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La durabilité, modèle d’affaires de demain
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La durabilité, modèle d’affaires de demain

jeudi, 22 septembre 2022
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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11 min de lecture

Lors du Watch Forum, événement organisé avec succès le 13 septembre 2022 par Watches and Culture, le développement durable a été au centre de cette journée d’étude, d’échanges et de discussions. Une thématique qui appelle à la transparence, à l’honnêteté et à la responsabilité des entreprises.

« C’est immanquable ! Chaque fois que l’on parle d’horlogerie, Genève est content. Mais cet enthousiasme ne doit pas nous faire oublier les questions environnementales. Des questions désormais au cœur de l’actualité, comme nous avons pu clairement le constater cet été avec les effets du changement climatique qui se font sentir partout, même en Suisse. Il nous faut donc agir. Agir vite et surtout changer nos modes de vie, nos modes de production, nos modes de vente. » C’est avec cette injonction de Sami Kanaan, membre du conseil administratif de la Ville de Genève, que le Watch Forum a ouvert sa journée du 13 septembre. Mis sur pied par Watches and Culture et destiné aux professionnels de l’horlogerie, cet événement avait pour but d’aborder la thématique du développement durable et ses multiples aspects au travers de panels de discussion réunissant experts scientifiques, conseillers en management, représentants des organisations non gouvernementales, responsables durabilité et CEOs des Maisons horlogères. « Nous sommes en effet rassemblés pour cette première édition du Watch Forum afin de partager nos expériences, de faire ressortir les meilleures pratiques, de susciter les échanges et les collaborations qui nous permettront de voir plus loin, annonçait Pascal Ravessoud, co-Directeur de Watches and Culture. Le but est de sensibiliser l’industrie horlogère aux questions liées au développement durable et d’inciter à l’action. »

Pascal Ravessoud co-directeur de Watches & Culture / Crédit photo © Loïc Herin

Si Genève, un canton où l’horlogerie accapare 25 % des emplois industriels et représente 60 % de ses exportations, comme le relevait la conseillère d’État Fabienne Fischer, est content, c’est que l’horlogerie helvétique, précisément, se porte comme un charme. Sur le premier semestre 2022, les expéditions de produits horlogers suisses sur les marchés étrangers ont enregistré une hausse de 11,9 %, hausse encore confirmée en juillet par une nouvelle progression de 8,3 %, selon les statistiques de la Fédération de l’industrie horlogère suisse. Cette quasi-euphorie de la profession, qui semble bien couronner la récente et magistrale montée en gamme de l’ensemble de la branche vers l’univers du luxe, se nourrit en outre d’un modèle d’affaires tourné vers le long terme et la pérennité des produits. « L’horlogerie est une industrie de taille très modeste à l’échelle mondiale. Elle produit de petits objets, toujours réparables, conçus pour durer et réalisés pour l’essentiel localement, rappelait Patrick Pruniaux, à la tête d’Ulysse Nardin et Girard-Perregaux. En d’autres termes, son empreinte environnementale reste faible. Malgré tout, ce n’est pas une raison pour ne pas prendre de risques comme nous l’avons fait chez Ulysse Nardin avec de nouveaux matériaux recyclés. »

Quelques bonnes nouvelles

Des risques, justement, il en a été amplement question durant ce Watch Forum, qui s’est attaché à détailler ceux directement liés aux atteintes faites à la planète en raison du réchauffement climatique, de la perte de biodiversité et de la dégradation des océans. Et avec un constat alarmant, largement confirmé par les inondations, canicules, sécheresses et incendies de l’été : la situation se détériore beaucoup plus rapidement que prévu. Les océans, qui se réchauffent et s’acidifient, contiendront d’ici trois décennies plus de plastique que de poisson. À l’heure actuelle, après une perte de 68 % de la biodiversité depuis 1970, un million d’espèces sont en voie d’extinction. Quant au réchauffement climatique, actuellement à + 1,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, il a déjà induit des changements irréversibles avec son lot d’impacts dommageables. Alors, certes, les gouvernements se mobilisent. Les signataires des accords de Paris ont été nombreux à la COP26 de Glasgow l’an dernier à annoncer des plans de décarbonisation tendant au « net zéro » d’ici 2050. « Mais l’implémentation à court terme de ces décisions fait encore largement défaut », précisait Andrew Prag, conseiller senior à l’OCDE. Comme le confirmait Gérard Bos, de l’Union internationale pour la conservation de la nature, « nous avançons beaucoup trop lentement. Or si nous n’agissons pas, le système va s’effondrer ! ».

Watch Forum 2022 / Crédit photo © Loïc Herin

La bonne nouvelle – car il en faut –, c’est que la profession commence à se mobiliser avec son lot de Maisons pionnières en matière de développement durable. Elles étaient d’ailleurs pratiquement toutes là pour témoigner de l’avancée de leurs « travaux ». À commencer par IWC, qui a intégré la durabilité « dans tout ce que nous faisons, selon les termes de Franziska Gsell, Chief Marketing Officer d’IWC et Présidente de son comité de développement durable. Cela fait une dizaine d’années que nous avons commencé à avancer sur ces questions, à nos débuts pour tout ce qui concerne notre chaîne d’approvisionnement. Il est d’ailleurs essentiel d’impliquer l’ensemble de l’organisation dans cette démarche de développement durable. Et cela porte clairement ses fruits. IWC fait ainsi partie des 10 premières entreprises suisses plébiscitées par leurs collaborateurs. Nous sommes 26e au niveau européen. » Même constat chez Oris, qui, en 2021, obtenait le statut « carbon neutral ». « En tant que citoyen, nous avons des responsabilités, expliquait Rolf Studer, CEO de la Maison. Il en va de même pour les entreprises. Finalement, la durabilité est une question d’attitude. »

Loin de la coupe aux lèvres

Avec Panerai et Ulysse Nardin, ce sont les avantages d’une économie circulaire qui ont été mis en avant, notamment chez Panerai, qui a mis en place un réseau d’une dizaine d’entreprises d’accord pour travailler sur des volumes infimes pour la réalisation de la Submersible eLAB-ID™, montre recyclée à 98,6 %. « L’objectif était également d’avancer sur ce projet en toute transparence, exposait Jean-Marc Pontroué, CEO de la Maison. Et d’inciter d’autres marques à solliciter ce réseau pour leurs propres projets, ce qui est aujourd’hui le cas. De notre côté, nous voulons que la totalité de l’acier utilisé pour nos montres soit d’origine recyclée à l’horizon 2025. » Autre projet aux ambitions clairement affichées : la Watch & Jewellery Initiative 2030. Lancée en 2021 par Cartier et Kering, elle réunit à ce jour 25 membres dans le but de créer une industrie de l’horlogerie et de la joaillerie durable, résistante au changement climatique, respectueuse des ressources environnementales et partisane en matière d’intégration. « Tout est encore à faire », lançait Iris Van der Veken, Directrice exécutive de cette initiative. « Mais il ne fait pas de doute que les enjeux auxquels nous sommes confrontés exigent une action mutuelle, poursuivait Marie-Claire Daveu, Chief Sustainability and Institutional Affairs Officer de Kering. En fait, la durabilité n’est plus un choix, elle est devenue un impératif dans la conduite des affaires. »

Reste que si le message est clair, il est encore loin d’être largement entendu. La culture du secret, le manque de transparence, les problèmes de traçabilité et de certification, la diversité inexistante au sein des instances dirigeantes de la profession, les obstacles psychologiques aux collaborations sont quelques-uns des problèmes à surmonter pour que l’horlogerie rejoigne les rangs des bons élèves en matière de développement durable. « Combien est-ce que l’on compte de femmes à la tête de vos Maisons ? questionnait Chiara Condi, consultante et activiste. Deux ou trois ? En tout état de cause, nous savons pertinemment que, pour répondre à la diversité des marchés et des consommateurs, il faut que la diversité soit une réalité au sein même des entreprises et de leurs organes de décision. » « Il n’est aujourd’hui plus question de considérer la durabilité comme un projet mené à bien par tel ou tel département comme on implémenterait un nouveau système informatique, poursuivait Kate Cacciatore, de Figbytes. C’est une thématique qui doit avoir sa place au comité de direction, défendue par des convictions humanistes. » Il en va de même avec le délicat sujet des matières précieuses. « Vous êtes tous d’accord pour condamner le secteur informel des mines artisanales d’or et de diamant, assénait Marcin Piersiak, Directeur exécutif auprès de l’Alliance for Responsible Mining. Et pourtant, il n’est plus question de regarder ailleurs. Nous devons travailler avec ces mineurs et saisir l’opportunité de les intégrer de manière responsable dans les chaînes d’approvisionnement, car ils sont tout simplement incontournables dans l’extraction minière. »

Beau et propre

Comme facteur encourageant, il est à relever que les outils existent, notamment en termes de collecte de données mesurables, indispensables pour avancer sur le chemin de la durabilité. « C’est précisément ce que nous offrons aux entreprises depuis 2015 avec comme objectif de transposer les accords de Paris en normes mesurables, annonçait McKenna Smith, de la Science Based Target Initiative. Mais cela exige de la transparence dans le but d’obtenir des données fiables et aussi des actions collectives pour être en mesure d’obtenir et quantifier des informations plus difficiles à estimer, notamment pour tout ce qui concerne les émissions carbone du scope 3. » Sans oublier la communauté financière, qui est également en train de comprendre qu’une entreprise socialement et environnementalement responsable dispose d’un avantage compétitif sur la concurrence. Les compagnies engagées dans la voie de la durabilité le reconnaissent d’ailleurs volontiers : la durabilité, c’est bon pour les affaires et, partant, pour l’économie au sens large. Dans ces conditions, il est aujourd’hui question de quitter le domaine émotionnel pour avancer. Les films sur l’extinction des espèces ou sur les initiatives des jeunes qui empoignent leur destin pour changer le monde, c’est bien mais pas efficace. « Pour faire bouger les choses, il n’y a qu’un seul moyen, c’est de faire du développement durable une stratégie business, affirmait Bérangère Ruchat, Chief Sustainability Officer du groupe Richemont. Une stratégie basée sur des données mesurables, étendue à l’ensemble de l’organisation et qui porte sur l’impact des mesures à prendre. » Pour Cyrille Vigneron, Président et CEO de Cartier, la conclusion s’impose : « Le plus beau produit doit aussi être le plus propre ! »

Pascal Ravessoud co-directeur de Watches & Culture / Crédit photo © Loïc Herin

« Transparence, traçabilité, intégration ont été les maîtres-mots de cette journée, qui doit tous nous inspirer pour faire du développement durable notre préoccupation quotidienne », résumait Pascal Ravessoud en guise de conclusion. Avec la volonté de faire de ce Watch Forum une rencontre annuelle incontournable, faite d’échanges et de discussions autour des défis majeurs pour l’industrie horlogère. Cette première édition couronnée de succès a donné le ton. Elle va se poursuivre tout au long des mois à venir sur la plateforme internet de Watches and Culture avec la publication de contenus originaux dédiés à cette même thématique de la durabilité afin d’enrichir le débat et d’inciter à l’action !

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