Lorsque l’un des plus grands selliers de France, en l’occurrence Hermès, propose son célèbre sac de voyage Victoria en Sylvania, un cuir innovant réalisé à base de mycélium fin, autrement dit de champignons, autant dire que la proposition a de quoi surprendre. Pour une Maison qui intègre pas moins de six tanneries en France, en Italie et aux États-Unis au sein de son pôle Hermès Cuir Précieux, cette annonce faite à mi-mars ressemble en effet à un pavé dans la mare. Mais également à une profession de foi pour ce grand défenseur de valeurs patrimoniales forgées dans le cuir qui démontre par là ses capacités d’adaptation aux nouveaux paradigmes des milléniaux. Car ceux-ci font preuve d’une sensibilité croissante aux questions liées à l’environnement et à la biodiversité. Dans ce contexte, autant dire que toute alternative au « cuir véritable » est saluée comme il se doit. C’est exactement ce qu’a fait Hermès en s’associant à la start-up californienne MycoWorks pour le développement d’un matériau durable dérivé du champignon : le Sylvania, matériau produit aux États-Unis mais tanné et affiné en France afin de développer sa résistance et sa durabilité. Une première version « verte » du sac Victoria est attendue avant la fin de l’année. Peut-être bientôt des bracelets de montre ?

Chez IWC, c’est déjà une réalité. En même temps qu’Hermès dévoilait son Sylvania, la Maison horlogère basée à Schaffhouse présentait ses nouveaux bracelets en TimberTex, fabriqués dans une matière à base de papier. « Tout au long de ses 153 années d’histoire, IWC a fait preuve d’un remarquable esprit d’innovation dans le design de ses produits, dans la conception de nouveaux matériaux et dans ses méthodes de production, rappelait Franziska Gsell, Présidente du comité de développement durable chez IWC. Ce même esprit est à la base des alternatives que nous proposons aujourd’hui à nos clients qui ne portent pas de cuir. » Pratiquement, le TimberTex, à la texture douce et souple, est composé à 80 % de fibres végétales naturelles, de la cellulose provenant d’arbres certifiés par le Forest Stewardship Council. Fabriquée en Italie selon les techniques traditionnelles de fabrication du papier, la matière est ensuite colorée avec des teintures végétales naturelles. Au final, pas moins de 60 étapes sont nécessaires à la confection d’un bracelet TimberTex.

Du côté du Swatch Group, on en apprenait un peu plus fin 2020 sur le « virage écologique » amorcé par Swatch avec sa collection « 1983 » fabriquée à partir de matériaux issus de la nature, en l’occurrence des matériaux biosourcés extraits de graines de ricin. Début mars de cette année, c’était au tour de Tissot de prendre le relais côté cuir avec son Heritage Memphis Limited Edition, une immersion dans le groupe Memphis des années 1980, mouvement de design et d’architecture dont le fondateur Ettore Sottsass avait dessiné ce modèle anticonformiste pour Tissot. Il revient aujourd’hui sur le devant la scène avec un bracelet végan noir.

Dans ce contexte, d’autres horlogers pourraient rapidement prendre le pli, si l’on considère l’univers de la mode, où des enseignes comme Stella McCartney ou Amélie Pichard se sont déjà distinguées dans ce type de reconversion. Stella McCartney, déjà connue pour ses cuirs végans, vient de présenter le Mylo™, autre matériau également à base de champignon développé en Californie par la société Bolt Threads. Quant à Amélie Pichard, c’est en feuilles d’alocasia qu’elle présentait fin 2020 son sac Baby Abag, une plante d’origine brésilienne cultivée et tannée sur place dans des zones de reforestation. Et c’est encore sans parler de l’ananas, qui donne un cuir Pinatex, de l’eucalyptus ou encore dernièrement du raisin, dont les propriétés se prêtent à la fabrication de cuirs entièrement végétaux. Pour les horlogers, de l’animal au végétal, l’univers du cuir pourrait changer de règne !