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La Suisse possède une horloge atomique unique au monde
Actualités

La Suisse possède une horloge atomique unique au monde

vendredi, 12 mars 2010
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Fabrice Eschmann
Journaliste indépendant

“Il faut se méfier des citations sur Internet !”

« Une grande histoire aux multiples auteurs : ainsi en est-il de la vie. Ainsi en va-t-il aussi de l’horlogerie. Sans rencontres, point d’histoire. »

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8 min de lecture

L’Office fédéral de métrologie (METAS) a développé, en partenariat avec l’Institut de physique de l’université de Neuchâtel, une horloge atomique – à vrai dire un étalon primaire, référence absolue – unique au monde. Un développement qui place la Suisse à la pointe de la mesure du temps.

« Pour le commun des mortels, c’est facile de savoir quel jour on est, dans la semaine ou dans le mois. Nous, ce qui nous intéresse, c’est de savoir où, à l’intérieur d’une seconde, on se trouve ! » Sous ses airs d’éternel étudiant nonchalant, André Stefanov est un savant des plus pointus. Le Chef du Laboratoire Temps et fréquence de l’Office fédéral de métrologie (METAS) passe son temps à compter non pas les secondes, mais les nanosecondes (1 milliardième de seconde). Pour l’aider, une horloge atomique si précise qu’elle n’affiche qu’une seconde de décalage après 30 millions d’années de fonctionnement. Développée par l’Université de Neuchâtel et actuellement encore en phase de tests, cette machine est unique au monde. Elle a reçu pour nom Fontaine Continue Suisse (FOCS). Un nom poétique pour une fontaine qui n’a rien de décoratif.

Les jours s'allongent

Jusqu’au milieu du XXe siècle, les uniques détenteurs du temps étaient les astronomes. La seconde, en tant qu’unité de mesure, était alors définie de sorte qu’un jour solaire moyen (du zénith au zénith) dure 86’400 secondes. Pendant longtemps, cloitrés dans leurs observatoires et aidés d’horloges mécaniques de précision, les astrophysiciens ont été les seuls gardiens du temple temporel. Jusqu’à une véritable révolution scientifique.

 

La durée d'une révolution de la Terre autour du Soleil n'est pas régulière.

Apparues à la fin des années 1940, les premières horloges atomiques vont progressivement mettre en évidence l’impensable : la durée d’une révolution de la Terre autour du Soleil n’est pas régulière. Pire : la vitesse de rotation de la Terre sur elle-même ralentit. En cause : les marées et la variation de la distance Terre-Lune.  » Aujourd’hui, les jours sont deux millisecondes plus longs qu’il y a un siècle « , sourit André Stefanov. Un phénomène si important que pour maintenir l’harmonie entre le temps des horloges et celui de la rotation de la Terre, l’International Earth Rotation and Reference System Service (IERS) doit, sporadiquement,  » injecter une seconde intercalaire  » dans la marche du temps universel. La dernière en date fut introduite le 1 janvier 2009, où, la seconde d’après 00:59:59, il était non pas 01:00:00, mais 00:59:60. Pas moins de 24 secondes intercalaires ont déjà été injectées dans le temps depuis 1972, date de leur introduction.

Constat déconcertant depuis l’apparition des horloges atomiques, les phénomènes astronomiques ne sont plus un support suffisamment bon pour définir une unité de temps. Ils vont donc être remplacés par un phénomène atomique : l’oscillation de l’atome de césium 133. En 1967, vingt ans après l’apparition du premier spécimen, l’horloge atomique est définitivement adoptée comme outil de mesure. Première conséquence : la seconde doit être redéfinie. « Lorsqu’un électron d’atome de césium passe d’une orbite à l’autre, il émet toujours la même fréquence, explique André Stefanov. On a donc défini la seconde comme égale à 9 192 631 770 périodes d’oscillation de cette fréquence. » Et pourquoi pas une période de plus ou de moins ? « C’est effectivement une convention, admet le scientifique. Comme l’ancienne seconde (86’400 périodes entre deux zéniths) est moins précise que la nouvelle que l’on cherche à définir, il faut finalement fixer une valeur arbitrairement. »

Le Temps universel coordonné

Aujourd’hui, le temps est la grandeur physique mesurée avec le plus de précision. A METAS, cinq horloges atomiques, dites « commerciales », cadencent le temps en numérotant chaque secondes, avec comme point de départ conventionnel, 00:00:00 le 1er janvier de l’an 1. Tous les cinq jours, le Laboratoire Temps et fréquence de l’Office fédéral de métrologie envoie la moyenne des mesures de ses horloges au Bureau international des poids et mesures (BIPM), qui récolte les valeurs de 350 horloges réparties dans le monde entier. La moyenne de ces moyennes conduit à l’UTC, le Temps Universel Coordonné.

Mais cela ne suffit pas encore aux scientifiques. Pour vérifier si leurs horloges battent la seconde de manière régulière, les laboratoires ont développé des étalons de fréquence primaires. Ces engins ne sont pas des horloges, car ils ne comptent pas les secondes. Ils sont en revanche la référence absolue quant à la durée d’une seconde, leur « cœur » battant à 9,2 gigahertz (9,2 milliard de hertz). Pour comparaison, une montre mécanique bat entre 3 et 5 hertz, une montre à quartz à 32’768 hertz. Dans chaque laboratoire, le rythme des horloges atomiques commerciales est ainsi régulièrement ajusté sur celui de l’étalon de fréquence primaire.

Seulement voilà : la Suisse ne va pas faire les choses comme tout le monde ! « Comme nous avons démarré le développement de notre étalon primaire après tout le monde, nous avons opté pour une autre voie ! », explique, les yeux brillant, Pierre Thomann. Le directeur du Laboratoire Temps-Fréquence de l’Université de Neuchâtel est également le chef du projet FOCS. Mandatés en 1992 par METAS, le professeur et son équipe vont mettre environ dix ans à développer et construire un étalon de technologie différente. « Nous pouvions bien sûr copier les autres, poursuit le scientifique. Mais il nous a semblé nettement plus intéressant de faire un étalon de conception différente pour pouvoir ensuite comparer. »

De droite à gauche : Pierre Thomann, Directeur du Laboratoire Temps-Fréquence de l’Université de Neuchâtel et père de la FOCS. A ses côtés, ses deux collaborateurs Laurent Devenoges et Gianni Di Domenico. Le professeur test en ce moment un deuxi
De droite à gauche : Pierre Thomann, Directeur du Laboratoire Temps-Fréquence de l’Université de Neuchâtel et père de la FOCS. A ses côtés, ses deux collaborateurs Laurent Devenoges et Gianni Di Domenico. Le professeur test en ce moment un deuxi
Les applications du futur sont dans l’espace

Les étalons de fréquence primaires traditionnels sont appelés Fontaines pulsées. Des paquets d’atomes de césium 133 sont projetés verticalement, ralentis sous vide grâce à des lasers et mesurés lorsque, comme des cailloux, ils retombent au sol. Les Suisses, quant à eux, ont remplacé ce lancer sporadique de paquets d’atomes par un jet continu. A l’image du jet d’eau de Genève, les atomes initialement ralentis par laser sont projetés vers le haut et retombent dans un autre trou où ils sont mesurés. Simple décrit comme cela, le système est en vérité très complexe. Non pas une, mais deux FOCS sont aujourd’hui en phase de test, l’une à METAS, l’autre à l’Institut de physique de l’Université de Neuchâtel.

Cette méthode est-elle plus précise que celle des Fontaines pulsées ? « Le but est d’être aussi exact que possible et au moins aussi précis que les horloges déjà existantes, qui sont d’accord entre elles au niveau de 10-15 seconde environ, explique Pierre Thomann. Cela signifie que deux horloges de cette exactitude devraient tourner 30 millions d’années avant que leur désaccord n’atteigne une seconde, et cela sans avoir été préalablement réglées l’une sur l’autre. Mais une motivation importante de notre travail est d’atteindre cette exactitude avec une horloge de construction différente des autres. Les scientifiques sont en effet mieux convaincus de l’exactitude de leurs horloges si cette précision est atteinte de plusieurs manières différentes, plutôt que plusieurs fois de la même manière… »

Mais la communauté scientifique, cette éternelle insatisfaite, avance. Déjà, des étalons à l’atome de mercure ou d’aluminium permettent des erreurs relatives de 10-17 seconde. Une course à la précision, pour le moins abstraite, qui s’explique par de réels enjeux : « Le rôle de METAS est de réaliser le temps et de le distribuer, souligne André Stefanov. Une méthode pour le distribuer est notre émetteur HBG à Prangins, qui règle automatiquement des horloges. Ce service sera arrêté fin 2011, mais les ordinateurs connectés à internet auront toujours la possibilité de se synchroniser sur le temps suisse par l’intermédiaire de nos serveurs NTP (ntp.metas.ch). Enfin, nous nous déplaçons également chez nos clients – des instituts bancaires, des industries de précision, des multinationales, des laboratoires et les télécoms – qui ont besoin d’un temps extrêmement précis pour leurs opérations. » Mais « les applications du futur sont dans l’espace, conclut Pierre Thomann. Le système américain de positionnement par satellites GPS et l’européen Galileo demandent des précisions extrêmes. Une nanoseconde à la vitesse de la lumière représente 30 centimètres. Or, l’ambition de ces deux institutions est de pouvoir localiser des points sur Terre au centimètre près ! »

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