développé un système d’attache aussi pratique qu’ingénieux. La preuve que les départements de recherche horlogers se penchent également sur cet élément essentiel de l’habillage, comme le démontre le bracelet Oysterflex de Rolex, une alternative sportive au bracelet métallique qui équipe la Yacht-Master présentée l’an dernier. Par souci de solidité et pour éviter tout arrachage intempestif au cas où la montre se prendrait dans un hauban – on ne sait jamais ! –, ce premier bracelet en élastomère de la marque est surmoulé sur des inserts métalliques souples en alliage de titane et nickel allant des pompes de la boîte à celles du fermoir de sécurité. Au final, cet Oysterflex breveté offre souplesse et robustesse, agrémentées de « coussins » latéraux souples sur la face interne du bracelet pour un confort maximal. Du grand Rolex avec le soin du détail.

Le bracelet Oysterflex de la Rolex Yacht Master 40 présenté en 2015 a été breveté à la suite du travail de recherche et développement de la manufacture.

L’innovation ne s’exprime d’ailleurs pas uniquement en termes techniques. Après avoir pris possession des cadrans horlogers, les métiers d’art ont également étendu leurs tentacules vers les liens de la montre. Et l’on ne parle évidemment pas uniquement de sertissage. Sur certains modèles, le bracelet aurait même tendance à occulter la montre elle-même comme étant son plus bel atour. En redonnant vie à sa Montre Tradition Ovale l’an dernier, Piaget en profitait pour mettre en avant sa maîtrise du travail de l’or blanc, « qui s’incarne dans la beauté de son bracelet délicatement façonné. Élégante finition de gravure à la main, le décor “palace” offre un effet presque iridescent, comme un ruban de soie sauvage qui enlace à merveille le gable du poignet. La multitude de maillons assemblés créent un effet d’une grande finesse, où chaque pièce est travaillée avec précision, pour former un “tissu” d’or d’une légèreté incomparable ». Ces accents lyriques sont repris cette année pour magnifier le bracelet de la Limelight Gala, qui se présente en maille milanaise d’or pour jouer « l’accord parfait avec la lunette aux cornes asymétriques allongées serties de diamants ». Une osmose comme on en redemande.

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