En l’espace de quelques jours, le secteur horloger dans son ensemble, mais surtout celui de la Haute Horlogerie, s’est vu bombardé d’un flot de nouvelles toutes plus positives les unes que les autres. Comme pour démonter que le ralentissement du secteur prévu par certains pour la seconde partie de l’année n’était pour l’instant qu’une vue de l’esprit. Ce sont d’abord les statistiques des exportations portant sur le mois de mai qui ont donné le ton. Avec une croissance des ventes à l’étranger de montres et composants de 14,6% à CHF 1,5 milliard par rapport au même mois 2007, l’horlogerie suisse est restée confortablement installée sur la tendance haussière qui est la sienne depuis plus de trois ans. Sur les cinq premiers mois de l’année, le niveau des exportations a ainsi dépassé de 15,3% celui des mois de janvier à mai 2007.
Une bonne nouvelle n’allant jamais seule, une analyse plus fine de ces statistiques montre que c’est essentiellement le segment supérieur qui a tiré son épingle du jeu durant la période considérée. « La croissance des exportations horlogères de mai a été soutenue exclusivement par les montres-bracelet de plus de CHF 3’000.- (prix ex usine, ndlr), dont les taux de variations se sont situés aux alentours de 40% ou plus, écrit la Fédération de l’industrie horlogère suisse. Les garde-temps de moins de CHF 200.- ont enregistré une faible croissance, tandis que les produits entre CHF 200.- et 3’000.- se sont inscrits en baisse. » Côté marchés, certains d’entre eux ont affiché des progressions proprement affolantes à l’image de Singapour (+72,1%), des Emirats Arabes Unis (+54,7%), de la Chine (+38,1) et Hong Kong (+23,1%), voire même de la France (+28,4%). Sans surprise, le Japon (-5,9%) est resté dans la zone rouge. Quant aux Etats-Unis, le ralentissement s’y confirme avec une maigre progression de 1,1%.
Record de recrutement
Avec de tels taux de croissance, inutile de dire que la quasi-totalité des Maisons horlogères sont en quête de forces vives et de capacités de production. Ce qui se reflète parfaitement dans le dernier recensement du personnel horloger réalisé par la Convention patronale de l’industrie horlogère suisse (CPIH). Une autre bonne nouvelle pour une activité économique qui ne cesse de courir après son succès. « En 2007, l’industrie horlogère suisse a battu tous les records du point de vue du recrutement de nouvelles forces, expose la CPIH. Ses effectifs ont atteint 48’835 travailleurs, autrement dit presque 4’400 personnes supplémentaires en une année, soit une augmentation de 9,9%. Le nombre d’entreprises a quant à lui progressé de 32 unités ou 5,4%. » Sans surprise, c’est le personnel de production qui a le plus bénéficié de la croissance puisqu’il a absorbé 3’350 personnes supplémentaires pour totaliser 36’515 collaborateurs dans la branche.
Il n’est pas inintéressant de noter que le pic de 2007 représente la plus forte hausse de ces dernières années. « Depuis 1987, année où le seuil le plus bas a été atteint avec 29’800 travailleurs, les effectifs du secteur ont régulièrement remonté la courbe pour atteindre près de 40’000 personnes en 2004, relève encore la CPIH. Cette reprise s’est fortement accélérée depuis lors : en trois ans, près de 9’000 travailleurs ont rejoint les rangs de la branche, soit une hausse de 22%. L’industrie horlogère affiche désormais le même nombre d’emplois qu’en 1980. » Des emplois, de surcroît, de plus en plus qualifiés. Désormais, 10,8% des collaborateurs en production bénéficient d’une formation supérieure et 39% d’entre eux possèdent un diplôme de métier. Les personnes semi ou non qualifiées ne représentent ainsi plus que 40% de l’ensemble des effectifs de la branche.
Un public cible en croissance
La dernière communication qui doit donner chaud au cœur des professionnels de la branche, du moins à ceux actifs dans le haut de la pyramide horlogère, provient du World Wealth Report, une enquête annuelle réalisée par Merrill Lynch et Cap Gemini recensant le nombre de personnes aisées à travers la planète et l’évolution de leur fortune, autrement dit le public cible de la Haute Horlogerie. Le dernier rapport présenté à la fin du mois de juin 2008 montre ainsi que les high net-worth individuals (HNWIs), à savoir les personnes disposant d’un patrimoine supérieur à $ 1 million hors résidence principale, ont vu leur nombre augmenter de 6% en 2007 à 10,1 millions au niveau mondial. Quant à leurs avoirs, ils ont progressé globalement de 9,4% à $ 40,7 billions ou $ 40’700 milliards. La progression est encore plus importante au niveau des ultra-HNWIs qui disposent de réserves financières de plus de $ 30 millions pour s’afficher à 8,8%. Comme le souligne d’ailleurs le rapport, la fortune moyenne de cette population prise dans sont ensemble a pour la première fois dans l’histoire de ce recensement franchi la barre des $ 4 millions.
Avec des économies en pleine expansion et des marchés boursiers qui, pour certains, ont littéralement explosé l’an dernier, ce sont bien évidemment les régions dites émergentes où l’accroissement de cette population aisée a été le plus marquée, soit 15,6% au Moyen Orient, 14,3% en Europe de l’Est et 12,2% en Amérique latine. Au niveau des pays, ce sont l’Inde (+22,7%), la Chine (+20,3%) et le Brésil (+19,1%) qui arrivent clairement en tête, la Russie (+14,4%) faisant également partie des dix nations les plus favorisées au niveau de la création de richesse. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que le groupe des BRICs (Brésil, Russie, Inde et Chine) fasse désormais figure de nouvel eldorado pour la branche horlogère. La crise du « subprime » aux Etats-Unis est-elle maintenant susceptible de ralentir cette course en avant ? Rien n’est moins sûr. Si les économies développées sont belles et bien entrées en phase de ralentissement, rien de tel dans les pays émergents pour qui l’inflation représente actuellement leur principal problème. Les prévisions de Merrill Lynch et Cap Gemini restent ainsi inchangées. Les deux instituts tablent sur une croissance moyenne du nombre de HNWI de 7,7% jusqu’en 2012. Leur fortune devrait alors représenter $ 59’100 milliards. De quoi rassurer les plus pessimistes…