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Richemont a revêtu son costume du millénaire
Economie

Richemont a revêtu son costume du millénaire

lundi, 10 septembre 2018
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Christophe Roulet
Rédacteur en chef, HH Journal

“Vouloir est la clé du savoir.”

« Une trentaine d’années passées dans les travées du journalisme, voilà un puissant stimulant pour en découvrir toujours davantage. »

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8 min de lecture

Conformément aux vœux de son président et actionnaire de référence Johann Rupert, Richemont a opéré une mutation rapide et profonde de son organisation. Conseil renouvelé, nettoyage des stocks, stratégie de distribution multicanale, nouvelle approche du luxe. État des lieux au moment de son assemblée générale et de la publication de ses ventes après cinq mois.

Vous êtes un amateur de montres et vous ne savez pas exactement parmi vos marques de prédilection lesquelles font de la vente en ligne. Un petit détour par une plateforme qui syndique vos références préférées s’impose. Et pourquoi pas Mr Porter. Rassurez-vous, vous ne serez pas tout seul : le mois dernier, le site a reçu un peu plus de 4 millions de visiteurs. Mais ne perdons pas de temps, la section « Montres » est précisément celle que l’on recherche. Pour vous accueillir, le tout récent « Luxury Watch Guide » est à votre disposition, vous offrant des montres, certes, mais également des « Histoires », des « Connaissances horlogères », des informations détaillées sur vos Maisons préférées et leurs produits, une catégorisation pertinente des modèles et tous les services auxquels vous avez droit en faisant confiance à Mr Porter. Tout est là : produits, informations, services, pour que vous viviez une « expérience » d’achat confortablement installé devant votre ordinateur.

Et ce n’est qu’un début. Comme l’explique son directeur Toby Bateman : « Avec 18 marques en portefeuille, il est vrai que nous sommes encore petits. Mais la croissance est très rapide. » Et de rappeler sur WatchPro ses premiers démarchages auprès des marques de Haute Horlogerie lors des salons professionnels où il se faisait botter les fesses à peine l’anathème « ventes en ligne » prononcé. Plus rien de tel aujourd’hui. « Lors de ma visite au dernier SIHH, sur chaque stand, j’ai été immédiatement introduit auprès du directeur digital de chaque marque. C’est une chose positivement surprenante ! »

Le but est donc de positionner Richemont aux avant-postes des mutations en cours sur les marchés.
Johann Rupert
La vieille garde s’en va

Ce qu’il faut savoir, c’est que depuis juin dernier les visiteurs de Mr Porter visitent une boutique en ligne dont le propriétaire a changé de nom, puisque Richemont a pris le contrôle de Yoox Net-A-Porter, qui gère le site. Une acquisition à replacer dans la nouvelle stratégie d’un groupe qui a nettement pris le parti de positionner son organisation selon la nouvelle donne du marché. Lors de la présentation des comptes de la compagnie en mai 2017, Johann Rupert n’a d’ailleurs pas fait de mystère sur ses impressions : « Je pense que tout est en train de changer. Et je parle d’un changement massif, d’un changement exponentiel en raison de l’influence du numérique dans la conduite des affaires. Le but est donc de positionner Richemont aux avant-postes de ces mutations. » Autant dire que ce n’étaient pas des paroles en l’air. En l’espace d’un an, la Compagnie Financière Richemont a en effet connu l’une des plus importantes mues de son histoire.

Siège Richemont à Bellevue © Richemont
Siège Richemont à Bellevue © Richemont

Au niveau des personnes d’abord. Le conseil d’administration a ainsi été profondément remanié avec le départ de huit représentants de la vieille garde, remplacés par neuf nouveaux visages : quatre directeurs de marque du Groupe – trois sont dans la quarantaine – et cinq personnalités externes dont deux femmes et deux ressortissants asiatiques, accompagnés par Anton Rupert, le fils de Johann, question d’assurer la relève. Même constat au niveau de la direction opérationnelle de Richemont, nouvellement attribuée à Jérôme Lambert après un bref intermède bicéphale, et au sein des Maisons horlogères, dont six sur huit ont changé de CEO. Nouvel ordre de marche pour répondre aux défis du XIXe siècle : « mettre sur pied un agenda permettant de répondre aux changements observés dans la demande de produits de luxe ». Et pas question d’y aller à doses homéopathiques. La stratégie devait être conduite sur tous les fronts.

Coup de maître

Pari tenu. Richemont s’est donc intéressé à l’un des enjeux majeurs pour l’industrie du luxe : Internet et ses formidables opportunités dans la vente et la diffusion de contenu. En fait, cet intérêt n’est évidemment pas nouveau et Richemont possédait un atout de poids dans sa manche pour avoir participé depuis 2002 au développement de Net-A-Porter, l’un des premiers sites d’e-commerce de luxe fusionné avec l’Italien Yoox en 2015. En mai, le Groupe déposait une offre publique d’achat pour acquérir la totalité des actions de Yoox Net-A-Porter, opération conclue pour EUR 2,7 milliards, suivie par une décotation des titres de la Bourse de Milan à fin juin. Au niveau des comptes Richemont, la mariée apporte un chiffre d’affaires de plus de EUR 2 milliards avec ses quatre sites (Net-A-Porter, Mr Porter, the Outnet et Yoox) et la gestion d’une trentaine de boutiques en ligne pour des marques tierces comme Armani, Valentino ou Ferrari. Du coup, Richemont est devenu du jour au lendemain un acteur majeur dans la vente en ligne. Comme le précisait Burkhart Grund, directeur financier du Groupe, si l’e-commerce représentait 1 % des revenus totaux du Groupe avant l’opération, cette proportion a désormais passé à 17 % !

Concernant la distribution traditionnelle, le deuxième aspect essentiel, le but était d’augmenter la part des ventes réalisées dans les boutiques Richemont, en propre ou en franchise, par rapport à celles passant par les détaillants indépendants. Sur ce point, la tendance est clairement mise en exergue par Morgan Stanley. L’établissement financier estime en effet que dans cinq ans 27 % des achats de montres suisses se feront directement auprès des marques, contre 9 % aujourd’hui. Plusieurs raisons à cela : les affres du marché gris comptant parmi les premières, étant donné la propension de nombreux acteurs tiers à se débarrasser des invendus sur des plateformes spécialisées qui cassent les prix. Sur cet aspect des choses, Richemont n’a pas tergiversé longtemps. À la suite de la crise des années 20015 à 2017, le Groupe a été parmi les plus réactifs à racheter ses stocks, pour un montant de près de EUR 500 millions sur deux ans. Ce qui n’a pas manqué de peser à hauteur de EUR 135 millions sur le résultat brut de son dernier exercice fiscal clos à fin mars 2018. En parallèle, le réseau de magasins Richemont n’a cessé de se développer, pour compter aujourd’hui 1’835 boutiques, dont 712 en franchise, qui représentent 63 % de ses ventes, contre 37 % pour les détaillants indépendants. Il y a 10 ans, la proportion était parfaitement inversée. Et comme les marges sont nettement plus intéressantes en réseau propre et que la dynamique des ventes ne se dément pas, contrairement aux détaillants tiers, la tendance ne devait pas faiblir.

À noter, l’incursion de Richemont sur le marché de la montre d’occasion via le rachat de Watchfinder, site spécialisé parmi les plus réputées.
Une nouvelle approche du luxe

Côté produit, Richemont n’est pas davantage resté inactif. À noter, tout d’abord son incursion sur le marché de la montre de seconde main via le rachat de Watchfinder, site spécialisé qui compte parmi les enseignes les plus réputées. Selon Jon Cox, analyste auprès de Kepler Chevreux, ce deuxième marché horloger pèserait aujourd’hui dans les USD 5 milliards avec un avenir des plus radieux devant lui. Et pour cause, il s’agit d’une offre taillée sur mesure pour les milléniaux dont les habitudes de consommation diffèrent considérablement des générations précédentes. Les milléniaux, précisément, sont ceux que cible la nouvelle marque Baume lancée par Richemont en mai dernier, une marque « numérique », abordable, écoresponsable et personnalisable à souhait. Reste le corps de métiers de Richemont et, là également, l’adaptation est patente. Les montres étaient-elles à la peine ces deux dernières années que la joaillerie Richemont via Cartier et Van Cleef & Arpels a pris le relais. Dans les comptes du Groupe entre 2015 et 2018, la joaillerie a ainsi connu une croissance de 36,5 % alors que l’horlogerie déclinait de 15,5 %. Désormais, les deux « divisions » sont pratiquement à parts égales.

En visitant prochainement Mr Porter, peut-être gardera-t-on en tête ces quelques petits « détails » qui font déjà le Richemont de demain.

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