« Vous connaissez un bon ingénieur qui cherche du travail ? » Cette question, Michel Rappaz, professeur en science et génie des matériaux à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), l’entend souvent de la bouche d’horlogers. « L’EPFL est un vivier de main-d’œuvre pour cette industrie, constate-t-il. Beaucoup d’anciens étudiants et de doctorants ont été engagés par des marques. D’ailleurs, je dirige actuellement une thèse menée au sein d’une manufacture. D’une façon générale, nous cherchons toujours à intégrer nos étudiants aux travaux en cours. Cette immersion leur permet de créer des liens avec d’éventuels futurs employeurs ». L’institution, avant d’offrir des services de recherche, fournit donc des professionnels compétents. C’est d’ailleurs la première attente de l’horlogerie. « Un cadre d’une maison prestigieuse m’a un jour confié qu’il avait d’abord besoin de collaborateurs très bien formés », se souvient le professeur.
Encourager les partenariats
Marques et sous-traitants font régulièrement appel aux compétences de l’EPFL. Breitling, Rolex, Audemars Piguet ou encore Asulab, le laboratoire de recherche et de développement du Swatch Group, sont quelques-unes des entreprises à mandater les différents instituts. Actuellement, le département des matériaux, un secteur lourd d’enjeux pour les horlogers, est souvent sollicité tout comme celui de la microtechnique pour l’amélioration des processus de fabrication. « Nous privilégions les collaborations sur le long terme, soit une durée moyenne de deux à trois ans, explique Olivier Henchoz, adjoint du président de l’EPFL pour la communication. Dans cette optique, nous encourageons la mise sur pied de partenariats entre l’école et le client qui nous permettront de pousser la recherche à son maximum, cette fusion des compétences renforçant les deux parties. Nous acceptons également des mandats. Ces derniers durent le plus souvent moins d’une année. »
Suivant le type d’accord conclu, les résultats des recherches appartiendront soit exclusivement au client, soit ils pourront faire l’objet d’une publication avec des montants variables à payer selon les termes du partenariat. A l’EPFL, le service des relations industrielles pilote la mise au point des contrats. « Dans le cas des entreprises de grande taille qui parfois mènent des projets avec plusieurs instituts en même temps, nous élaborons des contrats cadres qui règlent, par exemple, les questions de propriété intellectuelle. Nous simplifions ainsi le processus et évitons de devoir à chaque fois renégocier l’ensemble », dit Gabriel Clerc, le responsable du service. Discrétion oblige, aucun chiffre ne sera articulé ni sur les montants en jeu, ni sur le nombre ou encore la nature des projets en cours.
En revanche, le montant offert par Rolex pour la construction du nouveau Learning Center de l’EPFL, qui devrait être inauguré en octobre 2009, n’est pas un secret. La marque à la couronne a en effet décidé de prendre à sa charge environ la moitié de la facture totale qui se monte à 100 millions de francs.
Nous visons à intensifier les transferts de technologie entre les entreprises et les chercheurs.
Le guichet Alliance
Pour renforcer les collaborations entre l’univers académique et le monde industriel, une structure baptisée Alliance a été fondée fin 2006. Rassemblant sous une forme associative les hautes écoles spécialisées et les universités de Suisse romande ainsi que les acteurs centraux de l’industrie comme Swissmem, Alliance joue le rôle d’intermédiaire. « Nous visons à intensifier les transferts de technologie entre les entreprises et les chercheurs, explique son directeur Roland Luthier. Quand une société nous sollicite, nous la conseillons et l’aiguillons vers le centre de recherche le plus adapté à ses besoins. Proactive, notre stratégie vise à encourager les industriels à s’adresser naturellement aux écoles qui y gagnent elles aussi en devenant non plus concurrentes mais partenaires. » Appelé à se développer, ce guichet spécialisé a enregistré l’année dernière une poignée de demandes issue du secteur horloger.