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La « personnalité » des métaux horlogers (I)
Regards de connaisseurs

La « personnalité » des métaux horlogers (I)

mardi, 16 juillet 2019
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Yannick Nardin
Rédactrice indépendante

“Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles, mais par manque d’émerveillement.”

Gilbert Keith Chesterton

« Une montre c’est une fenêtre sur le génie humain ! » Et si tout n’avait pas été dit ?

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7 min de lecture

Oui, vous pouvez pincer votre bras de titane, vous ne rêvez pas. Cœur d’or ou moral d’acier, les métaux possèdent une véritable personnalité. Et les horlogers savent composer avec leurs humeurs, armés de savoir-faire et de patience.

Pour optimiser les performances de leurs montres et en soigner l’esthétique, les horlogers n’hésitent pas à dompter la matière. Ils l’aiment non métallique (carbone, céramique, saphir ou encore résines – matériaux davantage utilisés depuis une vingtaine d’années) mais aussi métallique – précieuse ou moins noble, aux alliances aussi multiples que celles de Game of Thrones ! En ce qui concerne l’habillage – boîte, cadran, aiguilles et couronne –, les métaux propices se comptent pourtant sur quelques doigts : or, platine, titane, acier, parfois argent et bronze, plus rarement tantale et palladium. Car, pour l’horloger, tout n’est pas bon dans le métal. « Il faut qu’il résiste aux frottements et aux écarts de température, qu’il ne se ternisse pas, qu’il soit non corrosif, usinable et bien entendu non toxique. Impossible d’utiliser de l’arsenic ou du nickel. Et on utilise de moins en moins de plomb pour faciliter l’usinage », rappelle Andreas Mortensen, professeur en métallurgie à l’EPFL.

Réf. 5520P Grandes Complications platine © Patek Philippe
Réf. 5520P Grandes Complications platine © Patek Philippe

Pourtant, aucun risque de s’ennuyer. « Depuis le début du siècle, la clientèle haut de gamme a appris à apprécier l’esthétique d’alliages moins conventionnels. En parallèle, la recherche sur les alliages traditionnels continue et améliore encore leurs propriétés », poursuit le professeur. Ainsi, de nouveaux alliages sont régulièrement présentés, tels ceux d’or et de céramique à l’image du Céragold d’Oméga ou encore du Magic Gold développé conjointement par Hublot et l’EPFL. Nombre d’horlogers s’amusent d’ailleurs à mitonner leurs propres cocktails métalliques. Francis Simonnet, Directeur de Les Boîtiers Genève, ajoute : « De nouvelles technologies d’usinage apparaissent constamment, comme le laser ou des logiciels aux nouvelles fonctions. Elles ouvrent des possibilités toujours plus vastes d’utilisation des métaux, notamment au niveau des formes de boîtier. »

L’or, si doux, si résistant et si beau…

Ah, l’or, objet de tant de convoitises… À juste titre, car il possède autant de qualités qu’un homme à marier. Saviez-vous qu’il était prisé depuis plusieurs millénaires ? Les Égyptiens l’extrayaient déjà en 3000 av. J-C, considéré dans cette civilisation comme le symbole du soleil. En métallurgie horlogère, l’or figure parmi les premiers de classe. Il est utilisé dans sa forme massive ou plaquée pour les montres et horloges à ressort depuis qu’elles existent. En effet, l’or résiste à la corrosion et à l’oxydation. En tant que métal « noble », il reste imperméable aux acides et aux bases – ce qui le qualifie donc de « noble ». Le mariage horloger parfait !

Les horlogers et fabricants de composants aiment l’or, car il fond “comme de l’eau”.

L’or pur, trop doux pour l’horlogerie, gagne en dureté grâce à l’ajout d’argent, de cuivre, de zinc ou encore de palladium. Naturellement de couleur jaune pâle, il va changer de teinte selon l’alliage avec d’autres métaux pour devenir jaune, rose, rouge, blanc, gris, vert (existant aussi à l’état naturel), violet et même bleu, par oxydation des atomes de fer à sa surface après avoir chauffé l’alliage. L’or inspire beaucoup les horlogers, qui concoctent leurs alliages de rêve, plus beaux et plus résistants que ceux réalisés par le passé ou par la concurrence. Rolex garde ainsi jalousement sa recette maison d’or rose exclusif, l’Everose, dont le nom évoque un éclat éternel.

Oyster Perpetual Daytona Rainbow in Everose © Rolex
Oyster Perpetual Daytona Rainbow in Everose © Rolex

Les horlogers et fabricants de composants aiment également l’or, car il fond « comme de l’eau » pour se couler dans la forme voulue. « La matière d’or fondue, parfaitement amalgamée, facilite le polissage de la surface. D’autant que l’or n’est pas très dur, explique Francis Simonnet. En revanche, lors de la déformation à chaud, l’or garde mémoire de son ancienne forme et se comporte un peu comme un ressort ! L’or gris est le plus difficile. » La Maison Patek Philippe fabrique elle aussi ses propres boîtes en or. Et d’expliquer apprécier « ce très beau matériau, aisé à travailler comparé à d’autres comme le platine ».

Le platine, un surdoué sujet à la peau d’orange

Voilà un autre chouchou des horlogers avec quelques airs d’enfant rebelle. Noble comme l’or, très résistant, dense et quasiment inaltérable, le platine ne ternit presque pas au fil du temps. Cependant, les caractéristiques de rêve de ce métal blanc à gris-blanc se doublent d’un usinage et d’un polissage très compliqués. « Il n’existe pas de pépites de platine. Il provient de terre affinée qui donne une mousse de platine, comme de la farine et très explosive ! Le platine ne peut être fondu parfaitement comme l’or : il est formé de microbilles collées les unes aux autres. En raison de cette structure, le platine se révèle très abrasif, confie Francis Simonnet. Une fois sorti de la fonte, il faut le forger, l’écraser de tous côtés pour amalgamer ces petits grains. S’il reste de l’air entre eux, le polissage devient un casse-tête. Celui-ci doit se faire lentement et longuement, pour éviter d’arracher ces grains, ce qui donnerait un effet “peau d’orange” malvenu. La difficulté n’est pas de faire briller le platine mais plutôt d’ôter les micro-défauts de la surface. »

Pour réaliser un boîtier de platine, il faudra trois fois plus d’outils que pour les boîtes en or.

Un polissage ardu, d’autant que « le platine, très résistant à l’oxydation, ne se couvre pas d’oxydes. Ses atomes métalliques “collent” donc plus avec d’autres matériaux, par exemple lors des frictions dues au polissage », précise Andreas Mortensen. Patek Philippe évoque aussi ces contraintes : « Pour fabriquer puis assembler et enfin faire les finitions sur un boîtier de platine, il nous faudra trois fois plus d’outils que pour les boîtes en or, par exemple. Ils ont tendance à s’user plus rapidement avec cette matière abrasive et collante. » Pour la Grand Seiko Masterpiece Collection Spring Drive Cal.9R02, le Micro Artist Studio de Seiko a développé « des outils spécifiques par leur matière, mais aussi par leur vitesse de rotation. Avec des méthodes traditionnelles, les outils de polissage trop durs font perdre de la précision au boîtier. De plus, lors du polissage, il est impératif de contrôler parfaitement la pression de la main ». Résultat : un décor « snowflake » inédit sur le boîtier ainsi que sur le cadran du modèle.

Alors, or ou platine ? Bel homme aux multiples alliances ou surdoué aux allures rebelles ? Dans les deux cas, chacun de ces précieux vaut son pesant d’or !

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