Vue d’ensemble du secteur et impressions au SIHH 2008

À l’image des forces qui animent l’esprit du curieux, de l’investigateur, du scientifique et de bien d’autres, il avait l’habitude de déclamer très nettement : « Bonjour ! Que se passe-t-il ? » Il nous a quittés récemment, mais son souvenir est encore très présent, notamment en raison de la curiosité suscitée par la question que l’éleveur lui avait apprise de nombreuses années auparavant.

D’un point de vue philosophique, c’est la raison fondamentale pour laquelle je suis devenu horloger. Retraité après cinquante années d’activité, je demeure proche des véritables horlogers, et cette proximité me permet de saisir leurs pensées pour mieux connaître leur démarche personnelle. Parmi les obsessions futiles qui nous fascinent, nous voulons tous savoir « ce qui se passe ».

La deuxième semaine d’avril, la transformation des 24’000 mètres carrés d’espace d’exposition du Palexpo de Genève en un luxueux hall immaculé, avec ses tapis moelleux, ses fauteuils de cuir lisses et son excellente cuisine, le tout élégamment baigné d’une lumière feutrée, s’avère une surprenante prouesse de l’art de la décoration. C’est dans cette ambiance résolument luxueuse qu’ont lieu les démonstrations, les présentations et les conférences de presse des entreprises du Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH). Près de 14’000 acheteurs, agents et journalistes du secteur participent à cet événement réservé aux titulaires d’une invitation, et ils bénéficient de la concentration d’histoire, d’expérience et de spécialistes du secteur rassemblés sous le dôme de cette luxueuse exposition. C’est le salon de l’horlogerie fine, du haut de gamme des montres de luxe.

Et chaque année, les membres de la guilde des marques du SIHH se rassemblent au Palexpo de Genève. Ils appartiennent principalement au groupe Richemont, mais l’on peut également y rencontrer quelques-uns des horlogers suisses indépendants les plus prestigieux : tous réunis, ils représentent seize des marques mondiales les plus reconnues.

Impressions sur le SIHH de Genève 2008

Après avoir subi les bouleversements liés au quartz dans les années 1970 et 1980, les marques suisses classiques apparaissent plus fortes que jamais. Certaines marques anciennes que j’ai connues il y a de nombreuses années, notamment Minerva, et qui ont été largement occultées par la concurrence déloyale des montres électroniques à affichage numérique du Japon et de Hong Kong, sont revenues sur le devant de la scène en ressortant de leurs archives des modèles fidèles et des reliques d’anciennes fabrications, en même temps que de nouveaux concepts. Et aujourd’hui Minerva est une marque florissante, sous le généreux parrainage de Richemont.

De la même façon, depuis la réunification de l’Allemagne, des marques respectables telles que A. Lange & Söhne sont réapparues sur un marché fertile, dans lequel elles rencontrent reconnaissance et succès. Grâce aux investissements suisses (IWC), et plus tard en rejoignant l’équipe d’horlogers du groupe Richemont, A. Lange & Söhne est à nouveau la marque leader de l’enclave exclusive de l’horlogerie Glashütte, en Allemagne.

Cartier est entré dans le cercle très restreint des horlogers qui peuvent graver le poinçon de Genève exclusif sur leurs mouvements. Le groupe Richemont a acheté à cet effet le site de production de mouvements de Roger Dubuis qui fabrique actuellement les calibres horlogers du poinçon de Genève portant ce nom, et que Richemont continuera à fournir à l’entreprise Roger Dubuis SA, conformément aux termes du contrat. Le mouvement de la montre Ballon Bleu tourbillon de Cartier est fabriqué dans ce site de Genève, et il peut ainsi arborer le poinçon de Genève.

Jaeger-LeCoultre supplante l’exposition, comme à l’accoutumée, avec une merveilleuse collection de nouvelles pièces destinées aux aficionados des mécanismes pointus innovants. La collection de leur 175e anniversaire offre un niveau exceptionnel d’horlogerie mécanique haut de gamme. La série 1833 compte une montre Master Minute Repeater, une montre 8 Day Perpetual Calendar, une montre Grand Tourbillon et une Ultra Thin. Le mouvement de cette dernière pièce n’excède pas 1,85 mm.

JLC a également créé un nouveau modèle dans la gamme Reverso : le Gyrotourbillon 2, doté d’un tout nouveau tourbillon sphérique haute performance, dont le ressort spiral cylindrique fut inventé par John Arnold en 1782, il fut ensuite utilisé dans les chronomètres de la marine, au cours de ces deux derniers siècles.

Le tourbillon et chronographe Concept Carbone d’Audemars Piguet représente tout d’abord et significativement l’avant-garde en termes de design et de matériaux. L’absence de cadran laisse apparaître de façon inattendue le boîtier en carbone qui fait lui-même partie de la double symétrie des ponts du tourbillon. Le compteur des minutes dispose de deux échelles verticales, et la réserve de marche ainsi que les ponts du cadran de l’indicateur de sélection sont situés à 12 heures et à 6 heures. La même géométrie est visible dans les ponts ouverts du boîtier à travers le cadran, laissant entrevoir les mécanismes du tourbillon et du chronographe avec la roue à colonnes. Outre la magie du tourbillon en mouvement perpétuel, le tourbillon et chronographe Royal Oak Carbon Concept ultra-fin est unique avec son compteur des minutes chronographe linéaire.

« Que se passe-t-il ? » au Salon de Genève ?

C’est révélateur de la situation du secteur. L’exposition 2008 poursuit la tendance de ces dernières années qui s’intéresse davantage à des matériaux, à des idées et à des exécutions techniques nouvelles qu’à de nouveaux modèles marketing. Cela démontre donc que la demande des acheteurs est tournée vers des pièces exclusives et même uniques, pour lesquelles les coûts de fabrication et le budget de l’acheteur ne semblent pas liés ou ont, dans tous les cas, peu d’importance.

Nous voyons de plus en plus de splendides créations d’idées horlogères d’une grande ingéniosité produites dans cette optique tout à fait justifiable : « Nous nous sommes fait une réputation et nous savons que si nous pouvons y arriver, alors nous pouvons nous vendre ; et le prix suivra de lui-même. »

Et ils ont raison, puisqu’ils se vendent et améliorent ainsi le standing de la Haute Horlogerie, dans cette industrie d’exquis micro-mécanismes complexes.