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La montre recyclée, une image à « redorer »
Actualités

La montre recyclée, une image à « redorer »

jeudi, 24 février 2022
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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7 min de lecture

Entre recyclage et surcyclage, la montre sait parfaitement s’adapter aux impératifs écologiques de l’économie circulaire. Pour autant que les Maisons le veuillent bien. Or cette « bonne volonté » ne s’affirme guère.

En matière de développement durable, généralement, les Maisons horlogères sont des plus promptes à relever la moindre de leurs initiatives, ne serait-ce que pour bien montrer qu’elles sont de la partie et que la « cause » est prise au sérieux. Aussi n’est-il pas totalement vain de se pencher sur le rapport « Movement for Better Luxury » de Richemont, qui détaille son engagement en durabilité portant sur son année comptable 2020-2021. Pour ce qui est de son approvisionnement en métaux précieux, on peut notamment y lire que l’ambition du Groupe est de s’approvisionner à 100 % en or répondant aux critères de certification en matière de traçabilité du Responsible Jewellery Council (RJC), qui fait autorité en la matière. Richemont est-il encore loin de ces objectifs ? Certainement pas : « Actuellement, 90 % de l’or fin fourni par le Groupe est de l’or admissible à la certification RJC COC (Chain of Custody), provenant de déchets industriels et de vieux bijoux », explique Richemont. Pour 2022, cette proportion devrait encore augmenter pour passer à 95 %. En d’autres termes, le groupe Richemont a recours presque exclusivement à de l’or recyclé, volontiers qualifié d’« or écologique », dont la qualité n’a rien à envier à de l’or minier, en sachant que ce métal précieux peut être fondu à l’infini sans aucune altération.

Varin-Etampage Varinor VVSA, la fonderie du groupe Richemont

Le groupe Richemont, qui affiche des objectifs ambitieux de développement durable et fait certainement partie des compagnies du secteur parmi les plus engagées dans ce domaine, a-t-il fait de cet or recyclé un argument commercial ? Inutile de passer sa communication au crible, d’or recyclé point de trace, même si l’on passe en revue les Maisons joaillières et horlogères lui appartenant qui gardent la haute main sur leurs outils marketing. Un tel silence est des plus révélateurs au sein d’un groupe dont les enseignes se positionnent clairement du côté du luxe. Cela veut tout simplement dire que l’or recyclé ne fait pas vendre. Si l’on en croit les sondages réalisés par les cabinets de conseil sur les marchés horlogers, les consommateurs sont pourtant de plus en plus nombreux à tenir compte des facteurs de durabilité lors de leurs achats de montres, à hauteur même de 50 % si l’on en croit l’étude Deloitte publiée en juin 2021. Cette dichotomie montre bien que les meilleures intentions du monde ont leurs limites et que « luxe » et « recyclage » restent encore des concepts qui ne font pas « bon ménage ».

Panerai Submersible eLAB-ID™

Vraiment ? Les échos rencontrés l’an dernier par Panerai tendraient à montrer qu’une brèche est réellement en train de s’ouvrir. Pour mémoire, on rappellera que la Maison d’origine florentine présentait au dernier Watches and Wonders deux modèles qui ont fait couler beaucoup d’encre : la montre concept Submersible eLAB-ID™, éditée à 30 exemplaires, dont 98,6 % du poids est constitué de matériaux recyclés, et la Luminor Marina eSteel™, dont le boîtier et le cadran sont réalisés en acier recyclé pour représenter 58,4 % du total de la montre. On n’est certes pas dans le registre des métaux précieux, mais cette initiative présentée par Panerai comme « la plus disruptive » à ce jour a clairement fait mouche. « Avec la Submersible eLAB-IDTM et la Luminor Marina eSteelTM, nous démontrons qu’il est possible de fabriquer quasiment intégralement une montre de luxe en utilisant des matériaux recyclés, réduisant ainsi l’impact environnemental de l’horlogerie, expliquait Jean-Marc Pontroué, CEO de Panerai, lors de la présentation de ces deux pièces. Mais au fond, le vrai point fort du projet n’est peut-être pas tant lié au produit lui-même qu’à cet écosystème de fournisseurs et partenaires que nous mettons à disposition de la communauté horlogère suisse. » Objectif : aux Maisons de franchir le Rubicon, les partenaires sont identifiés, nommés et prêts à passer à la vitesse supérieure.

ID Genève Circular 1

À la même époque, un autre produit horloger issu de circuits courts et locaux venait confirmer les dires de Jean-Marc Pontroué. La start-up ID Genève faisait en effet œuvre de pionnière l’an dernier avec sa Circular 1, une montre répondant aux trois « missions » de ses concepteurs : manufacturer des montres à 100 % issues de l’économie circulaire suisse, changer la perception sur les matériaux recyclés dans l’horlogerie haut de gamme et inciter l’industrie à se tourner vers des projets plus durables. Partenaire d’ID Genève : l’entreprise Panatere, qui a mis en place un réseau de collecte de résidus d’acier issus d’une quarantaine d’entreprises jurassiennes actives dans l’usinage pour l’industrie horlogère et médicale. L’acier, dont la traçabilité est certifiée, tout comme son empreinte carbone, est fondu en France voisine pour ensuite servir à la fabrication des boîtiers de la Circular 1 devant abriter des mouvements ETA 2824 provenant de stocks d’invendus. Depuis, Panatere a élargi son offre avec du titane recyclé et prépare la mise en service de son four à métaux, dont le fonctionnement est assuré par énergie solaire.

Semper & Adhuc Immédiate Transatlantique

Reste que, dans l’océan des quelque 15 à 20 millions de montres suisses produites par année, ces quelques exemples paraissent bien isolés. Côté recyclage, on relèvera certes plusieurs initiatives au niveau des bracelets de montre. Chez Breitling et Ulysse Nardin, ils sont faits à partir de vieux filets de pêche, chez IWC de cellulose, de tissus chez Zenith ou de déchets de pomme chez Cartier. Côté surcyclage, une jeune marque française, Semper & Adhuc, utilise également d’anciens mouvements suisses pour animer ses montres. Le recyclage des piles étant encore et toujours un problème écologique, on voit également apparaître des mouvements à énergie solaire, depuis des années déjà chez les Japonais Seiko ou Citizen, plus récemment chez Tissot et l’an dernier chez Cartier. Ces quelques exemples, pour méritoires qu’ils soient, n’en montrent pas moins l’étendue du désert autour de ces oasis du recyclage. Des exemples qui ne pénètrent guère dans la sphère du luxe horloger mais restent davantage le fait de start-up ou d’une offre totalement marginale. Faut-il y voir les prémisses d’un mouvement de fond susceptible de secouer la planète horlogère ? Les signes les plus encourageants sont plutôt à chercher du côté du marché de seconde main, qui est en train de prendre un essor considérable. Et là, point n’est besoin de parler de recyclage des composants, c’est la montre elle-même qui connaît de multiples cycles de vie via ses propriétaires successifs. Le produit lui-même n’est-il pas conçu dans cette optique ? C’est en tout cas lui rendre hommage que de lui prêter une longévité susceptible d’accompagner plusieurs générations. Le temps de guérir la planète ?

 

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