Le Mahatma Gandhi était si attaché à sa Zenith que lorsqu’il se la fit dérober en 1947, il fit aussitôt paraître une annonce demandant au voleur de la lui rapporter : « Elle est dotée d’un cadran radium et d’une fonction réveil. C’était un cadeau », mentionnait le mot. Et la démarche porta ses fruits : prise de remords, la crapule rendit la montre. Cette anecdote – et beaucoup d’autres – est à lire dans l’ouvrage Des montres et des hommes, un roman graphique d’un genre un peu particulier qui vient de paraître. Il convoque en effet 12 personnages historiques du XXe siècle, afin de dévoiler les relations, parfois truculentes, qu’ils entretenaient avec leur garde-temps. Une manière de raconter « la petite histoire des montres à travers la Grande Histoire des Hommes », selon l’expression de l’auteur des textes, l’expert en horlogerie et commissaire-priseur Geoffroy Ader. Son épouse, l’illustratrice Neis, signe quant à elle les nombreux dessins des protagonistes, de Charles de Gaulle à Henry Graves, en passant par Kennedy et Elvis Presley.
Un observateur expérimenté
Cela fait presque 25 ans que Geoffroy Ader voit passer des montres anciennes sous son marteau. D’abord à Drouot, à Paris, puis chez Antiquorum et Sotheby’s, à Genève. Mais ce passionné d’horlogerie a fini par s’éprendre également d’histoire. Car si les propriétaires d’origine des lots mis à l’encan étaient souvent anonymes, certains n’en étaient pas moins célèbres. En 2014, il assiste ainsi en coulisse à une vente aux enchères retentissante : la Patek Philippe « Henry Graves », une supercomplication du nom de l’industriel américain qui la commanda en 1933, adjugée pour 23,2 millions de francs, commission comprise. Un record jamais égalé. Lui-même dispersera par exemple la Patek Philippe du comte Trossi, premier manager de la Scuderia Ferrari ; ou la Rolex de Konrad Adenauer, premier chancelier de la République fédérale d’Allemagne ; ou encore la Breguet à complications de lord Seymour. « C’est ainsi, très naturellement, qu’est née l’envie de raconter l’histoire de ces montres », explique Geoffroy Ader.
Ce type d’ouvrage donne la même importance au texte et au dessin. En même temps, cette approche casse les codes, c’est une autre manière de parler d’horlogerie.
Mais plutôt que d’écrire un livre de plus sur le sujet, le commissaire-priseur se tourne vers son épouse Inès, plus connue sous son nom d’illustratrice, Neis. Travaillant pour la presse, l’édition et le marketing, elle s’est spécialisée dans la conception de romans graphiques, à cheval entre la bande dessinée et le récit pur. « Ce type d’ouvrage donne la même importance au texte et au dessin, explique-t-elle. En même temps, cette approche casse les codes, c’est une autre manière de parler d’horlogerie. » « Une manière très démocratique, qui s’adresse au plus grand nombre », renchérit Geoffroy Ader.
Bientôt les femmes
Sur quelque 70 pages rythmées par des codes couleurs, les auteurs évoquent ainsi le rapport au temps, les caprices horlogers ou encore l’originalité des montres de 12 célébrités. Comme cette Omega extra-plate en or, sur le fond de laquelle fut gravé « President of the United States » et qui fut offerte par un ami et partisan à John Fitzgerald Kennedy… un an avant son investiture à la présidence. Ou cette Patek Philippe d’Andy Warhol, qu’il arborait sans pourtant prendre la peine de la remonter. « Je ne porte pas une montre pour qu’elle me donne l’heure, mais parce que c’est la montre à porter », disait-il. Collectionneur compulsif, le roi du pop art laissa à sa mort des milliers d’objets, dont passablement de montres, que Sotheby’s mit 10 jours à disperser.
Édité en français, Des montres et des hommes le sera aussi prochainement en anglais. Avant, si tout se passe bien, la sortie d’un second opus, dédié cette fois-ci aux femmes. L’ouvrage est disponible sur Amazon et sur le site aderwatches.com.