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Vianney Halter ou la passion de l’ancien
Actualités

Vianney Halter ou la passion de l’ancien

vendredi, 20 juin 2008
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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6 min de lecture

A peine a-t-on pénétré dans la manufacture Janvier à Sainte-Croix que l’on comprend immédiatement le culte voué par le maître de céans à l’horlogerie faite à l’ancienne, non sans quelques concessions aux technologies modernes. Visite guidée.

La manufacture Janvier, sise à Sainte-Croix (Vaud), bâtisse industrielle du milieu du siècle dernier quelque peu isolée au bout du village, pourrait très bien passer inaperçue aux yeux du commun des mortels. Mais pour tout passionné de garde-temps, y pénétrer, c’est comme se plonger dans l’antre d’un inconditionnel de la mécanique faite à l’ancienne. La référence à Antide Janvier, célèbre horloger français du XVIIIe siècle, n’a d’ailleurs rien de fortuit. Pour le maître de céans Vianney Halter, son statut relève d’une seule et unique évidence : « si je suis venu à l’horlogerie, c’est par passion de l’ancien », déclare-il d’emblée. Ses débuts ont ainsi été marqués par la restauration de pièces anciennes dans la capitale française, avant de rejoindre la Suisse, appelé par son ami François-Paul Journe. « A Paris, je travaillais avec presque rien, poursuit-il, car l’héritage horloger et le savoir-faire industriel avait disparu. En Suisse, j’ai découvert qu’il était encore possible de nourrir quelque espoir. »

Trio Grande Date © Vianney Halter
Trio Grande Date © Vianney Halter
Un outillage industriel datant de l’âge d’or

Son installation à Sainte-Croix relève de cette quête de tradition, Sainte-Croix a été un centre mondialement reconnu au milieu du siècle dernier pour son expertise dans la fabrication de boîtes à musique dont Reuge est encore aujourd’hui le digne représentant. Lorsqu’il y prend ses quartiers il y a une quinzaine d’années, les entreprises de la région peinent à survivre à la crise industrielle qui a frappé le monde de la sous-traitance suite à la déferlante du quartz dans les années 80. Certaines d’entre elles n’évitent d’ailleurs pas la faillite. Pour Vianney Halter, c’est l’occasion unique de se doter d’un outillage des plus performants mais que plus personne ne veut alors que point l’ère de la commande numérique et de l’automatisation. Pour équiper son atelier naissant, c’est donc par bennes entières que l’horloger récupère des tours, pointeuses, fraiseuses, décolleteuses, machines à côtes de Genève qui partaient tout droit à la casse. « Nous nous retrouvons ainsi avec des outils datant de la deuxième moitié du XXe siècle et qui représentent l’aboutissement de la machinerie héritée des anciens, expose Vianney Halter. En d’autres termes, il s’agit de la dernière génération de machines-outils provenant directement de l’âge d’or horloger avant que la production de masse ne prenne le relais avec ses nouvelles contraintes. Avec de tels outils, il n’est tout simplement pas imaginable de faire dans le médiocre. »

Chez Vianney Halter, cet attachement au tour de main à l’ancienne ne se traduit pas seulement par l’équipement de nos grands pères mais également par un soin tout particulier apporté à la finition des composants, tous issus de la manufacture. Finition faite à la main, même sur les pièces à peine discernables à l’œil nu. Une bonne partie des locaux sont ainsi occupés par des spécialistes de l’anglage, du perlage, du radiage, du polissage… « Si l’on fait des erreurs, ce sont des heures de travail qui sont perdues, rapporte le maître horloger. Mais le résultat obtenu donne une vision des pièces que l’on ne peut tout simplement pas obtenir en machine. C’est un ensemble de petites touches qui révèle ainsi notre approche du produit consistant à aller toujours plus loin, vers un concept horloger que peu de professionnels, finalement, atteindront. Avec une telle démarche, nous nous trouvons évidemment à l’opposé de la course au profit qui envahit notre métier. »

Classic Heure Minute Seconde © Vianney Halter
Classic Heure Minute Seconde © Vianney Halter
Mariage de l’ancien et du moderne

Mais si la manufacture Janvier se veut le gardien du temple horloger, il n’est pas question de fermer la porte aux nouvelles technologies. La lecture optique, les logiciels de conception par ordinateur et même la commande numérique, adaptée par Vianney Halter lui-même à ses anciennes machines, ont fait leur entrée dans les ateliers. « Nous ne sommes pas à ce point obtus pour nous couper de ces supports, commente-t-il. Je me souviens avoir réalisé mes premières montres entièrement en trigonométrie. Ce qui m’a permis de comprendre les capacités de calculs des anciens horlogers. Maintenant, je dispose d’un outil informatique. Cela dit, ces outils auraient tendance à nous faire croire que nous sommes intelligents et que l’on peut aujourd’hui réaliser n’importe quoi. Le problème, c’est qu’à côté de pièces remarquables, on voit effectivement n’importe quoi. Et l’on essaie de nous faire croire qu’il s’agit là d’exploits technologiques ! C’est pourquoi, dans la formation que je dispense, il est essentiel de marier la technologie de pointe avec le savoir-faire des anciens afin de préserver le passé et de comprendre d’où l’on vient. »

Cette approche de l’horlogerie conçue comme un art en soi, Vianney Halter la partage avec quelques maîtres de la profession, notamment réuni au sein de Time Aeon : « Cette association nous permet de nous exprimer, de partager notre vision commune d’un métier qui plonge ses racines dans le passé et de lui donner d’avantage d’écho. La tendance actuelle dans l’industrie horlogère est de laminer ces origines pour mieux mettre en avant les aspects liés aux nouvelles technologies. En d’autres termes, le dynamisme exceptionnel que connaît la profession fait oublier l’histoire et encourage la course au profit. Or l’histoire est faite de paliers, de hauts et de bas, ne l’oublions pas. Le problème, c’est que de nos jours, on voit des montres qui ne sont plus des montres, faites de matériaux comme le bronze totalement contraires aux principes horlogers en raison de son oxydation et commercialisées par des gens qui ne sont pas des horlogers. Quant à moi, si j’exerce ce métier, ce n’est assurément pas pour marcher sur la tête de mes prédécesseurs ! »

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