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Jackie Chan, quarante ans de carrière et autant de montres...
Histoires de montres

Jackie Chan, quarante ans de carrière et autant de montres – Partie 1

jeudi, 25 juin 2020
Par Frank Rousseau
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Frank Rousseau

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10 min de lecture

Parti de rien, arrivé au sommet, Jackie Chan est un phénomène à part entière. Star internationale, il affiche aujourd’hui une modestie qui lui sied à ravir. Tel n’a pas toujours été le cas. Pour épater, les montres faisaient partie de sa panoplie. Rencontre.

Sourire élastomère et corps du même acabit, Jackie Chan vous tend tout de suite la main. Un conseil : mieux vaut la lui serrer plutôt que de se la prendre sur le coin de la figure. En plus de 40 ans de carrière et une centaine de films à son actif, « le Chan » en a mis, des roustes. Il en a reçu pas mal aussi.

Je me suis toujours demandé si « Jackie Chan » était votre vrai nom…

Ma famille me surnomme « A Pao », ce qui signifie en chinois « cannonball » (« boulet de canon »). Mais mon vrai nom, c’est Fong Si Lung, qui, lui, ne signifie rien du tout ! (Rires) Je suis devenu Jackie Chan en 1976, quand j’ai commencé ma carrière. À l’époque, je galérais vraiment et, pour gagner ma vie, en Australie, j’ai été plongeur dans les restos, ouvrier sur les chantiers. Mes collègues m’appelaient PawPaw, qui est devenu A Pao parce que mon anglais était lamentable. Jusqu’au jour où l’un de mes patrons en a eu marre. Il ne retenait jamais mon nom. Alors, il m’a baptisé Jack, qui est devenu Jackie…

Jackie Chan
Jackie Chan
Il paraît qu’entre deux atémis vous êtes devenu l’une des stars les plus écoresponsables de l’empire du Milieu. Comment en êtes-vous arrivé là ?

C’est arrivé à Hong Kong. Comme vous le savez, là-bas, l’espace est un gros problème. La spéculation immobilière est telle que, pour trouver un appartement suffisamment spacieux pour accueillir toutes vos affaires, il faut se lever de bonne heure. Les gens dépensent d’ailleurs des fortunes pour en mettre une partie dans des garde-meubles. Un jour, je me suis dit que notre civilisation accumulait vraiment trop de choses. J’ai donc commencé à réfléchir sur la gestion de l’espace et là, j’ai découvert que nous possédions parfois des objets en plusieurs exemplaires. Je ne parle pas d’objets de collection comme les montres mais des trucs qu’on amasse par peur d’en manquer. Souvent même, nous achetons des objets que l’on ne se souvient plus déjà posséder. Un phénomène que l’on constate également sur les plateaux de cinéma, où la surconsommation règne en maître. Quelle gabegie ! Nous pourrions très bien recycler le bois des décors plutôt que de le brûler après les tournages, comme c’était la règle. Or, plus nous faisons des économies, plus nous avons la possibilité d’embaucher d’autres personnes. C’est un raisonnement très binaire, certes, mais dans les faits il porte ses fruits !

Vous êtes très concerné, visiblement…

Je le suis d’autant plus que pendant des années je n’avais pas grand-chose à faire de la planète. J’avais bien conscience que mon métier fait partie de ceux qui engendrent de la pollution sans pour autant me sentir vraiment concerné. Aujourd’hui, je suis devenu inflexible ! Un exemple. Récemment, alors que j’avais donné des consignes très strictes sur un de mes plateaux, un gars a fait brûler un pneu pour créer une épaisse fumée noire. Quand je lui ai demandé pourquoi cette fumée n’avait pas été créée artificiellement par ordinateur, il n’a pas su quoi répondre. Ce gars, le gouvernement ne le traînera pas devant les tribunaux, mais moi, je n’ai pas l’intention de laisser passer de type de comportement, d’autant que la fumée a intoxiqué tout le plateau. C’est comme les menuisiers. Je me suis aperçu qu’ils avaient tendance à clouer les planches. Je leur ai suggéré de les visser. Double avantage, vous récupérez les vis, et les planches sont quasi intactes ! Évidemment, je ne peux pas dicter mes règles au monde entier. Mais j’espère qu’à mon niveau faire prendre conscience que chaque petit geste a son importance.

Vous avez déclaré un jour qu’à 20 ans vous étiez un petit con prétentieux…

C’est souvent le cas quand vous sortez de nulle part. À 20 ans, j’étais déjà millionnaire. Pas mal pour un gamin qui, comme acteur, gagnait 25 cents par jour. Une sacrée progression sociale et salariale, vous en conviendrez. Bon, on a aussi bien profité de moi, notamment quand j’étais doublure et cascadeur pour 50 cents la journée. Quand ma cote a commencé à grimper, j’arrivais à me faire 10 dollars par jour, mais à quel prix ! Bien souvent, je revenais chez moi en boitant. À force, je suis toutefois devenu une star de la cascade et je pouvais me faire dans les 500 dollars par film, non sans risquer ma peau certaines fois. Et puis, du jour au lendemain, j’ai commencé à gagner gros, un demi-million de dollars grâce à mon premier film aux États-Unis. Moi, le petit Chinois sans éducation ! Cela dit, à l’époque, j’étais une petite frappe. À 16 ans, je traînais dans les rues, je castagnais, je buvais, je jouais aux cartes, je participais à des paris clandestins… Personne ne m’avait appris les bonnes manières. Finalement, l’aspect financier mis à part, le box-office m’a mis un peu de plomb dans la cervelle.

J’ai lu d’ailleurs que votre première belle montre, vous ne l’aviez pas payée mais gagnée au… poker !

Oui, c’est vrai ! Je jouais dans un tripot à Macao fréquenté par la pègre locale et les prostituées. Je devais avoir une vingtaine d’années. On se serait cru dans un vieux James Bond avec de l’alcool coulant à flots et des vapeurs d’opium. À la fin d’une partie, l’un des joueurs a misé sa montre parce qu’il n’avait plus de jetons. C’était une Rolex en or massif avec des diamants incrustés. Le type avait carrément le prix d’un appartement au poignet ! Je n’avais pas un jeu extraordinaire, mais avec pas mal de bluff et de concentration j’ai gagné cette partie et je suis reparti avec la montre. Je m’en souviens très bien, car je longeais les murs de peur de me faire braquer.

Jackie Chan
Jackie Chan
D’un autre côté, vous êtes Jackie Chan. Il faut être téméraire ou un peu fou pour essayer de vous piquer votre montre…

(Rires) Je n’étais pas très connu à l’époque. Et puis, entre nous, qui dit « combat » dit « coups », des coups susceptibles d’abîmer une belle montre. Avouez que cela aurait été dommage !

Est-il vrai qu’à une période de votre vie vous crouliez sous les montres ?

Oui, j’ai effectivement connu une période où j’aimais faire étalage. Tout y a passé : œuvres d’art, bolides, fringues et montres. Jusqu’au jour où j’ai compris que j’indisposais les gens. Que pouvez-vous bien répondre à vos fans qui vous demandent combien vous avez payé votre montre ? Les gens ont beau vous admirer, ils ne comprennent pas toujours que l’on puisse mettre autant d’argent dans un tel objet. J’étais un peu comme eux, à vrai dire, quand j’ai commencé à m’offrir des montres ! (Rires) Je me demandais comment un si petit truc pouvait coûter si cher. Et puis j’ai arrêté de me justifier, car, au fond, j’ai travaillé dur pour m’offrir ce que j’aime. Au départ, même si je collectionnais les montres en me disant que c’était un placement, j’admets volontiers que c’était aussi pour épater la galerie. Avec le temps toutefois, à force de me documenter et de rencontrer différents professionnels du secteur, j’ai découvert un monde fascinant. Un monde de défis constants. Certes, il y a toujours cette notion d’argent, de valeur, mais à bien y réfléchir la vraie richesse, c’est l’intelligence qu’il y a derrière la conception et la fabrication de ces montres. C’est le savoir-faire ! J’ai toujours aimé les gens ou les entreprises qui cherchent sans cesse à repousser les limites. C’est un peu l’histoire de ma vie.

Pourtant, vos parents, Charles et Lee Lee Chan, venaient d’un milieu modeste…

Oui, mon père travaillait à l’ambassade des États-Unis en Australie, en qualité de cuisinier. Ma mère était serveuse. Avant d’accepter ces jobs, nous n’avions pas d’argent à la maison. Mon enfance s’en est ressentie. Bref, lorsque mes parents ont décidé de partir en Australie, j’étais le bagage en trop, si bien que mon père a essayé de me vendre à un médecin anglais pour 200 dollars. Ce n’est qu’à la dernière minute qu’il a changé d’avis. Mais comme il ne voulait pas non plus d’une vie misérable pour son rejeton et qu’il ne savait pas trop quoi faire de moi, il m’a envoyé de force au Chinese Opera Institute. J’étais seul, triste et sans parents. Jamais une lettre. Mes parents ne savaient pas écrire. Jamais de coup de fil. Pas assez de sous. Fatalement, j’ai appris à devenir un homme à 7 ans. À l’époque, je ne rêvais pas de montres mais juste d’un peu d’attention !

Cette générosité, cet élan du cœur vous ont aussi joué des tours.

Oui, vous avez raison. Toute mon enfance, j’ai connu la pauvreté. Et je ne parle pas de fins de mois difficiles. Mes parents n’avaient tout simplement pas les moyens de me nourrir et de m’habiller. Et encore moins de chauffer notre taudis. Quand j’ai commencé à gagner de l’argent, j’ai pris confiance en moi, non sans devenir insolent, prétentieux et condescendant. Mon problème, c’est que pendant des années j’ai vécu seul. Le fait d’être soudainement entouré de gens qui s’intéressaient à moi m’a donné des ailes. Je ne réalisais pas que pour la plupart c’étaient des profiteurs. Chaque fois que nous allions au restaurant, c’est moi qui régalais pour tout le monde. Il y a une quinzaine d’années, j’ai claqué 2 millions de dollars en un an, uniquement en cadeaux : des montres, des voitures dernier cri, des vestes en cuir sur mesure, des vins millésimés, des bijoux…

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