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La montre à quartz a 50 ans!
Culture

La montre à quartz a 50 ans!

jeudi, 28 septembre 2017
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Timm Delfs
Journaliste indépendante

“À l’inverse d’une montre, un cadran solaire ne s’arrête jamais.”

Journaliste indépendant basé à Bâle, Timm Delfs gère la Zeitzentrale, un magasin qui vend toute sorte d’instruments de mesure du temps. Son amour « horloger » : les cadrans solaires.

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8 min de lecture

Le premier mouvement à quartz capable de tenir dans le boîtier d’une montre a vu le jour il y a cinquante ans, à Neuchâtel, dans un institut spécialement conçu à cet effet. Son invention a marqué le début d’une révolution dans l’industrie horlogère.

La sortie, en 1960, de l’Accutron (pour « ACCUracy through ElecTRONic »), produite par la Manufacture américaine Bulova, envoie un signal fort aux représentants de l’industrie horlogère suisse : d’importants changements sont à venir dans le domaine de la montre-bracelet. Le fonctionnement de cette montre électronique conçue par Bulova repose sur un principe inventé par l’ingénieur suisse Max Hetzel, qui travaille à l’époque pour la marque à l’usine de Bienne. L’idée de Hetzel est alors la suivante : remplacer les oscillations du balancier-spiral ou du pendule par les vibrations d’un diapason (une petite pièce métallique en forme de fourche) pour réguler le rythme du mouvement. Cette idée avait déjà été émise précédemment dans l’histoire de l’horlogerie par Louis-Clément Breguet, un des petits-fils d’Abraham-Louis Breguet, en 1866. Ce dernier avait alors intégré un diapason de 25 cm de haut au mouvement mécanique d’une pendule.

Les deux inventions qui ont permis la conception de la montre électronique de Hetzel se révéleront d’une importance majeure pour le développement ultérieur des montres électroniques en général. La première, le transistor en 1947, mène tout droit à la deuxième invention de taille : le circuit intégré (IC), en 1958. Ces composants électroniques ont permis d’imaginer pour la première fois la conception d’appareils portatifs alimentés par de petites piles. À ce titre, l’Accutron Bulova montre ainsi qu’il est possible de fabriquer une montre-bracelet cinq fois plus précise que la meilleure des montres-bracelets mécaniques. Et avec une autonomie d’au moins un an !

Le principe de la montre à quartz est connu depuis les années 1920.
Cinq ans de recherche

Gérard Bauer, alors président de la Fédération horlogère suisse (FH), est très inquiet. Il pressent le danger imminent qui menace l’industrie horlogère suisse, encore bien inconsciente de ce qui se trame. C’est pourquoi, en 1959, il fonde un nouvel institut de recherche à Neuchâtel : le Centre électronique horloger (CEH). Les ingénieurs et électroniciens qui sont recrutés par René LeCoultre, membre de la FH, se voient confier la mission de développer un nouveau type de montre-bracelet au moins aussi performant que l’Accutron de Bulova. Au début, plusieurs options sont envisagées. Mais le projet qui imagine un autre système à diapason est bloqué par le brevet de Bulova, extrêmement bien ficelé.

Le principe de la montre à quartz est connu depuis les années 1920. Au tout début, les premières horloges à quartz ont la taille d’une armoire et consomment une énorme quantité d’électricité. Dès 1960, les plus petites horloges à quartz fonctionnent à pile et ont désormais la taille d’un chronomètre de marine dans sa boîte. Rêver de les miniaturiser jusqu’à atteindre la taille d’une montre-bracelet relève alors, semble-t-il, de la pure utopie. Mais au CEH, ils sont assez nombreux à y croire et à être désireux de prendre le risque de se lancer dans cette voie. De nombreux collaborateurs sont ainsi recrutés parmi les fabricants américains de semi-conducteurs, car d’évidence la Suisse ne peut pas fournir assez de spécialistes dans ce domaine. Et dès 1962, c’est officiel : le CEH va se concentrer désormais sur le quartz.

Un des tout premiers calibres Bêta 1. © Timm Delfs

Il faudra cinq ans à l’équipe pour réaliser ce que tout le monde jugeait impossible. En août 1967, deux prototypes différents sont finalisés et en état de marche. On les appelle « Bêta 1 » et « Bêta 2 » (le projet de la poursuite des travaux sur l’Accutron et son oscillateur à diapason, qui fut abandonné, s’appelait « Alpha »). Les deux versions diffèrent essentiellement par les micromoteurs qui mettent en mouvement les aiguilles. La même année, 11 mouvements des deux versions sont présentés à l’Observatoire de Neuchâtel dans le cadre d’une compétition annuelle de précision horlogère, le Concours chronométrique. Le directeur de l’Observatoire, Jacques Bonanomi, peine à en croire ses yeux quand il voit les résultats : ce nouveau type de mouvement électronique se révèle 10 fois plus précis que la plus précise des montres-bracelets mécaniques.

Un des tout premiers calibres Bêta 2. © Timm Delfs
Et pendant ce temps au Japon…

En effet, cette glorieuse victoire fut quelque peu ternie par un amer constat : en examinant les résultats, les scientifiques suisses réalisent que leurs Bêta 1 et Bêta 2 sont suivis de près par des mouvements conçus par une marque japonaise, Seiko. Deux équipes de scientifiques, à une dizaine de milliers de kilomètres l’une de l’autre, travaillaient donc sur de mêmes projets sans le savoir et les ont finalisés presque en même temps. Cela dit, les mouvements de Seiko étaient légèrement inférieurs, car leurs oscillateurs à quartz n’étaient pas thermo-compensés. En revanche, l’agencement de leurs mouvements était plus visionnaire puisque les composants étaient bien plus faciles à industrialiser. De fait, leur quartz en forme de diapason et capable d’être reproduit par photolithographie ainsi que le moteur pas à pas de type Lavet sont toujours standards aujourd’hui.

Cependant, la crise qui s’ensuit et ébranle violemment l’industrie horlogère suisse ne résulte pas seulement de la légère avance technologique japonaise, elle traduit surtout deux conceptions différentes de l’avenir de la technologie du quartz. Pour les Japonais, une nation très adaptée à l’âge de l’électronique, il était logique que les prix élevés des premières montres à quartz ne durent pas : la rationalisation et les processus de fabrication modernes permettraient à coup sûr de rendre le produit moins cher avec le temps.

Ci-dessus. l'équipe qui a assemblé les premiers mouvements Bêta testés à l'Observatoire de Neuchâtel en 1967. © CSEM

Mais par ailleurs, en Suisse, la très haute précision d’une montre à quartz était considérée comme quelque chose d’exclusif, ces montres seraient donc produites en nombre très limité, à des prix très élevés, pour une poignée d’heureux élus. Pas une seule Manufacture n’était prête à jeter par-dessus bord son précieux équipement dédié à la fabrication de montres mécaniques pour le remplacer par des outils destinés à produire des mouvements électroniques. Sans compter qu’il était tout simplement impossible de convertir des horlogers en électroniciens suffisamment vite pour suivre la cadence.

L'Observatoire de Neuchâtel. © Timm Delfs
Qu’est devenu le CEH ?

On sait ce qu’il advint à la suite de ces deux divergences de vue. La crise qui laisse sans emploi un tiers de la main-d’œuvre horlogère à la fin des années 1970 n’arrive à son terme que grâce à l’avènement de la montre Swatch en 1983, qui bat les Japonais sur leur propre terrain. Le coup de génie : sa production était si hautement automatisée qu’il ne fallait pratiquement aucune main-d’œuvre pour faire fonctionner les machines.

À la suite de l’immense triomphe des Bêta 1 et 2 lors de leur présentation, les ingénieurs du CEH planchent sur l’industrialisation de leurs deux prototypes. Résultat : le mouvement Bêta 21 est intégré aux modèles de certaines marques qui étaient actionnaires du projet. Seuls 6 000 exemplaires seront produits, bientôt remplacés par les mouvements à quartz développés dans le plus grand secret par d’autres marques à l’instar d’Omega, de Longines et de Girard-Perregaux. Le CEH continue d’exister jusqu’en 1984, date à laquelle il devient le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM), un institut de recherche indépendant à but non lucratif et au service de l’industrie suisse. Il existe alors une étroite collaboration entre le CSEM et l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), dont une partie de l’Institut de microtechnique est installée à Neuchâtel. Les chercheurs de l’EPFL partagent d’ailleurs le bâtiment Microcity avec les équipes du CSEM. Le fabricant de semi-conducteurs et autres composants électroniques, EM Microelectronic-Marin (www.emmicroelectronic.com), est une spin-off du CEH. Tout d’abord nommée Ébauches électroniques SA, EM Microelectronic a été fondée en 1975 et est aujourd’hui la propriété du groupe Swatch.

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